LE DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE ET SOCIAL PAR L'ÉDUCATION DE LA JEUNESSE
09 oct. 2024Nous poursuivons les débats sur le développement économique et social des nations, notamment dans les pays en retard à travers le monde. Nous assumons depuis longtemps l’importance des six piliers indispensables pour faire progresser les économies des pays les plus en retrait sur la marche du monde.
I. Rappel sur les six piliers du développement économique et social
Dans différentes publications, nous avons détaillé les contenus de ces piliers. Ils sont communs à toutes les nations. Pour rappel, ce sont :
1- La sécurité des frontières, la paix et la sécurité intérieures des peuples, la sécurité des institutions et la sécurité des investissements dans le pays. L’absence de ces différentes dimensions de la sécurité et de la paix suffit à elle seule à éloigner les investisseurs intérieurs et extérieurs, compromettant ainsi les chances de sortir les pays de la misère et de la pauvreté, et à doter le pays des moyens à la population pour progresser. Chaque pays, seul ou avec ses partenaires régionaux ou internationaux, est investi d’une mission d’entretenir ce pilier sur l’ensemble de son étendue.
2- La sécurité alimentaire, médico-sociale et environnementale pour toute la population du pays. Cela peut sembler naturel et évident pour les pays ayant atteint un niveau de progrès avancé, mais demeure un axe de combat et d’inquiétude permanente pour les pays englués dans les famines, les environnements agressifs, insalubres ou inhospitaliers, l’aridité des sols, les infrastructures médico-sanitaires inadaptées, l’insuffisance des productions agricoles vivrières et l’incapacité à en importer, les populations éloignées des centres de soins, le défaut d’assainissement devenu le vecteur d’épidémies diverses. Le taux de mortalité infantile anormalement élevé, un niveau très faible de l’espérance de vie, des conditions de vie précaires sont des manifestations de la fragilité de ce pilier. Il ne peut y avoir de développement économique et social pour les peuples condamnés à la survie au quotidien.
3- L’éducation scolaire, l’éducation culturelle, l’alphabétisation des adultes, la formation professionnelle, l’enseignement supérieur et la recherche constituent un ensemble des politiques publiques de préparation des bases du développement et de l’avenir d’un pays. Les dimensions de ce pilier comprennent l’éducation de base, la formation de professionnelle et les dispositifs de formation continue tout au long de la vie des acteurs du développement. Une nation qui rate l’éducation et la formation de sa jeunesse est une nation vouée au reste des échecs des autres piliers de son développement économique et social. Nous y reviendrons à travers les comparaisons internationales sur l’un des éléments constitutifs de ce pilier : le tronc commun de l’éducation scolaire au premier cycle du second degré. Le principe cardinal de ce pilier du développement est le rapprochement des infrastructures scolaires et des ressources éducatives avec les jeunes dans leurs bassins de vie. Ce sont les structures d’éducation qui vont vers les enfants et les jeunes. D’énormes étendues de nombreux pays et la dispersion des bassins de vie requièrent l’effort des Etats de créer des écoles, des équipements adaptés de même niveau que dans les centres urbains et de déplacer les ressources humaines d’enseignement et d’encadrement vers les jeunes, et non l’inverse.
4- Les infrastructures de communication et les équipements des transports sont indispensables à la circulation des informations, des services, des biens et des personnes. De nombreux pays, en Afrique et en Amérique notamment, comme dans les espaces étendus en Asie, requièrent des moyens de communication et de transports plus importants pour irriguer toute l’étendue du pays. Qu’il s’agisse des infrastructures aéroportuaires et des aéronefs des transports aériens, des infrastructures ferroviaires et des matériels roulants, des aménagements fluviaux avec des ports et des bâtiments du transport maritime, ou encore des routes et autoroutes pour désenclaver les territoires ruraux et des provinces éloignées des centres urbains. L’on sait que la sécurité alimentaire et médico-sociale, ou l’aménagement des infrastructures scolaires et hospitalières peuvent fortement pâtir des défauts d’infrastructures de communication et des transports. Dans le livre : « La Relance de l’Afrique » (Editions L’Harmattan, Paris 2017), nous avons insisté sur l’optimum des infrastructures routières et ferroviaires pour relier les populations en comparaison avec les pays émergents.
