EXTREME DROITE

La cérémonie du 14-juillet-2014 s’inscrit dans la série des manifestations de commémoration du centenaire du début de la grande guerre de 1914-1918.  Aussi, 80 nations ont été conviées aux cérémonies du défilé. On garde donc le souvenir des tragédies dans les mémoires : 1914-2014. Une fête grandiose, où la France manifeste sa maîtrise d’organisation, sa puissance militaire et ses liens historiques avec d’autres grandes nations à travers le monde. La terre picarde, aujourd’hui connue comme la terre de conquête du Front national aux dernières élections européennes où ce parti a réalisé son plus gros score régional, est parsemée de cimetières internationaux (australiens, britanniques, sud-africains, chinois, canadiens, etc.) de cette Première guerre mondiale. Le musée de cette guerre où son déroulement et ses horribles moments sont présentés, se trouve à Péronne, dans la Somme. Le wagon, dans la clairière de la Rotonde où fut signée la capitulation de l’Allemagne, se trouve à côté de la ville de Compiègne dans l’Oise, également en Picardie. Mais en 1940, Adolf Hitler s’y est précipité à son tour –dans le même train, assis à la même place que le Maréchal Joffre – pour signer la capitulation de la France.

Passé ce rappel historique, le défilé du 14-juillet-2014 s’est terminé, comme tous les ans, par l’interview tant attendue du président de la République, dans l’un des salons de l’Elysée. Mais que retenir de cette interview de 39 minutes, devant les journalistes Gilles Bouleau et David Poujadas ?

A une question posée par David Poujadas au président Hollande, suggérant que son Premier ministre Manuel Valls, aurait défendu des options différentes lors des primaires précédant l’élection présidentielle de 2012, et qu’il n’aurait donc pas les mêmes options que le président François Hollande aujourd’hui, ce dernier répond que le temps des primaires est déjà passé, qu’ils sont aujourd’hui aux affaires ensemble, qu’il l’a choisi pour appliquer la politique que lui, président, a décidée. Il lui reconnaît trois qualités en direct : « Manuel Valls a le sens de l’efficacité, de l’organisation et de la rapidité ». Sous-entendu, les qualités qui faisaient défaut à son prédécesseur, Jean-Marc Ayrault. Le président François Hollande suggère également que l’ « on peut tout interpréter et on fait généralement fausse route ». Il a subliminalement rappelé la phrase de l'un de ses prédécesseurs, Jacques Chirac, parlant de ses relations avec un certain ministre de l'Intérieur, Nicolas Sarkozy : "Moi, je décide. Lui, il applique". Une cohabitation souvent difficile lorsque les protagonistes appartiennent au même camp politique.

Nous nous permettons alors d’interpréter, quitte à dérouter certains actifs de sa majorité parlementaire ou gouvernementale, ou encore ceux qui s’opposent à sa politique. Où en est la France et ses réformes en 2014 ?


1-    Le Président Hollande insiste qu’il n’intervient pas dans le cours de la justice, sur des affaires judiciaires en cours ou  venir, y compris celles de son prédécesseur Nicolas Sarkozy, mis en examen dans les affaires des écoutes téléphoniques où il aurait promis un poste diplomatique à Monaco à un haut magistrat de la Cour de cassation, contre le suivi et la transmission des informations de son dossier judiciaire en cours d’instruction.  Aujourd’hui, il convient de rappeler que l’ancien président Nicolas Sarkozy est visé par plusieurs affaires, dont les détournements de l’usage des comptes de l’UMP pour le financement de sa campagne à l’élection présidentielle de 2012, et le paiement de sa pénalité administrative de plus de 363k€ transférée et payée sur le compte de l’UMP. Le président François Hollande rappelle qu’il est le « garant de l’indépendance de la justice », et que «  cela est l’exigence même de nos concitoyens ». On peut le croire ! Mais la confiance n’exclut pas la vigilance. La France compte plusieurs personnes innocentes condamnées à tort. Elle applique le droit sur certains Français "présumés innocents" tant que la justice, à laquelle il appartient de prouver la culpabilité, ne les a pas condamnés. Mais elle ferme les yeux sur les "Présumés coupables" auxquels il appartient de prouver leur innocence. Ces derniers sont souvent des Français issus de l'immigration africaine. Garant de l'indépendance de la justice ne suffit plus, Monsieur le président, vous êtes aussi le garant de bon fonctionnement de la justice, de l'équité dans l'exercice des magistrats et de la reconnaissance du droit à tous les habitants de la France. Le racisme et la haine n'ont pas leur place dans l'exercice de la magistrature. Le nettoyage est donc aussi de votre responsabilité...


