COMMENT SORTIR DU CERCLE VICIEUX DES DEFICITS BUDGETAIRES ET DE LA DETTE PUBLIQUE
04 sept. 2011 Le monde a évolué depuis la fin de la seconde guerre mondiale et l’interdépendance des nations est devenue une simple évidence en ce début du 21ème siècle de la mondialisation des échanges et des économies. Aucun pays ne peut plus élaborer ses stratégies indépendamment de la situation de ces interdépendances. Tous les Humains aspirent aujourd’hui à plus de démocratie, à une meilleure éducation et de meilleures conditions de santé publique, à plus de développement pour accéder à l’eau, l’énergie, les transports, l’information, les loisirs, l’emploi, le revenu élevé, la consommation des biens industriels, etc. Mais tout a un coût et entraîne les anciens pays industrialisés historiques à céder une partie de leurs privilèges au profit des nouveaux entrants émergents. C’est tout l’équilibre d’environ sept milliards d’humains qui peuplent la terre qui nous interroge sur nos moyens de consommation et sur la répartition équitable des richesses. C’est dans ce contexte que nous devons repenser tous les moyens de réduction des déficits budgétaires et de la dette publique de l’ensemble des pays industrialisés historiques : Amérique du Nord, Europe Occidentale, Japon. Mais, pour mener une réflexion globale, il convient de se rappeler que le monde aujourd’hui, c’est 6,84 milliards d’habitants, répartis sur les six continents habités dont l’Antarctique :
- 4.143,327 millions d’habitants en Asie, soit 61% de la population mondiale,
- 996,376 millions d’habitants en Afrique, soit 15% de la population mondiale,
- 925,465 millions d’habitants en Amérique, soit 14% de la population mondiale,
- 738,524 millions d’habitants en Europe, soit 11% de la population mondiale,
- 36,104 millions d’habitants en Océanie et l’Antarctique.
L’économie mondiale et les équilibres de puissance s’organisent autour des instances de régulation. Une structure mondiale des Etats s’est alors développée pour mettre de l’ordre dans la gouvernance du monde : c’est le G20. C’est un ensemble qui s’élargit de l’ancien G7 des principaux pays industrialisés historiques du Bloc Occidental (Etats-Unis, Canada, Allemagne, France, Royaume-Uni, Italie et Japon) auquel s’ajoute le Noyau des Cinq Principaux Pays Emergents du BRICS qui rythment l’économie mondiale au début du 21ème siècle (Brésil, Russie, Inde, Chine et South-Africa) pour former le G7+5. Ce groupe s’est ensuite étendu aux Sept Autres Pays Emergents parmi les plus dynamiques de l’AMACITA (Australie, Mexique, Argentine, Corée du Sud, Indonésie, Turquie et Arabie Saoudite). Penser les difficultés économiques, les crises budgétaires et les dettes des Etats aujourd’hui, c’est penser les interrelations qui se sont développées entre ces principales puissances économiques de la planète. Cependant, en période de crise comme celle que nous traversons, chaque Etat est appelé à repenser ses propres budgets, ses alliances économiques et financières et ses priorités pour ne pas léguer aux générations futures d’énormes dettes contractées par les parents. C’est le cas aujourd’hui des principales puissances économiques prises dans d’énormes déficits budgétaires et dans le gouffre de la dette publique : Etats-Unis, Japon et Principaux pays de l’Union Européenne. Le Japon est la puissance économique mondiale la plus endettée avec un déficit budgétaire de 12.000 milliards de dollars soit 225% du PIB. Aux Etats-Unis, les déficits publics atteignaient 1.294 milliards de dollars, soit 8,9% du PIB à la fin de septembre 2010. Et à la fin de septembre 2011, ils prévoient 1.316 milliards de dollars, soit 8,8% du PIB et visent 6,1% du PIB en fin septembre 2012 avec une croissance qui devrait passer de 2,1% en 2011 à 3,3% en 2012. Les USA s’engagent donc dans la réduction des déficits et de la dette dès 2012. Mais comment assainir l'endettement des Etats sans compromettre la croissance économique indispensable ? Il faut affaiblir les spéculations sur les dettes souveraines des Etats. L'une des solutions consisterait à ramener, sous contrôle du FMI et de la Banque Mondiale, les taux d'intérêt des dettes publiques à des niveaux des taux de base des banques centrales des devises détenues : soit le taux de base de la FED pour les dettes publiques en dollars, soit le taux de base de la BCE pour les dettes publiques en Euros, etc. La spéculation sur les taux d'intérêt des pays les plus endettés étouffe ces pays et les pousse à s'endetter davantage pour payer les dettes anciennes... et s'enferment ainsi dans le cercle vicieux du surendettement !