5- L’accès à l’électricité pour toute la population du pays est indispensable au progrès économique et social. Nous avons déjà produit des études comparées d’accès des populations à l’électricité à travers le monde. Le fonctionnement de nombreux piliers du développement tels que l’éducation pour tous les jeunes, les infrastructures des communications et des transports, l’aménagement des espaces et le traitement des déchets, ainsi que l’industrialisation par les transformations des ressources dans le pays requièrent l’accès à l’électricité. Le monde a atteint un niveau de progrès technologique tel que la recharge du téléphone mobile, l’utilisation des ordinateurs, l’usage de la voiture électrique pour les déplacements, le train, l’éclairage public et des habitations, l’accès au télé-enseignement à travers des équipements digitaux, le développement des spécialités de la médecine conventionnelle, etc. passent par l’accès à l’électricité qui en conditionne le progrès et le gain pour les populations. Un document complet a été consacré à l’accès comparé des populations à l’électricité à travers le monde, pays par pays. Il est également publié sur le site : www.nouvelle-dynamique.org en libre accès.
6- L’industrialisation par les transformations des matières premières minières, énergétiques, forestières ainsi que des productions agricoles est indispensable au développement des pays et des peuples par la création des chaînes de la valeur ajoutée. Elle permet aux populations de s’approprier une partie des richesses de leurs pays, participe au soutien à l’emploi et à des activités, ouvre l’accès et la maîtrise des techniques de production et des évolutions technologiques, et entretient l’autonomie économique et financière des jeunes dans leurs pays qui participe très significativement à la lutte contre les migrations des forces vives des nations. Nous y reviendrons ultérieurement dans un dossier spécialement consacré au développement industriel international comparé. Aujourd’hui, les pays les moins industrialisés et les plus pauvres sont ceux qui contiennent des ressources naturelles diverses les plus abondantes dans le monde. Les coopérations régionales pour leur valorisation peuvent constituer des pistes pour disposer des investissements et des savoir-faire pour leur exploitation et leur transformation.
Ces différents piliers du développement sont solidairement interdépendants. Nous poursuivons le débat sur les évolutions récentes et les situations actuelles comparées de l’accès à l’éducation de la jeunesse dans les différentes géographies du monde et en Afrique.
II. Les performances comparées de l’éducation des adultes en Europe
En Europe, de nombreux pays ont développé l’accès à l’éducation au cours du XXème siècle et ils accélèrent depuis le début du XXIème siècle. Ils ont bien compris que le progrès scientifique, technologique, industriel, économique, médico-social, informationnel passe par la maîtrise des savoirs, et donc par l’éducation d’un maximum des jeunes. L’avenir s’inscrit dans la qualité de l’éducation de la jeunesse, avec le sérieux, la compétence et les efforts de son encadrement. Dans les études indiquées du livre auparavant cité : « La Relance de l’Afrique » (Editions L’Harmattan, Paris 2017), nous comparions les populations scolarisées selon les niveaux d’éducation par rapport aux classes d’âges de l’ensemble des jeunes concernés par ces niveaux. Aujourd’hui, nous comparons les proportions des personnes ayant terminé le premier cycle du second degré par rapport aux populations de 25 ans ou plus dans les pays. En général et dans de nombreux pays, les jeunes acquièrent les savoirs fondamentaux solides à l’issue du premier cycle de l’enseignement du second degré, pour les approfondir ensuite en s’orientant dans l’enseignement général ou dans les formations techniques, technologiques et professionnelles du second cycle d’enseignement du second degré. Ces comparaisons internationales portent donc sur l’appréciation de la population possédant un tronc commun de connaissances de l’enseignement du second degré. Il s’agit donc d’une mesure quantitative, qui ne préjuge pas du niveau de la qualité des enseignements reçus.
L’étude s’étend sur vingt-trois dernières années, de 2000 à 2022. De nombreux pays affichent une progression continue, année par année. Bien entendu, chaque année les pays enregistrent les nouvelles populations de vingt-cinq ans et plus. Aussi, les pays tels que l’Islande, la République tchèque, le Royaume-Uni, la République slovaque, l’Autriche ou l’Estonie connaissent les niveaux les plus élevés, oscillant entre 98% et 99% (presque 100%) de leurs populations âgées de vingt-cinq ans et plus, ayant terminé le premier cycle du second degré. Ils figurent parmi les pays les plus avancés en Europe et dans le monde.
