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Conclusion 1.

 

Le Parlement européen attendu à l’issue des élections européennes des 22 au 25 mai 2015 intégrera le nouveau pays membre, la Croatie. La population européenne s’est également accrue en 2014. L’Allemagne qui pèse 15,8% de la population européenne ne comptera que 12,9% de son Parlement alors que la France qui pèse 12,9% de la population de l’Union ne sera représentée que de 9,7% des Parlementaires. Ces grands pays doivent alors céder proportionnellement leurs sièges au profit des six petits pays qui auront moins de 10 Parlementaires (Lettonie, Slovénie, Chypre, Estonie, Luxembourg et Malte). Depuis 1979, le Parlement européen, le Conseil européen et la Commission auraient dû préparer les fondations solides de l’Europe convergente. Les six pays fondateurs pèsent 39,2% du Parlement européen. Si l’on élargit aux douze Etats qui ont longtemps porté l’Europe, ceux-ci pèsent 64,8% dans le Parlement. L’Europe occidentale des quinze pays constituant l’Union pèse 71,5% dans le Parlement. Les réformes de structure et les convergences économiques, sociales, fiscales et industrielles solides étaient donc possibles avant tout élargissement ultérieur. Le Conseil européen, la Commission et le Parlement sont donc comptables devant les citoyens.

 

En comparaison avec son homologue américain, le Parlement européen n’est pas surdimensionné selon le tableau  ci-dessous :

 

 

 

population 2014
(en millions)

Nombre de Parlementaires

Elus / 100.000 habitants

Union européenne

511,4

766

0,15

Etats-Unis

316,7

535

0,17

Allemagne

80,8

691

0,85

France

65,8

925

1,41

 

 

L’Union européenne compte 1,5 Parlementaire pour 1 million d’habitants alors que les Etats-Unis en comptent 1,7 pour l’ensemble du Congrès. Au niveau des Etats de l’Union, la France compte plus 14 Parlementaires pour 1 million d’habitants lorsque l’Allemagne n’en compte que 9 environ. La surreprésentation parlementaire française est donc avérée, d’autant que la France conserve ses 22 parlements régionaux, 100 conseils départementaux et plus de 36.000 conseils municipaux. La charge financière française pour supporter ces importantes dépenses publiques contribue à alourdir le poids de sa démocratie et à renforcer la désaffection de ses citoyens face au monde politique. Aux dernières élections municipales, pourtant proches des habitants pour la gestion quotidienne de leurs communes, la participation était de 54,7% au 1er tour du23 mars 2014, puis elle a baissé à 52,4% au second tour du 30 mars 2014. Nul doute que lors de l’unique tour des européennes du 25 mai 2014 pour un Parlement très éloigné des préoccupations quotidiennes des citoyens, la participation sera encore plus faible. Tout se passe comme s’il y avait l’Europe des puissants, des dirigeants, des acteurs économiques majeurs, des experts et l’Europe des peuples. Ces « deux Europe » se croisent, mais ne se rencontrent plus aujourd’hui. Pourtant, l’Union européenne est la plus belle construction et la plus belle aventure des Européens depuis la fin de la seconde guerre mondiale.

        


Conclusion 2 :

 

Depuis 1994, les électeurs allemands ne se sont pas plus mobilisés au-delà de 45% et le taux de participation a baissé  à 43,3% en 2009. En dehors de la Belgique et du Luxembourg où le vote est obligatoire, seul le Danemark enregistre une hausse  de participation de 48% en 1979 à 59,5% en 2009. L’Espagne avait adhéré dans l’euphorie avec 68,5% de participation à ses premières élections européennes en 1984, mais les désillusions sont rapidement arrivées et ce taux a baissé à 45% en 2004. De même, la France qui lui est culturellement proche, avait démarré avec 60,7% en 1979 ; mais elle est tombée à 42,8% en 2004, puis à 40,5% en 2009. La participation de nombreux nouveaux Etats membres est révélatrice des difficultés de fonctionnement des institutions européennes et de son incapacité à convaincre les citoyens. Si la Bulgarie a démarré ses premières élections avec une participation de 37,5%, la Hongrie avait affiché 36,3%, la Slovénie et l’Etat tchèque bloquaient à 28,2%, la Roumanie s’arrêtait  à 27,4%, la Pologne affichait 24,5%, la Lituanie se contentait de 20,9% alors que les Slovaques n’étaient que 19,6% à se déplaçaient vers les bureaux de vote. L’Europe et son Parlement manquent-ils alors de visibilité, de clarté, d’ambition et de sens pour tant de citoyens ?

