L'EUROPE-USA FACE AUX PAYS EMERGENTS DANS UN MONDE MULTIPOLAIRE
31 oct. 2011 Le monde a fortement évolué depuis les années 1990 et les nouvelles dynamiques économiques sont portées par les Pays Emergents qui rythment désormais la croissance économique du monde en ce début du 21ème siècle. Tous les Humains aspirent légitimement aujourd’hui à plus de démocratie, à une meilleure éducation et de meilleures conditions de santé publique, à des infrastructures publiques, à plus de développement pour accéder à l’eau, l’énergie, les transports, l’information, les loisirs, l’emploi, le revenu élevé, la consommation des biens industriels, etc. Mais tout a un coût et entraîne les anciens pays industrialisés historiques à céder une partie de leurs privilèges au profit des nouveaux entrants émergents. C’est tout l’équilibre d’environ sept milliards d’humains qui peuplent la terre qu’il convient de trouver, et le nouveau contexte de la mondialisation nous interroge sur le sens de la nouvelle croissance, nos moyens de consommation et sur la répartition équitable des richesses à travers le monde.
L’économie mondiale et les équilibres des nouvelles puissances face aux économies industrialisées historiques s’organisent autour des instances de régulation. Une structure mondiale des Etats s’est alors développée pour mettre de l’ordre dans la gouvernance du monde : c’est le G20. C’est un ensemble qui s’élargit à partir de l’ancien G7 des principaux pays industrialisés historiques du Bloc Occidental (Etats-Unis, Canada, Allemagne, France, Royaume-Uni, Italie et Japon) auquel s’ajoute le Noyau des Cinq Principaux Pays Emergents du BRICS qui rythment l’économie mondiale au début du 21ème siècle (Brésil, Russie, Inde, Chine et South-Africa) pour former le G7+5. Ce groupe s’est ensuite étendu aux Sept Autres Pays Emergents parmi les plus dynamiques, formant l’AMACITA (Australie, Mexique, Argentine, Corée du Sud, Indonésie, Turquie et Arabie Saoudite). A ces Etats identifiés s’ajoutent un observateur permanent européen, l’Espagne, et une structure représentant l’Union Européenne, la Commission Européenne. Cependant, derrière l’AMACITA, de nouvelles puissances émergentes poussent la porte par leur dynamisme de croissance économique. On peut citer notamment : Thaïlande, Taiwan, Pologne, Singapour, Philippines, Malaisie, Iran, Pakistan, Colombie, Egypte, Nigéria et bien d’autres encore… ces pays se caractérisent par une forte poussée démographique qui s’accompagne d’une forte croissance économique, contrairement aux anciennes puissances occidentales dont une partie décline démographiquement ou enregistre de très faibles évolutions dans leur croissance économique.
I. Les grandes économies mondiales entre 1996 et 2006
Nous fournissons une analyse comparée de la croissance du Produit National Brut (PNB) qui indique la croissance de la richesse produite par le pays et de la balance des paiements qui caractérise le dynamisme du commerce extérieur, sur la période de 1996 à 2009. On remarque les ralentissements de vieilles nations et des avancées des pays émergents. Les pays du G7 ont connu une croissance de 25% (pour l’Allemagne à 121% (pour le Canada) avec une récession enregistrée au Japon pendant la grande crise asiatique dès la fin des années 1990. Cependant, la croissance s’est poursuivie à un rythme modeste et elle a atteint 43% en Allemagne jusqu’à 131% pour le canada entre 1996 et 2009. Le Royaume-Uni a même traversé une récession entre 2006 et 2009 comme conséquence directe de sa longue désindustrialisation au profit de l’économie financière fortement perturbée par la crise bancaire et financière depuis l’été 2007. Un autre baromètre de l’intensité de la mondialisation est constitué par le dynamisme du commerce extérieur. A la fin de 2009, seuls le Japon et l’Allemagne présentent un excédent de leur balance de paiement des produits et services. Les Etats-Unis, l’Italie et la France sont les plus mauvais commerçants du G7 sur le marché international, avec les déficits de 378 Mrds de dollars pour les USA à 52 Mds de dollars pour la France. Déjà en 2006, on remarque les excédents commerciaux des champions de l’Economie Industrielle des pays industrialisés : l’Allemagne (189G$), le Japon (170G$), les Pays-Bas (63G$), les pays scandinaves : Norvège (58G$), la Suède (33G$), la Finlande (10G$) et le Danemark (8G$). La Suisse bénéficie à la fois de valeur financière de banque-refuge du capitalisme mondial et du dynamisme de son industrie.
