LES SITUATIONS SOCIOECONOMIQUES ET LES MENACES SUR L'EMPLOI DES SENIORS EN EUROPE EN 2013 (2)
06 mai 2013
II. Le chômage de masse et les décrochages scolaires sans qualification des Jeunes alimentent les crises sociales
La crise économique a accru la précarité sociale (mesurée par le risque de basculement dans la pauvreté et l’exclusion sociale) et le chômage qui frappent durement les Jeunes dans de nombreux pays européens. Globalement, le nombre de personnes en activités a légèrement baissé entre la fin de 2011 et la fin de 2012, d’environ -0,7% pour les pays de la zone euro et de -0,4% l’ensemble des Etats de l’Union européenne. La crise de l’emploi dans les pays de l’Europe du sud apporte des contributions négatives à l’activité en Europe. Les principaux pays de l’Europe du nord (Allemagne, Pays-Bas, Autriche, Finlande, Royaume-Uni, Tchéquie, Suède, Danemark) présentent des taux d’activités supérieurs à 70% parmi les hommes et les femmes du cœur de la population active entre 20 ans et 64 ans à la fin de 2012. Et si l’on ajoute les indicateurs du chômage global et du chômage des Jeunes entre 15 ans et 24 ans, on distingue l’Europe prospère et l’Europe en crise. La France constitue une véritable ligne de séparation de ces deux parties de l’Union européenne, avec presque 70% de taux d’activités des 20-64 ans, un taux de chômage de 10,5% et un chômage des Jeunes à hauteur de 25,4% à la fin de 2012. Au-dessous de ces indicateurs cumulés, on retrouve les pays déjà connus dans des difficultés économiques tels que l’Italie, l’Espagne, le Portugal, la Grèce, la Slovaquie, l’Irlande et Chypre au sein de la zone euro où le taux d’activité global est très inférieur à 70%, le chômage global très supérieur à 10% et le taux de chômage des Jeunes très supérieur à 25%. Hors de la zone euro, les caractéristiques similaires se retrouvent en Pologne, en Bulgarie et en Hongrie, mais avec une moindre intensité du chômage des Jeunes que dans des pays du sud de la zone euro. Le tableau ci-dessous montre les difficultés très variables au sein des pays de l’Union européenne :
Pays Européens | Population en activité en fin 2012 (en milliers) | Taux d'activité des populations entre 20 et 64 ans, en fin 2012 (en %) | Taux de chômage par rapport à la population active, en fin 2012 (en %) | |||
total | hommes | femmes | total | Jeunes : 15-24 ans | ||
Allemagne | 41 943 | 77,1 | 82,1 | 72,0 | 5,4 | 7,9 |
France | 26 885 | 69,3 | 73,7 | 65,0 | 10,5 | 25,4 |
Italie | 24 525 | 60,8 | 71,2 | 50,5 | 11,2 | 36,9 |
Espagne | 17 475 | 58,5 | 63,5 | 53,4 | 26,1 | 55,2 |
Pays-Bas | 8 666 | 77,2 | 82,2 | 72,2 | 5,6 | 9,8 |
Portugal | 4 545 | 65,1 | 68,5 | 61,8 | 17,0 | 38,4 |
Belgique | 4 521 | 67,2 | 71,9 | 62,4 | 8,1 | 22,0 |
Autriche | 4 197 | 75,5 | 80,8 | 70,2 | 4,6 | 8,7 |
Grèce | 3 992 | 54,1 | 63,7 | 44,4 | 26,0 | 57,9 |
Finlande | 2 480 | 73,3 | 75,0 | 71,6 | 7,9 | 19,3 |
Slovaquie | 2 195 | 64,6 | 72,5 | 56,8 | 14,4 | 35,1 |
Irlande | 1 850 | 64,1 | 68,7 | 59,6 | 14,3 | 29,4 |
Slovénie | 926 | 68,5 | 72,7 | 64,1 | 9,4 | 23,2 |
Estonie | 602 | 72,1 | 75,9 | 68,6 | 9,8 | 19,3 |
Chypre | 368 | 69,8 | 75,6 | 64,4 | 13,3 | 31,8 |
Malte | 172 | 63,9 | 78,9 | 48,2 | 6,6 | 14,5 |
Luxembourg | 387 | 71,7 | 78,8 | 64,5 | 5,3 | 18,5 |
Zone Euro 17 | 145 729 | 67,9% | 73,9% | 61,9% | 11,8% | 23,7% |
Royaume-Uni | 31 900 | 74,8 | 80,6 | 69,1 | 7,7 | 20,7 |
Pologne | 15 528 | 65,0 | 72,3 | 57,7 | 10,4 | 27,5 |
Roumanie | 9 261 | 63,6 | 71,8 | 55,6 | 6,7 | 22,2 |