Où sont alors les ambitions européennes clamées par les Politiques lors des énergiques campagnes électorales et quels sont les bilans des Parlementaires européens sortants ? Les programmes deviennent des pâles copies d’une élection à une autre, avec les mêmes candidats éligibles indéfiniment pour la cohérence d’ensemble, mais ces élus « oublient » d’honorer leurs promesses en venant expliquer leurs actions dans les débats publics devant les citoyens.

 

Pour la jeunesse européenne : hormis les programmes Erasmus pour les étudiants, où sont les « universités européennes » pour rivaliser avec leurs homologues américaines, chinoises, japonaises ? Où en est le « passeport jeune européen » et le ticket de transport pour la libre circulation de la jeunesse au moindre coût ? Où en sommes-nous avec les langues européennes obligatoires d’enseignement pour la diffusion de la culture, des arts, et des savoirs technologiques pour les jeunes européens ? C’est pourtant la condition indispensable pour créer l’idéal européen de la jeunesse et de l’identité européenne. L’Europe compte 511,4 millions d’habitants qui ne se reconnaissent pas dans la culture européenne commune. Quelles sont les politiques économiques et sociales convergentes des formations, d’apprentissage des métiers, d’enseignement en alternance, de recherche et développement coordonnées au niveau européen pour réduire le chômage des Jeunes qui varie de 9% en Europe du nord jusqu’à plus de 50% en Europe du sud ?

 

Pour l’économie et la fiscalité : comment construire une Union européenne qui abrite en son sein des « Etats zones franches » fiscalement et des pays à forte explosion fiscale comme la France ? Comment faire fonctionner l’Europe avec des taux de TVA pouvant varier de 0% à 30% selon les pays, des taux d’imposition sur les sociétés variant de 10% à 35% ? Pourquoi l’euro fort est-il devenu un accélérateur de croissance en Allemagne et en même temps un frein pour la croissance en France ? Comment doit-on gérer les dettes des Etats membres défaillants, notamment en Europe du sud ? Comment calibrer le grand emprunt européen pour les investissements industriels du futur lorsque les pays de l’Europe du nord « riches et bien gérés » ne veulent pas faire caisse commune avec les pays de l’Europe du sud « pauvres et mal gérés » ? Quelles stratégies industrielles communes pour faire émerger les champions mondiaux en Europe selon les filières (pharmacie, chimie, agro-alimentaire, transport, énergie, automobile, électronique, télécommunications, etc.) ? Comment gérer les politiques sociales européennes des coûts et des revenus salariaux trop disparates entre les pays de l’Europe du nord accordant des salaires confortablement élevés (Royaume-Uni, Allemagne, Belgique, Luxembourg), les pays à revenus salariaux intermédiaires mais  avec des coûts salariaux élevés (France, Espagne, Italie) et des pays à très faibles revenus jusqu’à dix fois inférieurs pour les qualifications comparables en Europe de l’Est (Bulgarie, Roumanie, Hongrie) ?

 

Enfin, les réalisations des engagements des élus européens : les permanences européennes dans chaque département ne se font-elles pas toujours attendre ? Les réunions régulières dans les circonscriptions pour débattre des actions européennes avec les citoyens ont été oubliées par les 74 députés européens français. Certains pays sont majoritairement opposés à l’adhésion de la Turquie à l’Union européenne (France, Pays-Bas, Allemagne, notamment) mais le processus d’adhésion se poursuit par la Commission et le Conseil de l’Europe ? Y’a-t-il une parole différente des dirigeants selon qu’ils parlent à leurs citoyens nationaux ou dans les conclaves de l’Union ? Certains Européens sont majoritairement opposés aux nouveaux élargissements depuis le début des années 2000 et ils ont passé le message par le « non » au référendum du 29 mai 2005 en France et aux Pays-Bas ; mais les élargissements restent à l’étude pour l’Ukraine, la Serbie, la Turquie, etc. Il apparaît alors normal que les citoyens ne comprennent rien aux subtilités diplomatiques du « oui et non » à la fois.

