LA PRESSION DES SOUVERAINISTES AUX ÉLECTIONS EUROPÉENNES
DU 9 JUIN 2024 : COMMENT EN EST-ON ARRIVÉ LÀ ?

Le paradoxe français 

     Depuis les élections européennes de mai 2014, le Front national (FN), devenu le Rassemblement national (RN) est en tête des élections européennes. Les politiciens professionnels, encouragés par les mouvements de gauche et de gauche radicale, sindignent et jurent quils nont quun objectif : "combattre le Front national". Ils sont foncièrement bloqués, littéralement scotchés, profondément endormis sur ce slogan vieux de plus de quarante ans lorsque le Front National a gagné la commune de Dreux. On le répète à lunisson comme pour se rassurer, sencourager mutuellement. Certains ignorent même que le parti a changé de nom ! Autant dire quils veulent empêcher la pluie demporter les terres chargées deau par décret ! Mais, que font-ils ensuite pour réorienter les votes des électeurs ? Attendre la proclamation des résultats pour appeler à faire barrage lors des futures élections, à constituer un "Front républicain" devenu inopérant, appeler tous les fossoyeurs des espérances à la télévision pour redire les mêmes messages que les Français écoutent depuis des décennies et ressusciter les perdants des élections présidentielles pour expliquer aux Français la conduite à tenir contre le Rassemblement national ! Depuis la victoire du Front national aux élections européennes de 2014, puis le Rassemblement national en 2019, quels sont les enseignements des politiciens pour corriger la trajectoire, alors que nous entendons constamment tous les mêmes revendications des Français ? Ensuite, toutes les voix audibles en France : les sportifs, les responsables des associations, les acteurs de la société civile, les politiciens professionnels, les élus apeurés de pouvoir perdre leurs mandats, etc. reviennent dans les médias pour jeter lopprobre sur les électeurs du Rassemblement national (7.765.936 électeurs) et de Reconquête (1.353.127 électeurs), soit plus de 9,1 millions délecteurs. Lon avait même fini par confondre le mandat délu avec la fonction ; car certains sont élus depuis des décennies. Exercer un mandat ne signifie pas entrer dans la fonction d'agent de la collectivité.  Il faut écouter les électeurs et comprendre leurs attentes, plutôt que les agresser, les insulter et les vouer aux enfers. Au lieu de défiler dans les rues et de crier au retour du fascisme et du nazisme des années 1930s en France, il conviendrait dorganiser partout des débats publics apaisés et ouverts, sans tabous, pour repenser les ambitions et les objectifs de la France et de lEurope dans le monde du 21ème siècle. Il est incompréhensible pour de nombreux Français, quen pleine crise du pouvoir dachat, de laccès à la santé pour tous, dune sécurité à reconfigurer, des débats sur limmigration et des conditions de relance des piliers de léconomie, le pouvoir sintéresse à lexacerbation de la colère de la Russie par les ouvertures de négociations dadhésion de lUkraine et de la Moldavie à lUnion européenne. Où sont les priorités ? Que répondre aux neuf millions délecteurs inquiets ayant voté pour le Rassemblement national et Reconquête, en dehors des manifestations qui posent de sérieux problèmes à lordre et la sécurité publique en pleine préparation des Jeux Olympiques ?

     Pour ceux qui auraient oublié les performances du Front national / Rassemblement national aux élections européennes, voici le tableau récapitulatif de 2014 à 2024. Le fait nouveau est la percée du nouveau parti Reconquête pour sa première campagne aux élections européennes. Le RN confirme ses performances par le passage de 24 députés FN en 2014 à 30 députés RN en 2024, et toujours en tête des scrutins, alors que la coalition présidentielle seffondre, passant de 23 à 13 députés. 

Le 9 juin 2024 ont eu lieu les élections européennes en France. Et comme en mai 2014 et en mai 2019, ce fut la victoire écrasante du Rassemblement national (RN). Elle est renforcée par Reconquête. La coalition présidentielle et les écologistes seffondrent dans les urnes.

