LES PUISSANCES ECONOMIQUES EUROPEENNES ET LES OBJECTIFS SOCIOECONOMIQUES POUR 2020 EN EUROPE AU DEBUT DE 2013 (1)
06 mai 2013
La crise économique qui s’est invitée dans l’animation de la mondialisation dès l’été 2007, et qui a sévi en Europe entre 2008 et 2012, a perturbé les objectifs de l’ensemble de l’Union européenne dans ses trajectoires vers 2020. Le chômage qui frappe un grand nombre de pays de l’Europe du sud se répercute sur les disparités des taux d’activité des populations de 20 ans à 64 ans, dont l’objectif européen est d’atteindre 75% à l’horizon 2020. Si l’emploi des femmes s’améliore progressivement, la trajectoire du taux d’activité des hommes a subi une inflexion, passant de 76% en 2005 à 74,6% en fin 2012. A l’avenir, l’emploi des hommes et des femmes sera également fonction du niveau d’éducation des jeunes générations. Les efforts collectifs des Européens sont aujourd’hui notables car le décrochage scolaire des jeunes hommes et des jeunes femmes baisse régulièrement vers l’objectif de 10% à l’horizon 2020, et cette cible pourra être atteinte. Mais, cet effort devrait être soutenu par un effort parallèle sur les dépenses de recherche et développement (un investissement indispensable pour la préparation et la création des emplois du futur), même si celles-ci ne progressent pas significativement : elles ont légèrement évolué de 1,82% du PIB de l’ensemble des Etats de l’Union européenne en 2005 à 2,03% en 2012. L’objectif européen d’atteindre 3% du PIB consacrés aux dépenses de recherche et développement à l’horizon 2020 est donc apparemment très difficile d’atteinte au regard de la trajectoire d’évolution de 0,21 point sur les sept dernières années et qui devrait s’améliorer de 0,97 point sur les sept autres prochaines années. La réussite dépendra alors d’un nombre de pays encore pris dans la tourmente du chômage, des déficits, de l’endettement et de la récession entre 2013 et 2020. Il convient de noter la conséquence de ces difficultés socioéconomiques sur la précarité sociale et la pauvreté qui résistent dans l’ensemble de l’Europe. De 123,9 millions d’habitants en 2005 (25,6% de la population européenne) menacés par la pauvreté et l’exclusion sociale, la crise les maintient à 119,6 millions (à peine 4,3 millions de moins au bout de 7 ans !) à la fin de 2012. L’objectif de réduire ce risque de pauvreté à moins de 20 millions en 2020 apparaît donc totalement irréaliste aujourd’hui. Il convient néanmoins de reconnaître la volonté et l’ambition collectives des Etats de l’Union européenne de se projeter à 2020 et de se fixer des objectifs à cette échéance. Il reste à déterminer les moyens mis en œuvre au niveau de l’Union pour y parvenir. Les données au début de 2013 sont résumées dans le tableau ci-dessous :
Années | 2005 | 2011 | 2012 | objectif 2020 |
Taux d'activité (Emplois) entre 20 ans et 64 ans (en % de la population) | 68,0 | 68,6 | 68,5 | 75,0 |
Hommes | 76,0 | 75,0 | 74,6 | |
Femmes | 60,0 | 62,3 | 62,4 | |
Dépenses de Recherche et Développement (en % du PIB) | 1,82 | 2,01 | 2,03 | 3,00 |
Part des énergies renouvelables dans la consommation énergétique globale (en %) | 8,5 | 11,7 | 12,5 | 20,0 |
Consommation en énergie primaire (en millions de tonnes d’équivalent-pétrole) | 1 704,0 | 1 596,0 | 1 647,0 | 1 474,0 |
Abandons scolaires des Jeunes (en % de la population de 18-24 ans) | 15,8 | 13,5 | 12,8 | 10,0 |
Hommes | 17,8 | 15,3 | 14,5 | |
Femmes | 13,8 | 11,6 | 11,0 | |
Population en risque de pauvreté ou d'exclusion sociale (en millions) | 123,9 | 116,3 | 119,6 | <20 |
Source : Eurostat, basic figures on the EU, 2013.
La situation socioéconomique reste sous tension dans de nombreux pays enfoncés dans le cumul du chômage, d’importants déficits budgétaires, du surendettement public excessif et de la récession économique. De profondes réformes de structure de fonctionnement et de stratégies de gestion publique sont encore indispensables dans de nombreux pays, notamment en France et en Europe du sud.
I. Les situations socioéconomiques variables au sein de l’Union européenne
Lorsque l’on considère les poids économique et démographique au sein de l’Union européenne, on mesure l’écart entre l’Allemagne, la France, l’Italie et l’Espagne par rapport aux autres pays de la zone euro. De même, le Royaume-Uni se détache nettement des autres pays hors de la zone euro. Il apparaît alors que cinq pays, dont le poids est supérieur à 5% de la richesse totale de l’Union européenne en 2012, se placent en tête dans le pilotage des économies de l’Union : l’Allemagne, la France, le Royaume-Uni, l’Italie et l’Espagne. Dans ce peloton de tête, seul le Royaume-Uni n’est pas dans la zone euro. En queue de liste, dix pays pèsent chacun moins de 1% de la richesse de l’Union : Hongrie, Slovaquie, Luxembourg, Slovénie, Bulgarie, Lituanie, Lettonie, Chypre, Estonie et Malte. Ces dix pays totalisent 3% de la richesse de l’Union, soit l’équivalent de la Belgique (pour la zone euro) ou de la Pologne (hors de la zone euro). Ensuite, l’Allemagne, la France et les Pays-Bas (dans la zone euro), puis le Royaume-Uni et la Suède (hors zone euro) demeurent les cinq pays dont le poids économique est supérieur d’au-moins un point à leur poids démographique au sein de l’Union européenne. Cette position leur confère un rôle central dans la construction et l’évolution de l’Europe. Hors Union européenne, la Norvège et la Suisse pourraient apporter un concours de dynamique comme contributeurs économiques positifs ; mais leur intégration à l’Union n’est pas à l’ordre du jour. La puissance économique de l’Union européenne est donc tirée par celle de l’Allemagne, la France, le Royaume-Uni, les Pays-Bas et la Suède. L’Italie et l’Espagne devraient être plus performantes pour contribuer positivement à cette puissance.