Les autres pays tels que la Suisse, les autres pays baltes (Lettonie, Lituanie), les pays scandinaves (Norvège, Suède, Danemark, Finlande) ou encore l’Europe du Nord (Allemagne et Pays-Bas) connaissent également des niveaux avancés d’éducation de leurs populations, entre 91% et 98% en 2022. L’on peut alors comprendre que l’employabilité de leurs populations et les performances de leurs économies sont corrélées avec le niveau d’éducation de leurs populations actives.
Les autres pays tels que le Luxembourg et la Belgique, la Bosnie-Herzégovine issue de la désintégration de l’ex-Yougoslavie, l’Irlande dont l’économie a été boostée par son basculement en zone franche européenne, et la France qui éprouve des difficultés à assainir sa gestion publique et à clarifier les ambitions de l’éducation de sa jeunesse, évoluent entre 87% et 91% en 2022. Le complémentaire de ces données se retrouve dans le taux d’illettrisme dans le pays. Bien entendu, la France est le plus grand pays de ce groupe et le plus peuplé ; néanmoins, la situation de l’éducation de sa jeunesse impacte également ses performances économiques et l’intégration des jeunes adultes dans le monde du travail. Enfin, ces différents pays d’Europe bénéficient de leur culture d’anciennes puissances industrielles historiques face aux pays émergents, devenus leurs principaux challengers. Le tableau ci-dessous montre les performances comparées des pays européens dans l’éducation de la population de vingt-cinq ans et plus. C’est donc la proportion des habitants de cette tranche d’âge ayant validé le premier cycle du second degré, analysée entre 2000 et 2022.
Tableau 1 - comparaison des performances des pays européens sur les populations de 25 ans et plus ayant terminé le premier cycle du second degré
Les pays de l’Europe du Sud se détachent avec de faibles performances, tels que Chypre, l’Espagne, l’Italie, la Grèce, la Serbie, la Macédoine du Nord ou encore le Portugal. Dans ces pays, la part de la population de vingt-cinq et plus ayant terminé le premier cycle du second degré varie entre 64% et 86% en 2022. Les faibles performances économiques de ces pays ont été en partie poussées par l’intervention de l’Union européenne, ou l’ambition d’intégrer cet espace européen qui impose des barrières économique et politique très élevées. L’éducation est un pilier des performances durables d’une saine gestion. L’on peut apprécier les efforts du Portugal passant de 25% en 2000 à 65% en 2022 ou l’Italie qui est passée de 64% en 2001 à 83% en 2022 ou encore Chypre qui accru ses capacités passant de 67% en 2004 à 86% en 2022, dans une progression continue. Le tableau suivant montre les efforts accomplis depuis vingt-trois ans par les pays de l’Europe du Sud pour accroître leurs performances dans l’éducation. Il y a une forte corrélation entre les performances de l’éducation et le développement économique.
Tableau 2 - comparaison des performances des pays européens sur les populations de 25 ans et plus ayant terminé le premier cycle du second degré. Le point d’interrogation accompagnant certaines données exprime un doute sur la cohérence de ces données. Une partie des populations n’ayant pas validé le premier cycle du second degré peut risquer de basculer dans le handicap de l’illettrisme
III. Les performances comparées dans l’éducation des pays du reste du monde, hors l’Afrique et l’Asie
Ailleurs dans le monde, on peut remarquer que de nombreux pays exercent un effort soutenu dans le maintien d’un niveau minimum d’éducation, au moins pour le tronc commun des savoirs fondamentaux et des connaissances du premier cycle du second degré. Trois pays se placent notamment en tête dans la géographie de l’Amérique : les Etats-Unis d’Amérique sont passés de 96,4% en 2000 à 97,8% en 2023 (soit pratiquement le maintien du même effort sur vingt-quatre ans), le Canada est passé de 88,4% en 2000 à 96,3% en 2023, derrière les Etats-Unis dans toutes les Amériques. Dans l’Océanie, c’est l’Australie qui ferme le trio dans le reste du monde hors Europe et Asie. Il est clair que le niveau d’éducation est une pierre angulaire qui soutient le développement économique et social atteint par ces pays. Trois autres pays affichent une excellente performance, mais les données sont très dispersées dans le temps. La Russie a baissé de 97,2% en 2002 à 93,9% en 2010, puis à 98,3% en 2021 ; alors que son voisin, la Bélarussie passe de 91,4% en 2009 à 98,2 en 2019. Tonga affiche également une progression continue de 2006 à 2021, avec un avantage d’une faible population de 106.890 habitants en 2024, sur 748 km².