Le contexte et les évolutions 

     Les sondages ne sont pas des élections, et tant que le bulletin nest pas tombé dans lurne au bureau de vote, tout reste encore possible ! Néanmoins, les dernières élections européennes gagnées par une autre formation politique (une coalition des partis politiques de la droite et du centre) hors Front National, ce fut les élections européennes de juin 2009, gagnées par la majorité présidentielle du président Nicolas Sarkozy, avec 30 sièges (jétais moi-même dans la bataille comme candidat UMP lors de ces élections et notre circonscription avait gagné 4 sur 10 sièges alloués à notre circonscription). Depuis lors, cest le Front National (mai 2014), devenu le Rassemblement National (mai 2019) qui se place en tête dans ces élections. Nous lavons toujours dit et affirmé : les électeurs se servent des élections européennes pour exprimer leurs difficultés et leurs désaccords avec la politique intérieure. Depuis deux échéances électorales gagnées par le RN, ce vote est devenu une ligne de fond mûrement réfléchie, une occasion de faire passer le message de protestation, et une interrogation sur le fonctionnement de lUnion européenne. Qui connaît les députés européens en France et où le citoyen les rencontre-t-il ? Nous connaissons bien nos députés nationaux, nous les côtoyons sur le terrain, et nous connaissons les adresses de leurs permanences dans nos circonscriptions en cas de besoin. On connaît les débats, souvent houleux, au Parlement français ; mais qui sintéresse à ceux tenus à Bruxelles ou à Strasbourg ? Entre le Conseil de lEurope, la Commission européenne, le Parlement européen ou lOTAN (et donc les Etats-Unis dAmérique) : qui décide de quoi, vu du citoyen français (comme on la vécu pendant le covid-19 et aujourdhui pour lUkraine, dont on ne retient que les montants astronomiques dépensés) ? Cependant, lUnion européenne sest rapidement élargie ces dernières années sans consulter les citoyens. Elle ouvre les dossiers de candidature sur des critères peu clairs : jusquoù est-elle prête à aller ? La Géorgie, mais pas la Turquie : qui est géographiquement plus proche de lEurope ? Qui est ou nest pas éligible à l'intégration dans lUnion européenne dans les Balkans et pourquoi ? Quelle politique de coopération avec les pays dAfrique ou dAmérique du Sud, et comment mesure-t-on les résultats en dehors du décompte des immigrants ? Comment se situe lEurope par rapport aux Etats-Unis dAmérique (loin de lEurope géographique) et à la Russie (aux portes de lEurope) : les deux partenaires de lEurope ayant mené des actions décisives dans la victoire contre lAllemagne nazie en 1944-1945 ? Les Français ne font pas confiance au RN pour sauver lEurope, mais pour clarifier les choix des combats à mener pour lEurope et pour la France. Qualifié longtemps dextrême droite, le RN est aujourdhui rejoint par Reconquête pour revendiquer la Souveraineté de la France dans la conduite de la politique intérieure, la sécurité, la défense, léconomie, lindustrie, la santé, les questions de lenvironnement et de lécologie, les partenariats internationaux ainsi que dans les débats sur les élargissements soumis à lapprobation du peuple. Le RN sest alors positionné comme le parti souverainiste en France, et de nombreux Français sy reconnaissent dans les sondages dintentions de vote comme dans les résultats sortis des urnes. Cest même le parti unitaire le plus représenté à lAssemblée nationale, en dehors des coalitions.

Le sondage effectué les 29 et 31 mai 2024 indique une avance du Rassemblement national aux élections européennes du 9 juin 2024, avec 89% des sondés ayant exprimé leurs intentions de vote. Il pèserait 32,5% après avoir atteint le 1/3 des intentions de vote. Et comment en est-on arrivé à ce point en France, depuis lélection présidentielle de 2012 ? 