Au sein de la zone euro, le risque de pauvreté et d’exclusion sociale frappe plus de 20% des femmes ou des hommes en Italie, en Espagne et la Grèce. Hors de la zone euro, la situation est également dégradée en Roumanie, Bulgarie, Lettonie et Lituanie, mais ces deux derniers sont de petits pays que les autres Etats peuvent supporter dans un élan de solidarité européenne. Si l’on ne considère que les Etats pesant au-moins 3% de l’économie européenne en 2012, l’Allemagne, la France, l’Italie, l’Espagne, les Pays-Bas et la Belgique au sein de la zone euro, puis le Royaume-Uni, la Suède et la Pologne, soit neuf pays sur les vingt-sept de l’Union, la croissance économique devient indispensable dans ces pays-clés pour relancer l’ensemble de l’Europe. L’objectif de descendre au-dessous de 20% des populations menacées du risque de pauvreté et d’exclusion sociale en 2020 est donc possible si la croissance reprend dans tous les pays-clés au cours des sept prochaines années. L’Europe sociale et solidaire demeure un énorme chantier d’avenir.
Pays Européens | Population 2012 (en millions) | Poids UE 27 (en %) | PIB 2012 (milliards €) | Poids UE 27 (en %) | Population à risque de pauvreté et d’exclusion sociale (%) | |
hommes | femmes | |||||
Allemagne | 81,84 | 16,2% | 2 644 | 20,5% | 14,9 | 16,8 |
France | 65,33 | 13,0% | 2 030 | 15,7% | 13,5 | 14,5 |
Italie | 60,82 | 12,1% | 1 566 | 12,1% | 18,3 | 20,8 |
Espagne | 46,20 | 9,2% | 1 048 | 8,1% | 21,1 | 22,4 |
Pays-Bas | 16,73 | 3,3% | 601 | 4,7% | 10,8 | 11,1 |
Belgique | 11,90 | 2,4% | 377 | 2,9% | 14,6 | 16,0 |
Autriche | 8,44 | 1,7% | 310 | 2,4% | 11,7 | 13,5 |
Grèce | 11,29 | 2,2% | 194 | 1,5% | 20,9 | 21,9 |
Finlande | 5,40 | 1,1% | 194 | 1,5% | 13,2 | 14,2 |
Portugal | 10,54 | 2,1% | 165 | 1,3% | 17,6 | 18,4 |
Irlande | 4,58 | 0,9% | 164 | 1,3% | 15,9 | 16,2 |
Slovaquie | 5,40 | 1,1% | 71 | 0,6% | 12,8 | 13,1 |
Luxembourg | 0,52 | 0,1% | 44 | 0,3% | 12,7 | 14,5 |
Slovénie | 2,06 | 0,4% | 35 | 0,3% | 12,2 | 15,0 |
Chypre | 0,86 | 0,2% | 18 | 0,1% | 12,7 | 16,2 |
Estonie | 1,34 | 0,3% | 17 | 0,1% | 17,6 | 17,4 |
Malte | 0,42 | 0,1% | 7 | 0,1% | 15,0 | 15,8 |
Zone Euro 17 | 333,67 | 66,1% | 9 485 | 73,5% | ||
Royaume-Uni | 62,99 | 12,5% | 1 901 | 14,7% | 14,8 | 17,6 |
Suède | 9,48 | 1,9% | 408 | 3,2% | 12,2 | 15,7 |
Pologne | 38,54 | 7,6% | 381 | 3,0% | 17,8 | 17,6 |
Danermark | 5,58 | 1,1% | 244 | 1,9% | 13,0 | 13,0 |
Tchéquie | 10,51 | 2,1% | 153 | 1,2% | 8,9 | 10,6 |
Roumanie | 21,36 | 4,2% | 132 | 1,0% | 21,9 | 22,5 |
Hongrie | 9,96 | 2,0% | 98 | 0,8% | 14,1 | 13,6 |
Bulgarie | 7,33 | 1,5% | 40 | 0,3% | 20,8 | 23,6 |
Lituanie | 3,01 | 0,6% | 33 | 0,3% | 19,8 | 20,1 |
Lettonie | 2,04 | 0,4% | 22 | 0,2% | 20,0 | 18,4 |
Hors Zone Euro 10 | 170,80 | 33,9% | 3 412 | 26,5% | ||
Union européenne 27 | 504,47 | 100% | 12 897 | 100% | ||
Islande | 0,32 | 0,1% | 11 | 0,1% | 9,0 | 9,5 |
Norvège | 4,99 | 1,0% | 390 | 3,0% | 9,9 | 11,1 |
Suisse | 7,95 | 1,6% | 492 | 3,8% | 13,7 | 16,3 |
Emmanuel Nkunzumwami
Auteur de "Le Partenariat Europe-Afrique dans la mondialisation" (Ed. L'Harmattan, 2013)
Analyste politique sur Radio Africa n°1