IMG116-copie-1Les médias nous l’ont assez montré : les pays émergents, en tête desquels arrive la chine, prennent progressivement des positions fortes sur le continent africain. Les pays émergents de tête, BRIC (la Chine, l’Inde, le Brésil, la Russie), montrent de plus en plus leurs muscles face aux puissances industrielles occidentales historiques en Afrique. Mais le groupe suivant de l'AMACITA fait également pression dans les coopérations sud-sud derrière les BRIC. En Afrique, de nouvelles puissances régionales ont également démarré leurs conquêtes : le Maroc est en compétition avec l’Algérie pour le contrôle des industries extractives et de transformation sur  le continent. L’Afrique du Sud tente de consolider ses positions de leader économique du continent africain, y compris par des interventions de son armée sur les théâtres de conflits. Mais, en Côte d’Ivoire, en Libye, au Mali ou encore plus récemment en République Centrafricaine où elle a perdu 13 soldats face à une rébellion Seleka décidée à occuper la capitale Bangui et prendre le pouvoir au général-président François Bozizé sous protection du contingent sud-africain, l’Afrique du Sud a montré les faiblesses de sa puissance militaire pour se mesurer aux capacités de projection et d’intervention des grandes puissances telles que la France ou le Royaume-Uni ou les Etats-Unis. L’armée d’Afrique du Sud ne s’est pas encore exercée sur des champs de bataille dans une guerre pour en acquérir l’expérience opérationnelle. D’autres pays africains, tels que l’Ethiopie, le Rwanda, l’Angola, la Tanzanie ont déjà mené et gagné des guerres en Afrique. Mais l’Afrique du Sud, consciente de sa puissance économique dominante sur le continent, doit construire une diplomatie cohérente et non agressive, accompagner le développement économique de ses alliés en Afrique, consolider la puissance économique et industrielle de l’Afrique australe, accroître la puissance opérationnelle de son armée pour réussir son positionnement crédible sur la scène internationale.

Puisque les pays africains sont encore fragiles comme des nouveau-nés, les prédateurs se montrent de plus en plus agressifs pour lui reprendre ses ressources. Aussi, nous conseillons très vivement aux dirigeants africains de prendre quelques jours d'intenses réflexions pour définir leurs stratégies de développement. L’une des responsabilités cardinales des Etats est de concevoir les orientations stratégiques des politiques publiques et de décider des axes à suivre. Les ressources naturelles des nations africaines sont de sept grandes catégories : agricoles, forestières, hydrauliques, minières, gazières, pétrolières et humaines. Ces ressources sont  disponibles à des quantités et des degrés divers selon les pays. Le devoir pour chaque pays est d’en faire le recensement dynamique et de décider de leur gestion au profit du développement économique, industriel et social pour tous ses habitants. Les pays émergents, asiatiques et sud-américains, qui prennent de plus en plus le contrôle des ressources en Afrique sont conscients de ces ressources naturelles ; ils développent les stratégies qui maximisent leurs profits pour leurs propres intérêts. Extraire les ressources au coût minimum en Afrique, les transformer dans leurs usines au pays et vendre les produits finis au prix compétitifs sur les marchés mondiaux. Aussi les Africains doivent s'endetter pour acheter les produits finis issus de leurs ressources naturelles ! Lorsque la Chine ou l’Inde déplacent leurs populations pour les installer dans des pays d’Afrique dans le cadre de l’exploitation des ressources naturelles, elles se constituent quatre étages de profits : elles résorbent  une partie du chômage de leurs pays en déplaçant directement leur main-d’œuvre en Afrique, elles exploitent les ressources au meilleur coût pour réaliser des meilleurs coûts de production dans leurs pays et devenir compétitifs sur les marchés internationaux, elles développent l’apprentissage industriel sur le terrain d’application en Afrique sans se soucier des contraintes écologiques dont elles auraient l’obligation internationale sur leurs propres territoires, et enfin elles conquièrent des terres pour leurs habitants et pour des cultures stratégiques au profit de la Chine ou de l’Inde. Les Dirigeants africains n’ont pas encore pris suffisamment conscience des enjeux réels des pays émergents sur leurs territoires. Et comme tous les gagne-petit, ils se contentent des profits immédiats qui garnissent les comptes bancaires particuliers par de modestes commissions d’exploitations versées par des compagnies étrangères, sans projeter les pays sur des ambitions à long terme. Now is the time to wake up !


