LES SITUATIONS SOCIOECONOMIQUES, LE DECROCHAGE SCOLAIRE ET LE CHÔMAGE DES JEUNES EN EUROPE AU DEBUT DE 2013 (3)
09 mai 2013
IV. Quel avenir pour les Jeunes en Union européenne ?
Nous avons commenté les indicateurs socioéconomiques au sein de l’Union européenne au début de cette année 2013 dans des articles précédents. Nous poursuivons notre analyse en nous intéressant spécialement aux Jeunes, quant à leur formation, leur emploi et la situation culturelle de leurs pays d’origine en Europe. Si nous prenons comme porte d’entrée : le chômage des jeunes générations calculé sur les populations des Jeunes de 15 à 24 ans, nous observons d'importantes disparités, notamment au sein des pays de la zone euro. Mais, dressons d'abord le premier constat : la part des jeunes de moins de 15 ans (donc en situation d’éducation scolaire) et qui vont bientôt alimenter les tranches très délicates de 15 à 24 ans, représente une proportion très honorable en Europe. Nous constatons que de nombreux pays présenter un taux de renouvellement de génération très honorable de plus de 15% de la population. Si nous établissons la moyenne à une proportion de 15,4% correspondant à la situation en zone euro, les Jeunes représentent plus de 15% de la population dans dix pays sur dix-sept de cette zone. De même, trois pays hors de la zone euro (Suède, Royaume-Uni et Danemark) ainsi que la Norvège et l'Islande hors de l'Union européenne, dépassent également la moyenne de la zone euro. La France arrive en deuxième position (avec 18,6%) après l’Irlande (avec 21,6%) et la Norvège (avec 20,7%). Cependant, de nombreux pays se retrouvent entre 15% et 18%. Les pays en voie de vieillissement manifeste seraient donc ceux dont la proportion des Jeunes de moins de 15 ans est inférieure ou égale à 14%, tels que l’Italie (14%), la Bulgarie (13,4) et l’Allemagne (13,2%) qui présentent le taux de renouvellement le plus faible de l’Union européenne.
Mais la situation la plus préoccupante est le chômage des jeunes entre 15 ans et 24 ans. La moyenne de la zone euro se situe à 24% de ces Jeunes au chômage. Les pays en situation très difficile se placent alors au-dessus de 25% de ce taux de chômage des Jeunes. Ce sont principalement les pays de l’Europe du sud frappés par la crise au sein de la zone euro : Grèce, Espagne, Portugal, Italie, Slovaquie, Chypre, Irlande et France. Hors de la zone euro, la situation aussi dégradée se trouve en Hongrie, en Bulgarie et en Pologne ; ces trois derniers pays se situent néanmoins juste derrière l’Irlande et avant la France dans le classement européen. L’on peut rapprocher le chômage des Jeunes avec le décrochage scolaire dans de nombreux pays, notamment au sein de la zone euro. Aussi au sein de la zone euro : en Espagne, au Portugal et en Italie, tous les indicateurs socioculturels sont au rouge ; le taux de chômage des Jeunes de 15 à 24 ans est le plus élevé, compris entre 37% et 55%, le décrochage scolaire précoce sans aucune qualification est compris entre 21% et 29% chez les garçons (contre une moyenne de la zone euro de 16%) et entre 14% et 21% pour le filles (contre 12% pour la zone euro). Le niveau d’éducation faible des adultes de 25 à 64 ans ayant terminé au-moins les études secondaires avec diplôme est également le plus faible, entre 34% et 56% chez les hommes (contre une moyenne de 70% en zone euro) et entre 41% et 59% chez les femmes (contre une moyenne de 70% en zone euro). Malte suit les mêmes niveaux que ses voisins du sud de l’Europe. Le chômage aussi élevé des Jeunes dans certains pays pourrait trouver une partie de sa solution dans l'intensification des formations professionnelles, puisque tous les Jeunes n'ont pas vocation à effectuer des études générales dans le second degré, ni d'effectuer des études universitaires générales non professionnalisées. L'alternance entre le travail et la formation professionnelle, ainsi que l'apprentissage des Jeunes auprès des Séniors pour s'intégrer dans le monde du travail seraient des offres à généraliser dans les pays en forte crise de chômage des Jeunes. Il y a donc une relation de cause à effet entre le faible niveau de qualification des parents, les décrochages scolaires précoces des Jeunes et le taux de chômage très élevé des Jeunes. Un élément positif apparaît cependant : les femmes sont de plus en plus éduquées, et commencent à dépasser les hommes dans de nombreux pays. Les écarts restent néanmoins très significatifs entre les pays à faible niveau de diffusion d’études avec au-moins un diplôme du second degré, autant pour les hommes que pour les femmes. Ce niveau varie de 34% pour les hommes au Portugal à 95% en Tchéquie. La France se situe à 73% alors que l’Allemagne est à 89% sur cet indicateur. Le retard de la France sur l’Allemagne est donc remarquable dans ce domaine avec un écart de 16 points. Le niveau d’éducation et de qualification varie également pour les femmes du Portugal avec 41% à celles de la Lituanie avec 94%. Sur ce segment, la France est également en retard sur l’Allemagne avec 72% contre l’Allemagne à 84%, soit un écart de 12 points. Le tableau ci-dessous résume la situation dans chaque pays de l’Union européenne.