Tchéquie | 5 131 | 71,9 | 80,5 | 63,1 | 7,2 | 19,3 |
Suède | 4 590 | 79,2 | 81,9 | 76,5 | 8,1 | 24,1 |
Hongrie | 4 156 | 62,7 | 68,9 | 56,7 | 11,0 | 28,8 |
Bulgarie | 3 132 | 63,4 | 66,6 | 60,3 | 12,5 | 28,4 |
Danermark | 2 808 | 75,3 | 79,0 | 71,5 | 7,3 | 14,2 |
Lithuanie | 1 272 | 68,8 | 70,5 | 67,1 | 13,2 | 24,2 |
Lettonie | 896 | 69,3 | 71,3 | 67,6 | 14,3 | 24,7 |
Union européenne 27 | 224 403 | 68,5% | 74,6% | 62,5% | 10,7% | 23,2% |
Les indicateurs cumulés respectifs des taux d’activités supérieurs à 70%, des taux de chômage global inférieur à 10% et le chômage des Jeunes inférieur à 20% caractérisent : l’Allemagne (77,1% - 5,4% - 7,9%), au Pays-Bas (77,2% - 5,6% - 9,8%), en Autriche (75,5% - 4,6% - 8,7%), en Finlande (73,3% - 7,9% - 19,3%), en Estonie (72,1% - 9,8% - 19,3%) et au Luxembourg (71,7% - 5,3% - 18,5%). Au sein de la même zone euro, la situation dans ces pays contraste très nettement avec celle prévalant en Italie (60,8% - 11,2% - 36,9%), en Espagne (58,5% - 26,1% - 55,2%), au Portugal (65,1% - 17% - 38,4%), en Grèce (54,1% - 26% - 57,9%), en Slovaquie (64,6% - 14,4% - 35,1%), en Irlande (64,1% - 14,3% - 29,4%) et à Chypre (69,8% - 13,3% - 31,8%). Ces contrastes ne sont donc pas imputables à la monnaie commune et unique de l’euro. Pourquoi cette monnaie serait-elle favorable aux six pays vertueux ci-dessus et deviendrait un énorme frein aux sept autres pays structurellement en crise profonde ? La cause de ces disparités est contenue dans les capacités des Etats à engager des réformes économiques de structure et à s’imposer la rigueur de gestion publique, comme cela est largement démontré dans l’ouvrage « Le Partenariat Europe-Afrique dans la mondialisation » (Editions L’Harmattan, 2013). Les mêmes situations distinguent les pays engagés dans la gestion rigoureuse des Etats hors de la zone euro : le Royaume-Uni (74,8% - 7,7% - 20,7%), la Tchéquie (71,9% - 7,2% - 19,3%), la Suède (79,2% - 8,1% - 24,1%) et le Danemark (75,3% - 7,3% - 14,2%). Dans le même ordre, il convient de constater les différences culturelles de gestion et de stratégies économiques entre les anciens pays de la Tchécoslovaquie, désormais séparés en l’Etat Tchèque qui se rapproche de l’Europe du nord et la Slovaquie qui rejoint progressivement les pays de l’Europe du sud.
L’une des leçons remarquables sur les situations socioéconomiques de ce début de 2013 en Europe, c’est l’ampleur des disparités des taux d’activités des femmes, tant au niveau de la zone euro que dans l’ensemble de l’Union. L’Europe sociale peine à trouver son rythme. Aussi, en zone euro, les femmes travaillent proportionnellement plus nombreuses aux Pays-Bas, en Allemagne, en Finlande et en Autriche avec une proportion de plus de 70% de femmes en activités dans la population féminine 20-64 ans. De plus, l’écart de la proportion des femmes en activité par rapport celle des hommes reste inférieur à la moyenne européenne de 12 points. Il convient de constater que les pays ayant connu les plus grandes crises en Europe sont également ceux dont les taux d’activité des femmes sont les plus faibles, au-dessous de 60%. Ce sont l’Irlande, l’Espagne, l’Italie et la Grèce, rejoints par la Slovaquie et Malte. L’écart des proportions entre les femmes et les hommes en activité est encore plus important en Italie, en Grèce et à Malte, au-delà de 20 points. Seul, le Luxembourg parmi les pays à forte activité des femmes et des hommes affiche un écart supérieur à la moyenne de l’Europe avec 14 points entre les hommes et les femmes.