Les pays tels que le Panama, le Brésil, la République dominicaine, l’Uruguay, le Pérou, la Bolivie, la Colombie, l’Equateur, le Costa Rica et El Salvador présentent le niveau de la part de leurs populations entre vingt-cinq et plus, ayant terminé le premier cycle du second degré, entre 48,8% et 66,6% en 2022. L’on peut considérer qu’une part significative de leurs jeunes adultes oscille entre l’illettrisme et l’inactivité qui exercent leur impact sur les performances dans le développement économique. Il y a alors un écart important entre l’Amérique du Nord et l’Amérique du Sud, qui se traduit également dans les écarts des niveaux de développement économique et social, et dans les migrations des jeunes du Sud vers le Nord. La structure démographique des pays du Sud favorisant plutôt les populations jeunes, l’effort de ces premiers est d’autant plus important que le fort accroissement de cette population exige des investissements budgétaires soutenus pour répondre aux besoins de l’éducation. Ce n’est plus seulement un choix politique, mais un impératif économique pour construire un avenir pour tous les habitants de ces pays : former efficacement tous les acteurs du développement et maintenir les habitants productifs dans tous les territoires.
Enfin, l’Amérique du Sud connaît également des pays accusant un fort retard dans l’éducation : le Honduras est passé de 20,4% en 2001 à 32,5% en 2019 ; le Guatemala est passé de 16,4% en 2002 à 32,3% en 2019, alors que le Nicaragua est passé de 22,4% en 2001 à 35,5% en 2014, accusant également l’un des plus bas scores de cette géographie du monde. Il y a une corrélation entre ces faibles niveaux d’éducation dans ces pays et le retard de leur développement économique. Il convient de noter également les dispersions ou le manque des données dans certains pays, exprimant des carences de statistiques de suivi dans leur gouvernance. Le tableau suivant montre les performances comparées des pays de ce reste du monde.
Tableau 3 - comparaison des performances des pays du reste du monde sur les populations de 25 ans et plus ayant terminé le premier cycle du second degré
IV. Les performances comparées dans l’éducation des pays d’Afrique
Le niveau relativement bas des performances de l’éducation de certains pays de l’Amérique du Sud demeure encore supérieur à celui de nombreux pays africains. Nous allons parcourir le continent africain du sud à l’est, puis du centre à l’ouest, et enfin au nord, dans les cinq régions de ce continent pour comparer les niveaux d’éducation des populations des pays dans l’ensemble des habitants de vingt-cinq ans et plus, ainsi que leurs dynamiques d’évolutions entre 2000 et 2022. Après plus de 60 ans de sortie de la colonisation, pour un grand nombre de pays, le bilan des faibles performances constatées dans l’éducation n’est plus imputable seulement à l’héritage colonial. Il est donc temps que les principes du modèle ORC (cfr. NERES Conseil) y soient implémentés et appliqués. Aujourd’hui les pays africains disposent des experts africains dans les domaines essentiels, en interaction avec leurs collègues d’Europe, d’Amérique et du reste du monde, pour contribuer au développement économique et social adapté à l’Afrique. Mais, les piliers fondamentaux tels qu’ils ont été énoncés demeurent les mêmes, car ils s’appliquent à tous les pays. C’est l’ambition des dirigeants des pays, l’allocation des ressources et la gestion publique qui font la différence.