Pays Européens | Structure sociale de la population (en %) | population (18-24 ans) ayant quitté l’école sans qualification avant le second degré | population (25-64 ans) ayant terminé l’enseignement secondaire | |||
Jeunes de moins de 15 ans | Taux de chômage des Jeunes (15-24 ans) | Hommes (en %) | Femmes (en %) | Hommes (en %) | Femmes (en %) | |
Grèce | 14,4 | 57,9 | 13,7 | 9,1 | 64,0 | 67,5 |
Espagne | 15,2 | 55,2 | 28,8 | 20,8 | 52,7 | 56,0 |
Portugal | 14,8 | 38,4 | 27,1 | 14,3 | 34,1 | 41,0 |
Italie | 14,0 | 36,9 | 20,5 | 14,5 | 55,7 | 58,8 |
Slovaquie | 15,4 | 35,1 | 6,0 | 4,6 | 93,5 | 90,0 |
Chypre | 16,5 | 31,8 | 16,5 | 7,0 | 78,5 | 76,4 |
Irlande | 21,6 | 29,4 | 11,2 | 8,2 | 71,8 | 77,4 |
France | 18,6 | 25,4 | 13,4 | 9,8 | 73,4 | 71,7 |
Slovénie | 14,3 | 23,2 | 5,4 | 3,2 | 86,2 | 83,7 |
Belgique | 17,0 | 22,0 | 14,4 | 9,5 | 70,7 | 72,6 |
Estonie | 15,5 | 19,3 | 14,0 | 7,1 | 87,1 | 92,3 |
Finlande | 16,5 | 19,3 | 9,8 | 8,1 | 82,3 | 87,4 |
Luxembourg | 17,1 | 18,5 | 10,7 | 5,5 | 80,2 | 76,3 |
Malte | 14,7 | 14,5 | 27,5 | 17,6 | 41,0 | 35,2 |
Pays-Bas | 17,3 | 9,8 | 10,2 | 7,3 | 74,4 | 71,9 |
Autriche | 14,5 | 8,7 | 7,9 | 7,3 | 88,0 | 78,4 |
Allemagne | 13,2 | 7,9 | 11,1 | 9,8 | 88,5 | 84,1 |
Zone Euro 17 | 15,4 | 23,7 | 15,9 | 11,7 | 70,2 | 69,9 |
Hongrie | 14,5 | 28,8 | 12,2 | 10,7 | 84,7 | 79,7 |
Bulgarie | 13,4 | 28,4 | 12,1 | 13,0 | 81,0 | 81,0 |
Pologne | 15,1 | 27,5 | 7,8 | 3,5 | 89,7 | 89,5 |
Lettonie | 14,3 | 24,7 | 14,5 | 6,2 | 85,6 | 92,2 |
Lituanie | 14,9 | 24,2 | 8,2 | 4,6 | 92,3 | 94,4 |
Suède | 16,7 | 24,1 | 8,5 | 6,3 | 81,9 | 82,9 |
Roumanie | 15,0 | 22,2 | 18,0 | 16,7 | 79,5 | 72,4 |
Royaume-Uni | 17,5 | 20,7 | 14,6 | 12,4 | 79,4 | 76,4 |
Tchéquie | 14,7 | 19,3 | 6,1 | 4,9 | 94,8 | 90,0 |
Danemark | 17,7 | 14,2 | 10,8 | 7,4 | 77,7 | 78,1 |
Union européenne 27 | 15,6 | 23,2 | 14,5 | 11,0 | 74,7 | 73,7 |
Islande | 20,7 | 11,1 | 23,6 | 16,5 | 72,7 | 69,3 |
Norvège | 18,5 | 9,6 | 17,6 | 11,9 | 82,0 | 82,2 |
Suisse | 15,0 |
| 5,7 | 5,3 | 89,0 | 83,6 |
V. De nouvelles problématiques se présentent à l'Europe :
Les difficultés démographiques de l’Europe tendant à faire baisser à long terme le nombre d’habitants globalement au sein de l’Union européenne sont bien réelles. L’on peut considérer alors que la démographie européenne est déséquilibrée au profit des séniors. Dans 7 pays sur les 17 de la zone euro et dans 5 pays des 10 hors de la zone euro, la part des Séniors de 65 ans et plus dans la population est supérieure de plus de 2 points à la part des Jeunes de moins de 15 ans. Par ailleurs, l’espérance de vie dans ces pays étant en moyenne supérieure à 80 ans (65 ans + 15 ans) , le renouvellement des générations n’est plus assuré. Il convient de noter également que le taux de fécondité, calculé sur les femmes en âge de procréer entre 15 ans et 49 ans, est très faible et ne permet pas le rattrapage par des naissances plus importantes (sauf en Suède où ce taux est de 1,9 et en Lituanie où il atteint 1,8). Les spécialistes considèrent que cette partie, rapidement vieillissante de l’Europe, devrait retrouver une stabilisation de la population, puis une faible croissance de celle-ci au-delà de 2 enfants par femme. Ce taux n’est atteint aujourd’hui que par l’Irlande (2,1), la France (2,0) et le Royaume-Uni (2,0) en 2012 au sein de l’Union européenne et par l’Islande, hors de l’Union. Nous remarquons que seul quatre pays de la zone euro (Luxembourg, Chypre, Slovaquie et Irlande) parviennent à afficher une population des Jeunes de moins de 15 ans supérieure d’au-moins 2 points celle des Séniors de 65 ans et plus. Mais leur poids démographique en Europe est trop faible pour rééquilibrer la démographie de l’ensemble. Le renouvellement des générations étant très faible pour de douze pays (sur les 27) de