2-    A la question sur la reprise économique tant attendue, mais qui n’arrive pas ! Il déclare, « la  reprise est là, mais elle est fragile ! ». « la crise de la zone euro est déjà passée ». On voudrait bien le croire, mais lorsque la France affiche une croissance nulle en 2012, de 0,3% en 2013, et probablement de 0,4% en 2014, l’on ne peut pas dire que la reprise a lieu. Il convient de rappeler que l’inflation en juillet, en année glissante, est de 0,5%. Dès lors, il faudra une croissance au-moins égale à l’inflation pour neutraliser les effets de la crise sur la perte du pouvoir d’achat. Tant que la France n’aura donc pas atteint au-moins 0,6%-0,9% (ou plus selon le rebond de l'inflation), on ne pourra pas parler de reprise de croissance, car tout sursaut d’inflation annulerait la maigre reprise de la croissance. Certes, la France n’est pas en récession, mais elle stagne. Raison pour laquelle, elle ne peut pas créer des emplois pour faire baisser le chômage.


3-    Le « pacte de responsabilité et de solidarité » est-il efficace ? Aujourd’hui, on n’en voit toujours pas les effets. A sa décharge, il a été lancé le 14 janvier 2014 ; il apparaît dès lors difficile, voire impossible d’en cueillir les premiers fruits, car il lui faudra du temps. Néanmoins, il informe les Français que ce pacte a commencé à se mettre en mouvement. Exemple : le secteur de la chimie annonce 45.000 créations d’emplois à durée indéterminée et 5.000 contrats d’apprentissage. C’est bien, mais c’est très peu. Car lorsqu’un pays de 66 millions d’habitants, dont 26 millions d’actifs recense 3,4 millions de chômeurs « sans aucune activité » ou encore 5,2 millions de chômeurs « sans activité ou avec une activité très réduite de quelques heures par mois », est frappé par un chômage aussi massif, créer 45.000 emplois ne résorbe même pas le surcroit de chômeurs arrivant sur le marché de l’emploi chaque mois. Le président est outré que certains chômeurs le soient depuis deux ans : « je sais ce qu’est le chômage », s'indigne-t-il. Mais, Monsieur le président, certains chômeurs le sont depuis plus de 2 ans, et même depuis plus de 5 ans ! Le pacte de responsabilité et de solidarité pourra produire des effets dans deux ou trois. Pour le quinquennat et le temps politique, c'est un bon rythme, car les réformes prennent toujours du temps pour se concrétiser, notamment lorsque l'on touche aux fondements et à la structure de la société, de ses habitudes et de sa mentalité. Mais pour un chômeur, deux ans, c'est une éternité ! Le problème en France, ce n’est pas d’entrer au chômage, c’est d’en sortir. Ce n’est pas tant de quitter son emploi, c’est d’en trouver un autre. La réforme de société aurait dû commencer par-là, au lieu de diviser les Français avec le mariage pour tous !