Les principaux pays émergents : BRICS

Pays BRICS

Superficie

(000 km²)

Population

(x106 hab)

Tx de fécondité (nb enf/femme)

Espérance de vie (années)

Enfants <15ans

(% popul)

Brésil

8 511,96

205,72

1,82

72,8

25

Russie

17 098,24

138,08

1,43

70

16

Inde

3 287,59

1 205,07

2,58

67,1

29

Chine

9 596,56

1 343,24

1,55

74,8

17

South-Africa

1 219,91

48,81

2,28

49,0

28

L’on voit nettement que, sauf la Russie et la Chine dont les populations vieillissent comme dans les pays occidentaux, le Brésil, l’Inde et l’Afrique du Sud comptent sur la jeunesse équilibrée de leur population entre 25% et 29%. Ce sont tous d’immenses pays de plus d’un million de km² et des population se chiffrant par centaines de millions à l’exception du petit pays d’Afrique du sud, qui a de plus la particularité de présenter la plus faible espérance de vie de 49 ans, en raison notamment de l’épidémie du VIH (Sida).

Pays BRICS

PIB 2011

(x109 $)

Croissance 2011

(en %)

Tx chômage officiel

 (en %)

Longueur Chemins de fer

(en km)

PIB en % agricole/

agriculteurs

Brésil

2 518

2,8

6,2

28 538

5,5 / 17

Russie

1 791

4,3

6,2

87 157

4,5 / 10

Inde

1 843

7,8

9,9

63 974

17 / 50

Chine

6 989

9,5

6,4

86 000

10 / 30

South-Africa

422

3,4

24,4

20 872

2,4 / 9

Sur ce tableau, on comprend nettement mieux que l’Afrique du Sud fait partie des BRICS par solidarité Sud-Sud avec le continent africain. C’est le seul pays du continent qui émerge avec 422 milliards de dollars de PIB en 2011, devant le Nigeria avec son modeste PIB de 247 milliards de dollars (soit presque la moitié du PIB de l’Afrique du Sud, pour un pays très riche et 3,5 fois plus peuplé !). Mais dans le groupe des BRICS, le PIB de l’Afrique du sud est d’environ 24% du dernier pays des BRIC, la Russie. Par ailleurs, même si le poids de l’agriculture dans le PIB est le plus faible des BRICS (2,4% du PIB en 2011 pour 9% d’agriculteurs dans sa population), l’Afrique du sud ne compense pas encore la perte du secteur agricole par l’industrie et les services. En conséquence, le taux de chômage reste élevé avec plus de 24% et ce chômage frappe durement la jeunesse. L’Afrique du sud reste alors une petite pièce rapportée dans la constitution des BRICS, d’autant que de nombreux autres pays de l’AMACITA devancent l’Afrique du sud : celle-ci se retrouve au niveau de l’Iran qui n’est même pas classée. Globalement, les pays d’Afrique dépendent encore beaucoup des contributions industrielles des pays émergents et des pays occidentaux industrialisés historiques.

La situation est nettement plus dégradée dans les autres pays émergents du continent africain. En se focalisant sur les principales puissances régionales : Afrique du nord, Afrique occidentales, Afrique centrale et Afrique orientale, le tableau suivant offre une intéressante comparaison :

Autres pays d’Afrique

Superficie

(000 km²)

Population

(x106 hab)

Tx de fécondité (nb enfants /femme)

Espérance de vie (années)

Enfants <15ans

(% popul)

Nigeria

923,77

170,12

5,4

52

44

Maroc

446,55

32,31

2,2

76

27

Ghana

239,46

25,24

4,2

61

36

Kenya

582,65

43,01

4,0

63

43

Cameroun

475,44

20,13

4,1

55

40

En dehors du Nigeria, avec ses 170 millions d’habitants, les autres pays émergents sur le continent présentent de modestes populations de moins de 50 millions d’habitants. C’est insuffisant pour peser dans l’économie mondiale, au regard des grandes puissances émergentes des BRIC. La puissance par les populations actives étant une des clés de la croissance industrielle, le planning familial pour baisser le taux de natalité à moins de 4 enfants par femme et la constitution des ensembles régionaux est absolument indispensable pour peser face aux puissances asiatiques et latino-américaines. Cela s’explique également par l’indispensable politique d’éducation, d’alphabétisation et de formation professionnelle solides pour les jeunes dont les moins de 15 ans représentent au-delà de 30% de la population jusqu’à 50% dans certains pays encore plus jeunes mais mal équipés et impuissants à mener de véritables politiques publiques pour la jeunesse, les forces vives des nations de demain.