1- En Afrique Australe : six pays ont très significativement évolué entre 2001 et 2022. Il s’agit de l’Afrique du Sud (de 55,6% en 2001 à 77,1% en 2022, soit plus de 20 points gagnés en en vingt-deux ans). Il figure, avec le Zimbabwe, parmi les pays les plus avancés en Afrique. Le Zimbabwe a même atteint 89,6% en 2021, alors que le Botswana atteignait 71% la même année et l’Île Maurice affichait 72% en 2020. Même si les six pays : Afrique du Sud, Botswana, Maurice, Zambie, Zimbabwe et Eswatini peuvent se classer parmi les pays affichant des performances au-dessus de 60%, les efforts demeurent erratiques. Le maintien de l’effort reste indispensable pour atteindre le seuil d’une population détenant le tronc commun des savoirs fondamentaux comparables aux grandes nations, avec plus de 90% de la population des adultes de plus de vingt-cinq ans. Les autres pays restent très loin derrière le peloton de tête, avec des performances trop faibles : le Madagascar baisse de 28,5% en 2018 à 18,4% en 2021 ; le Malawi baisse de 22,8% en 2017 à 18,8% en 2021 ; l’Angola progresse de 22,2% en 2004 à 40,0% en 2021, mais ce niveau d’éducation est encore faible au regard d’importantes ressources économiques disponibles dans le pays. La Namibie dispose d’un potentiel de croissance, passant de 28,5% en 2001 à 55,5% en 2016, pour rejoindre le peloton de tête de la région. En Afrique Australe, ce ne sont pas des ressources économiques et financières qui manquent pour accroître les performances de l’éducation. Une ambition politique pour le développement propulserait les résultats au-delà des 90% avant 2040. Mais pour cela, c’est à la racine qu’il faut s’attaquer aux faiblesses : scolariser 100% de tous les enfants dès l’école primaire et combattre l’évaporation dans le second degré. Le tableau suivant indique les évolutions comparées des pays de la région.
Tableau 4 - comparaison des performances entre les pays de l’Afrique Australe sur les populations de 25 ans et plus ayant terminé le premier cycle du second degré, analysée entre 2000 et 2022. Le point d’interrogation accompagnant certaines données exprime un doute sur la cohérence de ces données. Une partie des populations n’ayant pas validé le premier cycle du second degré risque de basculer dans le handicap de l’illettrisme. Les données demeurent erratiques
2- En Afrique Orientale : seul le Kenya affiche une performance variable de 73% en 2021 et 65% en 2022. Parmi les dix autres pays de la région, l’Ouganda éprouve des difficultés à franchir le palier de 40% et 30% pour le Rwanda. Ce dernier, sévèrement secoué par le génocide contre les Tutsi en 1994, s’est remis debout, et il a pu se redresser et atteindre jusqu’à 23,2% en 2021 ; le chemin à parcourir reste encore long pour atteindre 90% de sa population de vingt-cinq ans et plus, mais cela n’est pas impossible avant 2040, si telle est l’ambition du pays et de ses dirigeants. Cependant, la pression démographique et les ressources limitées impactent la progression. Dans d’autres pays toujours englués dans les crises sécuritaires tels que la Somalie, le Soudan du sud, le Burundi et même l’Ethiopie, il faut construire simultanément le pilier de la sécurité et la paix, et celui de l’éducation. Avec des taux affichés, respectivement de 11% en Somalie en 2022 ; de 10,3% en 2019 en Ethiopie ; et 9,3% au Burundi en 2017, la hauteur de la marche pour atteindre un minimum de 50% demeure encore trop haute. L’émergence économique est encore trop lointaine, en dehors des slogans politiques convenus. Le tableau suivant indique les énormes efforts à accomplir pour relever les niveaux de l’éducation dans de très nombreux pays de l’Afrique Orientale, aux cotés des autres piliers du développement économique et social.