4-    Le président François Hollande est-il social-libéral ? Néanmoins, il en applique les politiques. Annoncer 700 contrats d’apprentissage dans la fonction publique d’Etat, c’est bien. Augmenter ce nombre de quelques autres centaines, c’est indispensable dans le cadre de la cohésion et de la solidarité nationales. Mais, ce n’est pas la fonction publique qui crée des emplois durables, productifs, créateurs de richesse pour la nation. Pour payer les emplois publics, il faut que le secteur privé et les contribuables rapportent de l'argent dans les caisses de l'Etat. Mais aujourd'hui les caisses de l'Etat sont vides, -et mêmes surchargées de dettes-, et il manque de l'argent car les comptes publics sont déficitaires. C’est bien dans le secteur marchand, privé ou semi-étatique, qu’il faut tourner les regards. En annonçant 10 milliards d’euros, transférés aux entreprises en mai 2014, et en programmant 40 milliards d’euros supplémentaires sur trois ans entre 2015 et 2017 correspondant à la réduction des charges pesant sur les entreprises pour leur permettre  d’investir et de créer des emplois à travers la baisse du coût du travail, il applique une véritable politique social-libérale. La richesse de la nation proviendra des entreprises qui innovent, investissent, augmentent leur production, conquièrent les marchés internationaux, et apportent du surplus de revenus à leurs salariés à travers les augmentations salariales, tout en confortant leurs marges bénéficiaires. La nation s’enrichit lorsque tous ses acteurs s’enrichissent. La nation se porte bien lorsque les entreprises dégagent des bénéfices pour payer des taxes et impôts, les dividendes pour les actionnaires, l’intéressement et les primes pour les salariés, et génèrent l’autofinancement pour accroître les investissements de production. L'Etat peut alors retrouver l'équilibre de ses comptes et redistribuer des ressources pour lancer de nouvelles créations d'activités.


5-    Le président François Hollande est-il clair dans ses choix économiques et politiques ? La réponse vient directement des citoyens. Les sondages depuis son investiture indiquent que le président ne convainc pas, ne convainc plus depuis son élection pourtant obtenue avec près de 52% des suffrages exprimés. En mai 2014, il a atteint 18% de côte  de confiance. Aujourd’hui, il oscille entre 20% et 22%. Sa méthode, qu’il a redite ce 14-juillet-2014, « dialogue d’abord, décision ensuite ». Les décisions à prendre seront mises en œuvre avant la fin de 2014 ! Mais, cette méthode est opaque, peu lisible depuis son élection en mai 2012. Est-ce une communication qui ne passe pas ? Est-ce la méthode qui ne s’adapte pas à la situation d'une crise exigeant une rapidité de décision et d’exécution. Lorsque les Socialistes ont augmenté les impôts et taxes dès leur arrivée au pouvoir en 2012, le président explique qu’il s’agissait d’une décision en vue de diminuer les déficits publics et la dette. Mais, les déficits budgétaires s’entêtent aujourd’hui au-delà de 4% du PIB et la dette est passée de 1.780 milliards d’€ en 2012 à plus de 2.000 milliards d’€ au bout de deux ans. Il y a donc eu un choix peu judicieux par l’accroissement de la pression fiscale. 


6-    Les impôts seront baissés dès 2014 pour 3 millions de contribuables et quelques centaines de plus en 2015. C’est un moyen de leur rendre le pouvoir d’achat que l’Etat leur avait pris entre 2012 et 2014. Donc, retour à la case départ de 2012 ! La décision nouvelle, c’est la baisse réelle du coût du travail. A la question s’il faut diminuer le SMIC, la réponse du président est d’une clarté réjouissante pour les salariés. Non, on ne baisse pas le niveau du SMIC. Il est évident que la baisse du SMIC s’accompagnerait par la baisse concomitante de la consommation et de l’investissement des ménages. Enfin, le niveau global des salaires en France est inférieur à celui des autres pays industrialisés comparables, à qualification équivalente, au Royaume-Uni, en Allemagne (même si ce pays n’applique pas le SMIC), la Belgique, la Suède, l’Autriche, etc. tirer vers le bas les salaires déjà bas, ce n’est ni une solution économique, ni une orientation sociale pertinente. Le SMIC français est ajusté au 35 heures. Mais, il faudrait libérer le travail jusqu'à 45 heures hebdomadaires maximum, pour les entreprises qui le peuvent. Mais dans ce cas, il faudra aussi accroître le revenu dans les mêmes proportions.


7-    L’inversion de la courbe du chômage a été au centre des objectifs du président François Hollande dès son arrivée à l’Elysée. Mais, le chômage est passé de 9,4% en 2012 à 10,5% en 2014, sur deux ans. Tous les problèmes socio-politiques en France sont en grande partie assis sur le chômage élevé, de longue durée et le pouvoir d’achat qui n’a pas suivi les besoins, cela s’est traduit pas la stagnation de la croissance et la baisse de la consommation intérieure. Certes, celle-ci a eu un impact sur la baisse de l’inflation, descendue à 0,5% sur un an glissant en juin 2014, mais aussi elle a aussi boosté la montée de l'extrême droite dans les élections municipales de mars 2014 et les élections européennes de mais 2014. La baisse de la confiance du président François Hollande est aussi corrélée avec cet engagement qui n’a pas, et qui ne pouvait pas être tenu, car les orientations économiques et fiscales étaient contraires à cet objectif. Ce n'est donc pas une courbe à inverser, puisqu'elle résulte des situations socio-économiques du pays, mais l'ordre des priorités et des actions dans les réformes de structures en France.