Le tableau ci-dessous indique les évolutions de 1996 à 2006.
PAYS | PNB en 1996 (en milliards de US$) | PNB en 2006 (en milliards de US$) | Evolution PNB en $ courants 2006/1996 (en %) | Balance Commerciale en 1996 (en Mds US$) | Balance Commerciale en 2006 (en Mds US$) |
Japon | 5314,8 | 4 486,5 | -15,6% | 65,9 | 170,5 |
Allemagne | 2371,7 | 2 963,8 | 25,0% | -13,1 | 189,1 |
France | 1537,6 | 2 288,4 | 48,8% | 20,5 | -13,0 |
Italie | 1132,3 | 1 860,3 | 64,3% | 41,0 | -47,8 |
Etats-Unis | 7347,7 | 13 357,8 | 81,8% | -148,7 | -802,6 |
Royaume-Uni | 1141,8 | 2 452,0 | 114,7% | -0,5 | -80,9 |
Canada | 573,5 | 1 267,6 | 121,0% | 2,8 | 31,0 |
suisse | 301,2 | 423,8 | 40,7% | 21,9 | 56,9 |
Autriche | 228,9 | 317,2 | 38,6% | -4,0 | 7,8 |
Belgique | 265,2 | 401,9 | 51,5% | 14,4 | 8 |
Danemark | 168,3 | 279,0 | 65,8% | 2,9 | 8,2 |
Finlande | 119,3 | 211,6 | 77,4% | 4,8 | 9,5 |
Portugal | 107,7 | 188,0 | 74,6% | -2,7 | -21,5 |
Pays-Bas | 396,5 | 698,8 | 76,2% | 20,4 | 63,1 |
Espagne | 578 | 1 211,9 | 109,7% | 1,8 | -110,9 |
Norvège | 151,3 | 337,0 | 122,7% | 11,3 | 58,3 |
Suède |
| 399,7 |
| 5,9 | 33,3 |
Le tableau ci-dessous indique les évolutions contrastées des situations :
PAYS | PNB en 1996 (en milliards de US$) | PNB en 2006 (en milliards de US$) | Evolution PNB en $ courants 2006/1996 (en %) | Balance Commerciale en 1996 (en Mds US$) | Balance Commerciale en 2006 (en Mds US$) |
Brésil | 729,3 | 1 066,4 | 46,2% | -24,3 | 13,6 |
South-Africa | 123,5 | 252,6 | 104,5% | -2 | -13,7 |
Russie | 417,8 | 961,8 | 130,2% | 11,4 | 94,7 |
Inde | 370,2 | 908,3 | 145,4% | -3,5 | -9,3 |
Chine | 883,8 | 2 673,0 | 202,4% | 7,2 | 253,3 |
Argentine | 298,5 | 208,88 | -30,0% | -4,13 | 7,8 |
Corée du Sud | 484,6 | 953,2 | 96,7% | -23,1 | 5,4 |
Indonésie | 220 | 320,1 | 45,5% | -8,1 | 10,9 |
Australie | 385,8 | 696,2 | 80,5% | -15,9 | -41,5 |
Arabie Saoud | 137,03 | 365,1 | 166,4% | -5,3 | 99,1 |
Turquie | 194,7 | 523,2 | 168,7% | -1,5 | -32,2 |
Thaïlande | 180,9 | 198,9 | 10,0% | -14,7 | 2,3 |
Taiwan | 253,1 | 376,3 | 48,7% | 4,8 | 26,3 |
Pologne | 142,1 | 156,4 | 10,1% | -3,3 | -3 |
Singapore | 92,4 | 134,2 | 45,2% | 14,3 | 35,4 |
Philippines | 86,6 | 127,3 | 47,0% | -3,8 | 5,4 |
Malaisie | 89,7 | 151,7 | 69,1% | -8,4 | 26,2 |
Iran | 123,2 | 219,3 | 78,0% | 3,6 | 2,7 |
Pakistan | 63,3 | 130 | 105,4% | -3,5 | -6,8 |
Colombie | 79,1 | 156,4 | 97,7% | -4,8 | -3 |
Egypte | 53,2 | 108 | 103,0% | -0,2 | 2,6 |
Nigeria | 41,7 | 141,3 | 238,8% | 3,1 | 33,9 |
Mexique |
| 934,4 |
|
| -4,5 |
On y distingue quatre situations :
1°- les pays exportateurs disposant des ressources naturelles (pétrole, gaz, autre ressources naturelles) et qui s’appuient sur ces ressources pour développer leurs industries exportatrices. Ce sont le Nigéria, l’Iran, l’Arabie Saoudite et la Russie.