Les indispensables efforts dans les infrastructures en Afrique

Autres pays d’Afrique

PIB 2011

(x109 $)

Croissance 2011

(en %)

Longueur Chemins de fer

(en km)

Longueur Chemins de fer minimum

(en km)

PIB en % agricole/

agriculteurs

Nigeria

247

6,9

3 505

36 560

16,5 / 40

Maroc

102

4,6

2 067

4 828

26 / 50

Ghana

39

13,5

947

2 762

26 / 50

Kenya

36

5,3

2 778

7 341

24 / 70

Cameroun

26

3,8

987

3 104

20 / 50

Ce tableau attire notre attention sur l’incapacité des nations à se développer sans les infrastructures. Parmi les pays émergents régionaux, le Nigeria, le Ghana et le Cameroun dans ce tableau accusent un très fort retard d'équipement en infrastructures ferroviaires. L'écart entre la situation actuelle et le minimum requis pour couvrir la moitié du terrioire est très important. Nous avons indiqué que le rôle des Etats est de concevoir les orientations des politiques publiques de développement et de décider. Après les stratégies sur la gestion des ressources naturelles, viennent les décisions de mise en œuvre pour déconcentrer les capitales, aménager les territoires, accompagner le développement économique régional dans chaque Etat constitutif de chacune des cinq régions du continent. Par ailleurs, l’on observe que les populations restent rurales avec une forte composante des populations agricoles au-delà de 50%. Ces populations doivent alors construire le développement économique et social chez elles, sur leurs propres terres. Mais pour accéder aux marchés, se déplacer, envoyer les enfants à l’école, communiquer avec d’autres populations du pays, elles doivent disposer des moyens de communication. Se pose alors la question du choix des infrastructures à développer : aéroportuaires, routières et autoroutière, fluviales et portuaires, des télécommunications et bien entendu ferroviaires. La géographie du pays commande les efforts à développer dans des infrastructures. Autant les routes et les autoroutes sont indispensables pour les communications urbaines et des espaces interurbains proches, autant les voies ferroviaires deviennent des infrastructures écologiques et publiques les mieux adaptées pour d’immenses territoires en Afrique. En volumes plus importants que sur les routes et les autoroutes qui nécessitent l’utilisation des véhicules que de nombreux Africains ne possèdent pas, en transport collectif moderne et propre, les infrastructures ferroviaires transportent les passagers et le fret dans de meilleures conditions environnementales, de confort et de sécurité. Mais pour cela, les pays doivent décider des constructions de chemins de fer. En dehors de l’Afrique du Sud, aucun autre pays africain ne dispose d’infrastructures ferroviaires minimum eu égard à sa population et à son étendue. Aussi nous proposons un effort minimum à chaque pays, afin de couvrir au-moins 50% de l’étendue du territoire.


Conclusion :

Nous indiquons la longueur minimum pour chaque pays ; celui-ci peut en faire un objectif entre 2020 et 2025 pour couvrir l’équivalent de 50% du territoire national. Le prétexte de l’énergie ne tient plus car toutes les énergies conventionnelles et des énergies nouvelles et renouvelables, en plus de l’énergie solaire sont disponibles en Afrique. Enfin, les locomotives au diésel avec des consommations optimisées existent. Il ne s’agit pas de construire des TGV, mais des chemins de fer avec des trains roulant entre 120 km/h  et 180 km/h pour s’adapter aux moyens économiques et financiers des Etats africains. Dans vos négociations avec la Chine, l’Inde, le Brésil, la Russie et les autres puissances industrielles occidentales historiques, Dirigeants africains, exigez le train dans les contrats industriels. Vous avez des échelles de comparaison avec les nouveaux maîtres de l’économie mondiale, alors réagissez pour le bien de vos peuples. Les Africains et le monde vous regardent et vous évaluent.

 

Emmanuel Nkunzumwami

auteur de "Le Partenariat Europe-Afrique dans la mondialisation", Editions L'Harmattan, 2013

Analyste politique sur Radio Africa n°1

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