8-    Le président François Hollande voudrait que son quinquennat soit marqué par une trace : les réformes. « Que les Française se souviennent de moi comme le président qui a opéré des réformes », insiste le président. Aussi, après deux ans passés à l’Elysée, le président donne enfin un sens à son quinquennat. Les réformes. Mais, il a déjà perdu deux ans. Rien ne pouvait être solidement et durablement construit sans les moyens financiers de l’Etat, et les entreprises ne pouvaient pas relancer la croissance sans fiscalité assouplie. La croissance économique est un pacte de confiance entre la stabilité de l’environnement fiscal et social garantie par l’Etat, et le dynamisme des entreprises du secteur marchand qui créent des richesses de la nation, accompagnés de la formation permanente des ressources humaines qui s’adaptent aux exigences des contraintes du monde et à des relations économiques internationales ouvertes. La grandeur des nations se mesurent aujourd'hui à la solidité de leurs économies, à la puissance de leur maîtrise des technologies et à leurs capacités militaires. La France balbutie sur le premier indicateur de la solidité de son économie. Or tout est bâtie sur le socle de l'économie.


9-    Enfin, le président donne un cap pour son quinquennat de réformes : 2014 sera l’année des réformes économiques (et fiscales) et la mise en œuvre du « pacte de responsabilité et de solidarité ». Ensuite, 2015 sera l’année des réformes pour la santé, la jeunesse, la vieillesse et de renforcement du service civique pour la jeunesse. Et enfin, 2016 sera une nouvelle année des réformes de société. Il y inclura le vote des Etrangers non communautaires aux élections locales. Mais cette réforme est déjà vouée à l’échec, tant les Français y restent majoritairement opposés. Mais alors, pourquoi le président a-t-il attendu si longtemps, deux années pleines,  pour commencer par là où il aurait dû commencer dès son arrivée à l’Elysée ? Pourquoi a-t-il commencé par les réformes sociétales du « mariage pour tous » qui ont divisé la société française et précipité la chute de sa côte de confiance vis-à-vis de ses concitoyens ? Parce qu’il était encore lié au pacte électoral de la gauche socialiste, consistant à déconstruire tout ce que le quinquennat précédent avait mis du temps à construire, pour des raisons purement idéologiques. Il s’en est libéré le 14 janvier 2014, quand il s’est enfin assumé tel qu’il est : un président social-démocrate. Nous savions qu'il l'était, mais il ne pouvait pas l'avouer, pour ne pas décevoir ses camarades socialistes. Il a ainsi perdu deux ans !


10- Le président François Hollande prend le pari sur l’avenir après 2017 : "que les Français vivent mieux", a-t-il répété, après son quinquennat que quand il l’a commencé. Il pose les briques pour l’avenir sur l’innovation et l’investissement. Les réformes de structure passent alors par les réformes économiques, fiscales et de formation de la jeunesse (éducation, formation professionnelle et apprentissage). Précisément, c'est par là qu'il fallait lancer son quinquennat en 2012. Créer de la richesse pour la nation d’abord, et redistribuer les fruits de la croissance ensuite. Et c’est cela le social-libéralisme. François Hollande est un président politiquement social-démocrate et économiquement social-libéral. Le « pacte de responsabilité et de solidarité » en est une première traduction visible. La baisse des taux d’intérêts et de la fiscalité pour les acteurs économiques est un autre début de démonstration. Mais le président a perdu deux ans pour agir… Les résultats sont donc également décalés d'autant. Français, veuillez donc patienter encore.

 

emmanuel-1     Emmanuel Nkunzumwami

         Analyste politique et économique

     Auteur de "La montée de l'extrême droite en France" et de "Le Partenariat Europe-Afrique dans la mondialisation". Ed. L'Harmattan, Paris.

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