     Jusqu’à l’élection présidentielle de 2002, les électeurs du Front national étaient discrets, et semblaient même s’excuser de voter pour ce parti. Ils nous transmettaient alors le message qu’ils avaient essayé la gauche qui les avait déçus au cours des années 1980, puis la droite qui n’a pas mieux fait dans les années 1990. Alors, ils allaient essayer les Souverainistes du Front national et leurs alliés de Debout la France, le parti de Nicolas Dupont-Aignan, du Mouvement pour la France de Philippe de Villiers, et plus tard de l’Union populaire républicaine de François Asselineau. Mais pourquoi donc l’événement mémorable du 21 avril 2002 ? Parce que face à la réélection du président Jacques Chirac, que la gauche jugeait usé, fatigué et favorisant la désindustrialisation de la France et le cortège des chômeurs qui inquiétaient les jeunes et leurs familles, la gauche menée par Lionel Jospin, après cinq ans à Matignon avec un « bon bilan économique » pour la France, était convaincue de se qualifier pour le second tour. Alors, ses partisans ont oublié le premier tour… et ils ont directement démarré la campagne du second tour. Et pourtant, c’est depuis cette élection de 2002 que les électeurs choisissent au 1er tour et éliminent au 2ème tour. C’est l’inverse du cours enseigné depuis fort longtemps en sciences politiques, et véhiculé auprès des jeunes militants de droite et de gauche, dont la plupart récitent plus qu'ils ne réfléchissent. Et surprise ! Jean-Marie Le Pen surprend tous les experts sondeurs des élections et se qualifie pour le second tour de la présidentielle.