2°- Les pays qui misent sur le développement de la production industrielle par le bénéfice des délocalisations de l’Occident. Ils n’inventent pas de nouveaux produits inconnus dans le monde mais maîtrisent les process des pays occidentaux et reproduisent les biens industriels à bas coûts pour concurrencer leurs donneurs d’ordre et maintenir la croissance de leur économie et du commerce extérieur. Ce sont notamment : Singapour, Taïwan et la Chine.
3°- Les nouveaux pays émergents industriels qui misent sur le savoir-faire industriel et qui ont basculé des déficits de leur commerce extérieur vers les excédents par la conquête des autres marchés des pays émergents dans le monde. Ce sont notamment : le Brésil, l’Argentine, la Corée du Sud, l’Indonésie, la Thaïlande, les Philippines, la Malaisie et l’Egypte.
4°- Les pays en forte demande d’investissement d’équipements industriels pour entrer dans la compétition mondiale. Ces pays doivent d’abord s’imposer sur les marchés domestiques régionaux avant de conquérir les marchés lointains. Ce sont : l’Afrique du Sud, l’Inde, l’Australie, la Turquie, la Pologne, le Pakistan, la Colombie et le Mexique. Pour ces pays, en 2006, le commerce extérieur est encore déficitaire en raison des importations des biens d’équipement industriels et militaires.
Globalement les pays émergents fonctionnent sur un même mode : négocier les ressources naturelles et leurs approvisionnements des matières premières auprès des pays n'ayant pas encore les capacités de les transformer, acquérir les technologies et la maîtrise des process industriels des pays industrialisés historiques, proposer les mêmes offres de produits finis à moindre coût, s'imposer dans les pays peu développés et conquérir les marchés des pays émergents à haut revenus, concurrencer les productions occidentales sur leurs marchés domestiques pour capter de confortables marges commerciales. Le G20 devrait mettre en place les mécanismes de régulations économiques et financières internationales, veiller à la redistribution des richesses au sein des pays émergents et à l'équilibre des échanges entre les producteurs et les bénéficiaires des matières premières dans le respect des contraintes écologiques, et proposer des solidarités internationales entre les pays riches et des pays pauvres. Tous les instruments des régulations monétaires, économiques, politiques, écologiques et sociales devraient être revus pour assurer l'équilibre et la sécurité du monde.
Emmanuel Nkunzumwami
Auteur de "La Nouvelle Dynamique Politique en France", Editions L'Harmattan.