Tableau 5 - comparaison des performances entre les pays de l’Afrique Orientale sur les populations de 25 ans et plus ayant terminé le premier cycle du second degré, analysée entre 2000 et 2022. Le suivi statistique des données de ce pilier fait défaut dans de nombreux pays de la région
3- En Afrique Centrale : seule la République démocratique du Congo oscille autour de 50% des adultes de vingt-cinq et plus ayant terminé le premier cycle du second degré. Pour les sept autres pays, les situations sont incertaines par manque de données de suivi. Aussi, la République du Congo a pu afficher un taux de 39% en 2015, puis elle a disparu des radars des études. Le Cameroun a perdu 10 points, passant de 40,4% en 2014 à 30,3% en 2018. Il est donc bien loin de 60% en 2023, en comparaison avec le reste du monde, et l’émergence s’éloigne. Le Tchad et la République centrafricaine émargent respectivement à 8,8% et 12,5% en 2019 ; nous y sommes donc bien loin de la moitié au moins de la population considérée. Un pays entier ne peut pas émerger avec un niveau aussi bas d’éducation de sa population. Le slogan de l’émergence ne concerne donc qu’une infime élite instruite au pouvoir dans ces pays, et qui contrôle l’essentiel des leviers de l’économie nationale. Le tableau comparatif des résultats est indiqué ci-dessous :
Tableau 6 - comparaison des performances entre les pays de l’Afrique Centrale sur les populations de 25 ans et plus ayant terminé le premier cycle du second degré, analysée entre 2000 et 2022. Les pays les moins peuplés sont ceux qui assurent moins le suivi des performances de l’éducation
4- En Afrique Occidentale : le Ghana et le Nigeria se détachent du reste des pays de la région, mais leurs performances oscillent autour de 50%. Le Nigeria affiche un taux presque constant de 49,4% en 2006 à 49,8% en 2021. Il ne progresse nullement. Le Ghana passe de 40,6% en 2006 à 46,4% en 2021, après avoir dépassé légèrement 50% entre 2010 et 2015. Les efforts ne sont pas constamment soutenus pour que le pays progresse significativement et constamment. Les autres pays de cette région présentent des niveaux d’éducation très faibles. Le Bénin qui affichait un niveau de 14,3% en 2002 n’est encore qu’à 13,4% en 2021. Dans les pays du Sahel : le Mali est parti de 10,3% en 2006 et atterrit à 11,6% en 2020. Le Burkina Faso avait atteint 7,9% en 2006, mais les crises successives le maintiennent encore à 11,5% en 2021. Quant au Niger, les performances demeurent très faibles entre 6,9% en 2011 et 7,5% en 2019. Pendant que le Sénégal progresse très lentement passant de 7,5% en 2006 à 12,8% en 2019, la Côte d’Ivoire poursuit le chemin inverse en baissant de 25,3% en 2012 à 19,6% en 2021. Les politiques d’éducation suivies depuis plus de vingt-cinq ans ne semblent pas porter des fruits. L’on peut comprendre alors qu’une infime minorité des personnes instruites participe aux orientations économiques des pays, et que l’écrasante majorité des acteurs du développement en est exclue par un niveau d’éducation très faible. Les groupes terroristes y prolifèrent allègrement en recrutant leurs combattants parmi les populations peu ou pas éduquées, et donc appauvries et facilement manipulables. Le tableau ci-dessous présente des évolutions comparées au sein des pays de l’Afrique Occidentale.
Tableau 7 - comparaison des performances entre les pays de l’Afrique Occidentale sur les populations de 25 ans et plus ayant terminé le premier cycle du second degré, analysée entre 2000 et 2022. Le point d’interrogation accompagnant certaines données exprime un doute sur la cohérence de ces données. Une partie des populations n’ayant pas validé le premier cycle du second degré risque de basculer dans le handicap de l’illettrisme. Les données demeurent manquantes ou erratiques selon les pays
5- En Afrique du Nord : seule la République arabe d’Egypte a franchi le palier de 50% de la population de vingt-cinq et plus ayant terminé le premier cycle du second degré. Elle affichait 51,8% en 2021. Les autres pays arabo-musulmans ne se différencient pas très nettement de l’Afrique subsaharienne, même si les scores sont légèrement supérieurs. La Mauritanie qui affichait 21,5% en 2012 est redescendue à 12,1% en 2019. L’Algérie a progressé de 30,6% en 2011 à 45,1% en 2019, mais ces efforts demeurent insuffisants au regard des moyens disponibles pour progresser, après les années de crise politique et sécuritaire des années 1990. La Tunisie affichait 37,1% en 2008, mais elle n’a progressé que de 6 points en dix ans pour atteindre 43,3% en 2019. Il en découle que le continent africain, à l’exception de quelques rares pays, entretient un niveau général d’éducation très faible au sein de ses populations, en comparaison avec les pays industrialisés historiques et les pays économiquement émergents. L’émergence en Afrique demeure clairement un slogan politique des classes dirigeantes, qui ne se matérialise pas encore dans les piliers indiqués du développement économique et social. Le tableau suivant montre les situations et les évolutions comparées au sein des pays de l’Afrique du Nord.