     Si Nicolas Sarkozy a repris certains thèmes du Front national pour être élu en 2007, ramenant ainsi le Front national à son socle électoral irréductible de 10,4%, la France aura compris que les électeurs sont des migrants intérieurs, passant rapidement de la gauche et de la droite au souverainisme et conservatisme de droite, selon les situations locales vécues sur le terrain, ou au populisme et mondialisme de gauche radicale. Ensuite les contestataires contre des politiques menées par l’Union de la droite et du centre, d’une part, et de l’Union de la gauche et des écologistes, d’autre part, ont rejoint le Rassemblement national dans la convergence des luttes. Le Front national, puis le Rassemblement national l’a parfaitement bien compris. Ainsi, au 1er tour de l’élection présidentielle du 22 avril 2012, Marine Le Pen a même dépassé le score de son père du second tour de 2002 en se classant à la 3ème place avec 17,9% des suffrages exprimés derrière François Hollande (28,6%) et le président sortant Nicolas Sarkozy (27,2%), et très loin devant Jean-Luc Mélenchon (11,1%) arrivé en 4ème position. Comment ce parti a-t-il fait pour multiplier par plus de 1,7 le poids de son score en cinq années du mandat de Nicolas Sarkozy ? Jean-Marie Le Pen se contentera de scander que les Français préfèrent l’original à la copie. En 2012 et en 2014, votre serviteur publie deux ouvrages : « La montée de l’Extrême droite en France », puis « La conquête de l’Extrême droite en France » (Éditions L’Harmattan). Le premier livre fait le tour de la sociologie électorale détaillée dans le département de la Somme comme témoin de la puissance électorale du Front national et ses alliés, alors que le second analyse les situations sociologiques, économiques et culturelles dans chacun des départements et des grandes communes de toute la France métropolitaine et de l’Outre-mer. C’est un ouvrage unique devenu la référence pour les campagnes électorales en France. Les Français ne votent plus pour le Rassemblement national par colère, défi, révolte ou sanction comme avant 2012 ; l’électorat est devenu stable, réfléchi, constant puis évolutif. Il traverse toutes les couches sociales françaises : des ouvriers et des agriculteurs jusqu’aux cadres, aux chefs d'entreprises et aux professions intellectuelles supérieures. C’est le terrain, le vécu local, les déceptions multiples et les réalités sur les politiques publiques qui poussent les électeurs à se tourner vers le Rassemblement national. En 2015, avant les élections régionales sur le nouveau format des régions selon la loi NOTRe –la France métropolitaine passe de 22 à 13 régions, y compris la Corse– le premier ministre en campagne martèle partout avec force que son « programme est de combattre le Front national ». Quelle déception en l’écoutant dans l’Oise ! C’est comme un médecin qui s’acharnerait à combattre la fièvre, donc le symptôme et un indicateur de maladie, et non la cause elle-même. Après avoir parcouru tous les départements de la région des Hauts-de-France et analysé tous les résultats des élections départementales de mars 2015, j’indiquais dès juin 2015 que le Front national obtiendrait entre 40% et 42% dès le 1er tour des élections régionales dans les Hauts-de-France. Ce n’était pas un sondage mais une projection à partir des résultats des élections départementales de mars 2015. Ce sont pratiquement les mêmes électeurs au cours de la même année ; les déterminants restent donc les mêmes. Effectivement, le 6 décembre 2015, ce parti recueillait 41,64%. Les électeurs s’expriment, parlent et agissent ; il faut savoir les écouter et traduire leurs attentes sur le bulletin de vote. Les victimes collatérales auront été deux Français d’origine africaine écartés de la liste de l’Union de la droite et du centre, face à la puissance montante du Front national. Enfin, dans les Hauts-de-France comme en Provence-Alpes-Côte d’Azur, il a fallu rapidement retirer les listes de l’Union de la gauche arrivées en 3ème position pour permettre à l’Union de la droite et du centre, avec le soutien actif de la gauche au pouvoir, de gagner le duel contre le Front national : soit des coalitions de partis blessés, incapables de faire face unitairement à la puissance électorale du Front national. La situation électorale de 2015 n’a pas changé en France, et c’est la même puissance qui a porté le Rassemblement national à la victoire aux élections européennes de 2019, soit deux ans après la victoire d’Emmanuel Macron à l’élection présidentielle face à une gauche effacée et inexistante, laminée par la présidence de François Hollande converti en Social-démocrate et une Union de la droite déchirée par la délinquance financière de son candidat François Fillon, et refusant d’investir Alain Juppé pour la compétition à la présidentielle. Cela a conduit à un duel facile entre le jeune candidat Emmanuel Macron contre Marine Le Pen pour sa deuxième élection présidentielle. Aussi, les Français n’étaient pas prêts pour le Front national à l’Élysée, mais sa candidate n’y croyait pas elle-même non plus, comme l’a bien montré le débat de l’entre-deux tours. Les militants venus écouter Marine Le Pen à Ennemain dans la Somme au lendemain de ce grand débat et que nous avons rencontrés, étaient  fort déçus. Ils ne croyaient plus à la victoire de leur candidate à cette élection présidentielle. Cependant, pour les élections européennes, les Français acceptent d’accorder leur confiance aux candidats du Rassemblement national et de les placer en tête du groupe français au Parlement européen depuis 2014. En 2019, le Rassemblement national a réuni 23,34% avec 23 députés contre 22,42% pour la liste Renaissance du président Emmanuel Macron. La troisième force politique qui est parvenue à réunir 13,48% et seulement 13 sur 79 eurodéputés français est Europe Écologie, soit près de 10 points derrière le RN. Aujourd’hui, pour les élections européennes du 9 juin 2024, le Rassemblement national est crédité de plus de 33% dès le lancement de la campagne en 2024, écrasant de très loin la liste du président de la République (autour de 17%). Mais, comment ce parti unitaire parvient-il à dominer le paysage électoral français composé de coalitions de partis autour d’une liste aux élections européennes ? Certaines réponses se trouvent dans l’ouvrage "La conquête de l’extrême droite en France"  (Editions L’Harmattan, Paris 2014), publié au lendemain de la victoire du Front national aux élections européennes de mai 2014. Depuis cette date, quelles ont été les vraies politiques et les vraies actions pour répondre à la demande des Français ? Changer de président de président de la République en 2017 ?