l’Union européenne dont les taux de fécondité sont inférieurs à 1,8 enfants par femme en âge de procréer, mais l’espérance de vie moyenne étant supérieure à 80 ans, les pays européens sont confrontés aux difficultés d’assurer le financement des pensions de retraite, de la dépendance des populations de plus en plus âgées et du dépeuplement (notamment en zones rurales partout en Europe). L’une des solutions immédiates est le renforcement de l’immigration en provenance des pays surpeuplés d’Afrique, d’Asie et d’Amérique latine ; cette immigration devrait majoritairement se composer des populations de 20 ans à 45 ans. Dès lors, elles constituent une force de travail immédiate, un rééquilibrage de la population globale et elle pourra contribuer à l’amélioration du taux de fécondité à travers des politiques familiales volontaristes mais encadrées. Mais les populations latino-américaines migrant massivement vers les États-Unis et le Canada plus proches, les Asiatiques étant culturellement et en majorité plus éloignés de l’Europe, il reste une immigration d’Europe centrale et orientale, des pays méditerranéens et de l’Afrique subsaharienne. L’immigration n’est donc pas un problème, mais une solution pour l’Europe, à condition que celle-ci accepte d’accueillir de nouvelles populations et de les intégrer dans son système économique, social et culturel.
Conclusion
Les difficultés économiques et sociales en Europe sont aggravées pas les réformes de structure insuffisantes dans de nombreux pays. Au sein de la zone euro, les différences s’accroissent entre les pays situés au nord et à l’est de la France d’une part, et les pays situés au sud, d'autre part. Selon les capacités et la vitesse à se réformer en profondeur, la France peut ainsi basculer dans la partie sud ou rester dans l’Europe du nord. Deuxième puissance économique et démographique de l’Union européenne derrière l’Allemagne, la position de la France en Europe n’est pas neutre, et l’harmonisation sociale souhaitable en Europe peut en dépendre étroitement. Pour retrouver la confiance des peuples dans des pays dont la crise a révélé les fortes fragilités dans les politiques publiques de gestion, les réformes en profondeur deviennent indispensables et urgentes, notamment dans les pays de l’Europe du sud. Les freins de l’harmonisation économique et sociale se trouvent également dans les niveaux d’éducation au sein des Etats. Non seulement certains pays cumulent le chômage des Jeunes avec le niveau de décrochage scolaire très élevé et un environnement culturel faible, mais également l’Europe devrait s’attacher à l’harmonisation scolaire pour normaliser les contenus de l'éducation et des formations professionnelles adaptées. Il ne suffit donc pas de détenir un diplôme d’enseignement de fin d’études secondaires (ou de l’enseignement supérieur), mais il faudrait également évaluer l’offre des contenus d’éducation scolaire, ainsi des adaptations des formations technologiques et professionnelles revalorisées correspondant aux réalités économiques et aux offres d'emploi. Enfin, pour prévenir la montée du chômage et sa persistance, les pays de la zone euro pourraient se rapprocher des pays dont le niveau de chômage des Jeunes est inférieur à 10% pour échanger sur les bonnes pratiques : les Pays-Bas (9,8%),l'Autriche (8,7%), l'Allemagne (7,9%) et la Norvège (9,6%) pourraient utilement apporter leurs expériences. Dans tous les cas, la lutte contre le chômage des Jeunes passe par l'offre d’éducation et de formation professionnelle solide, le combat contre les décrochages précoces sans qualification et par l’élévation générale du niveau de formation des adultes. Ces bagages sont indispensables pour armer les Jeunes européens dans la rude bataille de la mondialisation.
Emmanuel Nkunzumwami