 

Depuis le traité simplifié dit « Traité de Lisbonne » (car il a été initié par la France et l’Allemagne, et signé à Lisbonne au Portugal), le président de l’Union élu pour 2,5 ans et le Haut Représentant des Affaires étrangères ont été institués et existent. Pourtant l’Europe reste inaudible. Dans la crise en Côte d’Ivoire en 2010-2011, dans les violences en Libye et en Egypte en 2011, dans les drames humains qui se poursuivent en Syrie depuis 2012, dans la guerre au Mali et les affrontements violents en Centrafrique en 2013, dans la crise ukrainienne et le bras de fer entre l’Ukraine et la Russie qui occupe ses territoires en 2014, l’Europe brille par son absence. Les initiatives restent nationales, et pilotées par la France et le Royaume-Uni, en concertation avec l’Allemagne pour les moyens logistiques. La défense européenne n’existe toujours pas pour crédibiliser et appuyer les prises de sanctions de l’Europe dans des crises du monde. Chaque Etat défend son territoire et en cas d’intervention sur les théâtres extérieurs, l’Europe s’appuie sur les Etats-Unis, l’OTAN et le bon vouloir des politiques nationales des Etats (France, Royaume-Uni, Allemagne...). L’Europe n’a donc ni politique étrangère, ni défense commune. Les institutions européennes ne font plus rêver et l’Europe apparaît de moins en moins visible et crédible pour les Européens eux-mêmes. La sécurité publique des Etats membres est souvent mise à rude épreuve et donc remise en cause par le manque de moyens ambitieux communs pour assurer la police des frontières  de l’espace Schengen.  La politique européenne de l’immigration se cherche toujours une position claire et des moyens d’actions depuis de nombreuses années, certains Etats étant considérés comme des passoires des clandestins.

   

Les voix s’élèvent de plus en plus au sein des états-majors des partis politiques de droite et de gauche. Les dirigeants expriment ouvertement leurs désaccords sur les politiques européennes : des élus à vie qui se font renouveler l’investiture dans des conditions opaques et des carriéristes qui courent vers l’Europe pour s’assurer de meilleurs revenus.  Le divorce s’accroît entre les privilégiés de la classe politique, qui s’autoalimentent en s’auto-justifiant, et les électeurs qui ne les croient plus. Les promesses n’engagent que ceux qui les écoutent, car elles ne sont pas tenues. Aussi, la désaffection des électeurs aux élections européennes s’accroît à chaque nouvelle élection. Globalement, le taux de participation aux élections européennes est passé de 62% en 1979 à 59% en 1984, puis à 49,5% en 1999 avant de tomber à 42,9% en 2009. Les Européens se détournent de plus en plus nombreux des bureaux de vote, en laissant le soin aux protestataires et à quelques militants convaincus des partis installés de régler le problème électoral et de l’avenir de l’Europe entre eux. Nul doute que le taux de participation aux européennes de 2014 ne dépassera pas 40%.  Mais que vaudra démocratiquement, pour les citoyens, un parlement composé avec la participation de 30% à 40% du corps électoral européen ? Déserté par les citoyens et les partis démocratiques, le Parlement européen risque de devenir un lieu d’expression publique de la destruction programmée de l’Union européenne par les idéologues actifs de l’extrême droite européenne.

 

 

  EXTREME DROITE-copie-1

 

Emmanuel Nkunzumwami

 

Essayiste, Analyste politique et économique sur Radio Africa n°1.

 

Auteur de « La montée de l'extrême droite en France » et de « Le partenariat Europe-Afrique dans la mondialisation », aux Editions L’Harmattan

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