     Dans le livre : « La Pression des Souverainistes en France » publié en 2019 (Éditions L’Harmattan), au lendemain de nouvelles élections européennes de mai 2019, je montre les corrélations entre les résultats de l’élection présidentielle du 24 avril 2017 et les élections européennes du 29 mai 2019, en m’appuyant sur les besoins des territoires. Plus les citoyens nourrissent un fort sentiment d’abandon de l’État, plus ils se mobilisent pour le vote en faveur du Rassemblement national. Est-ce de la peur, de l’irrationalité, de la défiance, de la révolte ? La réponse est non ; définitivement, non. Entre 2014 et 2019, les dirigeants français n’ont pas apporté de réponses à des millions de Français en désespérance. Lorsque l’école décroche et n’assure plus sa mission de transmission des savoirs, que l’hôpital n’assure plus l’égalité des citoyens devant l’offre de soins, que la sécurité est devenue une bénédiction du ciel dans de nombreux quartiers de nos villes, que les déplacements deviennent un véritable parcours de combattants dans les transports en commun, et que l’absence des infrastructures crée des territoires sportivement, culturellement et économiquement enclavés, les citoyens en veulent aux dirigeants au pouvoir et aspirent à des changements radicaux en se tournant vers le Rassemblement national. Les élections européennes sont devenues des moments de test, à l’instar des référendums "pour" ou "contre" la politique intérieure en France. Il convient de rappeler qu’elles constituent un réel test de mi-mandat de l’élection présidentielle ; soit deux ans après l’élection présidentielle et trois ans avant l’échéance suivante. Les élections européennes de mai 2014 ont relancé la campagne de Marine Le Pen qui s’est qualifiée pour le second tour de l’élection présidentielle de 2017 ; celles de mai 2019 ont également conforté Marine Le Pen pour la qualification au second tour de l’élection présidentielle de 2022. Avec la plus large victoire du Rassemblement national aux élections européennes de juin 2024, la situation de l’élection présidentielle de 2027 pourrait d’autant basculer en faveur du Rassemblement national que le président Emmanuel Macron, vainqueur à deux reprises contre Marine Le Pen, ne pourra pas se présenter à l’élection présidentielle de 2027 en vertu de la Constitution (article 6, alinéa 2).

     S’agissant de l’Europe, il convient de rappeler que le PPE (Parti populaire européen) auquel adhère l’Union de la droite et du centre en France en 2009 n’a pas répondu aux attentes des citoyens et même de ses électeurs. Majoritaire en France avec 30 députés au Parlement européen en 2009, les électeurs très motivés et engagés pour l’Europe attendaient des résultats en Europe et en France. Les citoyens demandaient que tout nouvel élargissement de l’Union européenne passe par le vote référendaire des citoyens car il s’agit d’une décision de partage de destin commun des Européens membres de l’UE. Après l’échec du référendum sur la constitution pour l’Europe en 2005, suivi par le Traité de Lisbonne de 2008 qui reprenait une partie des dispositions refusées par les Français lors du référendum organisé par le président Jacques Chirac en 2005, les Français ont cherché à reprendre la main sur l’avenir de l’Europe. En effet, l’adhésion massive de 12 pays de l’Europe de l’Est n’avait pas été bien accueillie par les citoyens de l’Europe Occidentale. De plus, ces douze pays se sont précipités pour adhérer à l’OTAN. Cela a participé à nourrir les colères des dirigeants de la Russie, car l’OTAN, et ses puissantes armes, se rapprochait progressivement de ses frontières avec l’Europe. Par ailleurs, la candidature à l’adhésion à l’UE de la Turquie aurait été écartée en raison de son ancrage en Asie où se situe environ 95% de son territoire. Celle de l’Ukraine est bloquée par la guerre Russie-Ukraine ainsi que par sa longue frontière directe avec la Russie et le lourd contentieux territorial avec la Russie dans le Dombass et la Crimée. Et alors, comment expliquer aux citoyens européens et français que la Turquie est en Asie et non en Europe, puis accepter la candidature de la Géorgie, encore plus éloignée de l’Europe à l’est de la Turquie, et frontalière de la Russie avec un contentieux territorial comme l’Ukraine ? Peut-on intégrer à l'Union européenne ces pays en ignorant ces contentieux ? Que répond-on à la candidature de la Moldavie ? Les dirigeants de l’Europe ne sont pas clairs sur ces sujets sensibles, en dehors de répondre aux exigences de l’OTAN et des Etats-Unis d’Amérique. Et donc de compromettre discrètement l’autonomie politique, économique et sécuritaire de l’UE vis-à-vis des États-Unis d’Amérique. D’une certaine façon, les candidats que l’on qualifiait auparavant d’extrême droite sont devenus des Souverainistes, proches de la ligne défendue par le général de Gaulle sur l'Europe : la Souveraineté française (économique, militaire, industrielle, culturelle) et l’Europe des nations. Mais, personne n’oserait critiquer de Gaulle sur ce sujet. C’est sur cette thématique que le Rassemblement national est devenu la voix des Souverainistes en France. Et les leaders des courants souverainistes, notamment l’UPR, Debout la France et Mouvement pour la France, et  se réclament du gaullisme historique. De même, les héritiers politiques du général de Gaulle se recrutent dans toutes les formations politiques de droite et de gauche. Les inquiétudes ont gagné toutes le couches sociales en France. Un sondage réalisé en avril et en mai 2024 par le JDD révèle ces inquiétudes sur les enjeux prioritaires livrés par les Français eux-mêmes. Aussi, ils considèrent ouvertement que la solution pourrait provenir des Souverainistes.