Pays européens en fin 2012 | Taux d’activité des Femmes (%) | Ecart Hommes-Femmes (points) | Pays européens en fin 2012 | Taux d’activité des Femmes (%) | Ecart Hommes-Femmes (points) | |
Pays-Bas | 72,2 | 10,0 | Belgique | 62,4 | 9,5 | |
Allemagne | 72,0 | 10,1 | Portugal | 61,8 | 6,7 | |
Finlande | 71,6 | 3,4 | Irlande | 59,6 | 9,1 | |
Autriche | 70,2 | 10,6 | Slovaquie | 56,8 | 15,7 | |
Estonie | 68,6 | 7,3 | Espagne | 53,4 | 10,1 | |
France | 65,0 | 8,7 | Italie | 50,5 | 20,7 | |
Luxembourg | 64,5 | 14,3 | Malte | 48,2 | 30,7 | |
Chypre | 64,4 | 11,2 | Grèce | 44,4 | 19,3 | |
Slovénie | 64,1 | 8,6 | Zone Euro 17 | 61,9% | 12,0 |
Enfin, dans les pays hors de la zone euro, les femmes travaillent proportionnellement plus nombreuses dans les pays à faible intensité avec moins de 60% qu’au sein de la zone euro. Aussi, la plus faible proportion se retrouve en Roumanie où des femmes en activité représentent 56% des femmes de 20-64 ans (avec un écart hommes-femmes de 16 points) contre 44% en Grèce (et un écart hommes-femmes de 19 points). Même si le plus gros écart hommes-femmes hors de la zone euro se trouve en Tchéquie avec 17 points, où cependant les femmes en activités restent nombreuses à 63%, c’est au sein de la zone euro que cet écart est le plus important. Ainsi, en Espagne, en Italie, à Malte et en Grèce, les taux d’activité des femmes sont les plus faibles au sein de l’Union européenne, avec respectivement 53%, 51%, 48% et 44%. De même, les écarts les plus importants en Europe se retrouvent en Italie, à Malte et en Grèce avec respectivement 21, 31 et 19 points d’écart des proportions des femmes en activité par rapport aux hommes. L’harmonisation sociale et économique en Europe reste un énorme chantier.
Pays européens en fin 2012 | Taux d’activité des Femmes (%) | Ecart Hommes-Femmes (points) |
Suède | 76,5 | 5,4 |
Danermark | 71,5 | 7,5 |
Royaume-Uni | 69,1 | 11,5 |
Lettonie | 67,6 | 3,7 |
Lithuanie | 67,1 | 3,4 |
Tchéquie | 63,1 | 17,4 |
Bulgarie | 60,3 | 6,3 |
Pologne | 57,7 | 14,6 |
Hongrie | 56,7 | 12,2 |
Roumanie | 55,6 | 16,2 |
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Union européenne 27 | 62,5% | 12,1 |
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III. Conclusion
Les difficultés économiques et sociales en Europe sont aggravées par les réformes de structures insuffisantes dans de nombreux pays. Au sein de la zone euro, les différences s’accroissent entre les pays situés au nord et à l’est de la France d’une part, et les pays situés au sud. Selon les capacités et la vitesse à se réformer en profondeur, la France peut ainsi basculer dans la partie sud ou rester dans l’Europe du nord. Deuxième puissance économique de l’Union européenne derrière l’Allemagne, la situation de la France en Europe n’est pas neutre, et l’avenir de la zone euro peut en dépendre étroitement. Pour retrouver la confiance des peuples dans des pays dont la crise a révélé les fortes fragilités dans les politiques publiques de gestion, les réformes en profondeur deviennent indispensables et urgentes, notamment dans les pays de l’Europe du sud. Le prétexte de l’inadaptation de l’euro aux économies européennes, brandi pas les eurosceptiques de droite et de gauche en France et en Europe du sud, pour masquer l’incapacité des Etats à se battre dans la mondialisation, se heurte à une démonstration que les pays sérieux de l’Europe du nord en ont fait un outil performance socio-économique pendant la crise et de réussite économique. Les défis de l’horizon 2020 s’imposent à tous les pays de l’Union européenne. Le partenariat Europe-Afrique dans le développement industriel de l’Afrique est un ressort indispensable à l’Europe pour réussir la relance de la croissance économique et sociale face à la mondialisation.
Emmanuel Nkunzumwami
Auteur de « Le Partenariat Europe-Afrique dans la mondialisation », Ed. L’Harmattan, 2013.
Analyste politique sur Radio Africa n°1.