Tableau 8 - comparaison des performances entre les pays de l’Afrique du Nord sur les populations de 25 ans et plus ayant terminé le premier cycle du second degré, analysée entre 2000 et 2022. Le point d’interrogation accompagnant certaines données exprime un doute sur la cohérence de ces données. Une partie des populations n’ayant pas validé le premier cycle du second degré risque de basculer dans le handicap de l’illettrisme. Les données de suivi statistique de l’éducation demeurent absentes ou erratiques dans plusieurs pays
V. Les perspectives pour la relève des pays d’Afrique
Les performances de l’éducation, au niveau du premier cycle du second degré, apparaissent clairement dans les pays industrialisés historiques et dans les pays émergents. C’est un des piliers de la construction et de la compétition des économies, notamment dans la création de la valeur, autant dans les techniques industrielles, dans les technologies avancées que dans les évolutions des services et dans la valorisation des ressources produites dans les pays. L’usage actuel des nouvelles technologies de l’information et de la communication, non pas seulement en consommateurs passifs d’informations mais aussi en producteurs de contenus à valeur ajoutée, requiert la maitrise des savoirs fondamentaux. Ce sont ces savoirs acquis et maîtrisés qui permettent de comprendre les évolutions scientifiques et techniques associés aux nouvelles technologies, et de suivre des formations régulières pour rester dans la course du progrès. L’économie basée sur le numérique et les services requiert les bases des connaissances. L’économie industrielle exige la maitrise des techniques et des technologies en évolution permanente et l’entretien des savoir-faire par les formations continues.
En Afrique, les proportions des personnes ayant validé le premier cycle du second degré au sein des générations âgées de vingt-cinq et plus demeurent très faibles. Les dirigeants ont alors le devoir impérieux de se rattraper sur les jeunes générations. Pour progresser rapidement au-delà de 80% à l’horizon 2040, les gouvernements devraient investir massivement dans l’éducation en visant un objectif de 100% pour tous les jeunes, à l’école primaire et au premier cycle du second degré. C’est par cette base solide que de nombreux jeunes pourront atteindre le second cycle du second degré, et une part significative dans l'enseignement supérieur. L’offre scolaire quantitative doit également s’accompagner des performances qualitatives de l’éducation, qui devront se poursuivre dans l’achèvement du second cycle du second degré, autant dans des filières générales que professionnelles et technologiques. Chaque pays adapte les formations du second cycle en fonction de ses besoins et de ses perspectives. C’est une ambition et un pari d’autant déterminants que les populations dans l’ensemble des pays africains sont jeunes, et que l’avenir ne peut se construire qu’en tenant compte de cette forte contrainte. L’Afrique ne sera pas développée par les incantations de l’ONU et de ses organisations spécialisées, ni par les pays industrialisés historiques ou les pays économiquement émergents. Elle doit savoir ce qu’elle veut, où elle veut aller, et organiser les moyens et les partenariats appropriés pour y parvenir. Les populations concernées et les personnalités de la société civile ont un impérieux devoir de veiller régulièrement à la redistribution des ressources pour soutenir l’éducation, tant sur le plan quantitatif avec l’objectif de 100% des jeunes à l’école que sur les acquisitions qualitatives des savoirs mesurées par la maîtrise des contenus indispensables. Les partenaires internationaux peuvent également inscrire dans leurs évaluations politiques ou d’affaires leur part dans le progrès de l’éducation au sein des pays où ils opèrent. Un peuple éduqué est un peuple éclairé, créatif, productif, économiquement performant, participatif, responsable de son développement, épanoui, audacieux et qui se projette vers des horizons meilleurs par le recul de l’ignorance et de la fatalité. Les progrès technologiques du XXIème siècle accélèrent les économies des pays où des jeunes éduqués participent et contribuent aux innovations. Il ne pourra y avoir de développement économique et social en ignorant ce pilier central de l’éducation scolaire, l’éducation culturelle, l’alphabétisation des adultes, la formation professionnelle, l’enseignement supérieur et la recherche.
Emmanuel Nkunzumwami
Analyste économique et politique
Ecrivain - Essayiste
Auteur de « Le partenariat Europe-Afrique dans la mondialisation » et de « La Relance de l’Afrique » aux Editions L’Harmattan, Paris
Directeur de NERES Conseil
neres@orange.fr ou emmankunz@gmail.com