Les attentes prioritaires des Français. Au-delà des scores de 20% de préoccupations, on retrouve le pouvoir dachat (le revenu par rapport aux charges de la vie quotidienne), limmigration de plus en plus massive, l'environnement et les catastrophes climatiques de plus en plus fréquentes et violentes, et linsécurité.  Ils considèrent que le pouvoir ne sy attaque pas suffisamment ou ne perçoivent pas les résultats de laction publique. En conséquence, ils se tournent progressivement et de plus en plus nombreux vers les Souverainistes, depuis lélection présidentielle de 2012.

     Les citoyens du Royaume-Uni sont la première victime collatérale de l’élargissement de l’UE, à travers le Brexit. Les dirigeants de l’UE n’ont pas expliqué les enjeux européens aux Britanniques, car disent-ils, le Premier ministre David Cameron et son parti des Conservateurs n’ont pas accepté l’ingérence de l’UE dans leur politique intérieure. Et ils ont perdu le référendum sur le Brexit, alors que l’Europe a perdu l’un de ses grands piliers dans la mondialisation économique et l’une de ses grandes contributrices de sa puissance militaire. Au moment des élections européennes de 2024, les Français raviveront leur mémoire pour lier les politiques européennes à toutes les ambiguïtés et impuissances, la politique intérieure française, le déclassement économique face aux nouveaux pays industrialisés émergents, les défaillances vécues dans leurs territoires, les difficultés financières des Français avec l’inflation post covid-19, les confinements mal vécus et le retour du chômage massif, sans oublier les péripéties vécues pendant la pandémie du covid-19, pour rejeter les listes soutenues directement ou indirectement par le pouvoir. Ils se tourneront alors vers le Rassemblement national comme force politique unitaire de contestation et identifiable contre les coalitions et les dilutions politiques des alliances, qui parle des difficultés quotidiennes aux Français. Les politiciens professionnels s’évertuent à crier partout que leur préoccupation première est de "combattre le Rassemblement national " comme finalité politique. Et pourtant, ce parti est bel et bien légal et participe au pluralisme politique et au débat démocratique de la Nation. Comme les autres partis et groupements politiques, il concourt à l’expression du suffrage (article 4 de la Constitution, alinéas 1 et 3). Le débat reste alors sur la compétition entre les partis et les groupements politiques lors des scrutins électoraux.

Conclusion

     Depuis le traumatisme politique du 21 avril 2002, les politiciens français de droite, du centre, et de gauche ne font plus leurs campagnes électorales POUR apporter des changements structurels à la vie des Français, mais CONTRE le Front national, devenu Rassemblement national. Ils ne s’inscrivent pas clairement et résolument dans "la détermination, les actions et les résultats" comme l’a proposé le président Emmanuel Macron lors des vœux pour l’année 2024. Ils ne proposent pas clairement leur positionnement, mais se déterminent par rapport au RN et à Reconquête. Ils devraient plutôt s’engager à combattre et résoudre avec une réelle détermination les causes profondes et les composantes de la désespérance des Français aujourd’hui, qui les poussent au rejet de ces mêmes politiciens. Le verdict est connu au soir du 9 juin 2024 : ce n’est plus « qui a gagné ? », mais « combien le Rassemblement national (RN) a-t-il obtenu pour s’imposer à nouveau » comme la première force politique française unitaire au Parlement européen.

Article rédigé le 17 mai 2024 et mis à jour le 17 juin 2024.


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Emmanuel Nkunzumwami
Écrivain Essayiste

Analyste des évolutions de la sociologie électorale en France
et de l'économie internationale comparée 

Site : www.nouvelle-dynamique.org

Email : emmankunz@gmail.com ou emma.nkunz@orange.fr

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