Au sein de l’Union Européenne, les situations sont contrastées comme l’indique le tableau ci-dessous :
Pays | Dettes/Hab | PIB/Hab | Moyenne croissance annuelle PIB2010 | Moyenne croissance annuelle favorable PIB | PIB2016 (Millions Euros) | Dette2016 = 60%PIB (PSC) | Effort net moyen annuel (Millions Euros) |
Grèce | 30 460 | 21 337 | 0,45% | 0,82% | 241 663 | 144 998 | -30 598 |
Italie | 30 708 | 25 806 | 0,06% | 0,13% | 1 560 477 | 936 286 | -151 121 |
Belgique | 31 233 | 32 269 | 1,69% | 3,04% | 421 560 | 252 936 | -14 681 |
Irlande | 32 321 | 33 602 | -6,67% | 0,01% | 154 031 | 92 419 | -9 276 |
Portugal | 14 986 | 16 114 | 0,63% | 1,14% | 184 649 | 110 790 | -8 280 |
Allemagne | 25 526 | 30 671 | 0,90% | 2,52% | 2 902 083 | 1 741 250 | -56 397 |
France | 25 202 | 30 847 | 0,91% | 1,78% | 2 164 691 | 1 298 815 | -48 726 |
Autriche | 24 383 | 33 744 | 1,45% | 2,61% | 331 428 | 198 857 | -1 059 |
Hongrie | 8 072 | 10 065 | 2,31% | 4,16% | 127 355 | 76 413 | -591 |
Royaume-Uni | 21 629 | 27 043 | 1,14% | 2,06% | 1 880 268 | 1 128 161 | -33 765 |
Malte | 10 442 | 15 354 | 4,57% | 6,40% | 9 063 | 5 438 | 198 |
Pays-Bas | 22 536 | 35 926 | 1,14% | 2,04% | 667 839 | 400 704 | 4 946 |
Les cinq pays les plus endettés d'Europe (Grèce, Italie, Belgique, Irlande, Portugal) présentent une dette annuelle supérieure ou presque égale au revenu du pays. Si la Belgique propose un taux de croissance important pour rembourser ses dettes, il n’est pas de même des quatre autres pays. A partir des informations disponibles, nous avons effectué des projections de croissance entre 2010 et 2016 : soit une moyenne annuelle d’une croissance de 0,82%, de 0,13% et de 1,14% respectivement pour la Grèce, l’Italie et le Portugal.
Pour les autres pays endettés au-delà de 60% de leur PIB, il y a lieu de considérer deux démarches. Par décision des politiques publiques d’allocations budgétaires, les pays concernés de l’Union Européenne devraient « ajuster » les dépenses aux recettes actuelles dès les votes budgétaires de 2011. Si les Etats-Unis se fixent un objectif de passe de 8,9% en 2010 à 6,1% en 2012 (soit une baisse de 2,8 points), les grands pays de l’UE pourraient également y arriver. Si les Etats se donnent l’objectif de baisser de 2 points, l’on pourra atteindre 1,3% en Allemagne ; 5% en France ; 2,6% en Autriche ; 7% en Espagne ; 8% au Royaume-Uni. Mais pour que les efforts de réduction des déficits budgétaires ne soient anéantis par la charge financière de la dette, il conviendra de réduire énergiquement cette dette. Nous avons estimé, à partir des données prévisionnelles du FMI de 2011 et 2012, et de la compétition mondiale des pays industrialisés historiques derrière les pays émergents (G7, BRICS et AMACITA, et G72), des croissances moyennes annuelles de 1,78% pour la France ; 2,06% pour le Royaume-Uni ; 2,52% pour l’Allemagne ; 2,61% pour l’Autriche ; 4,16% pour la Hongrie comme les minima que tous ces pays pourront atteindre entre 2011 et 2016. Dans ces conditions, pour réduire la dette publique et atteindre 60% du PIB en 2016, les pays concernés devraient réaliser des efforts de réduction nette chaque année de 151 milliards d’Euros pour l’Italie ; 56 milliards d’Euros pour l’Allemagne ; 49 milliards d’Euros pour la France ; 34 milliards d’Euros pour le Royaume-Uni ; 31 milliards d’Euros pour la Grèce ; 15 milliards d’Euros pour la Belgique ; 9 milliards d’Euros pour l’Irlande ; 8 milliards d’Euros pour le Portugal et 1 milliard d’Euros pour l’Autriche.
Pour y parvenir, au même titre que les Etats-Unis et les efforts que fournit difficilement le Japon, tous les Etats de l’Union Européenne concernés ont le devoir de limiter les déficits dès l’exercice 2011. Pour la France, les gisements financiers pour réduire les déficits et la dette existent : il convient d’ajuster les dépenses au niveau des recettes actuelles. Ensuite, les recettes supplémentaires dès 2012 qui seront issues des nouvelles taxes. Sur les hauts revenus au-delà de 250k€ annuels et jusqu’en 2016, on devrait appliquer une taxe différenciée complémentaire de l’impôt sur le revenu : 2% sur la tranche de 250k€ à 500k€, ensuite 5% sur la tranche de 500k€ à 800k€ et 8% au-delà de 800k€. Appliquer 8% additionnels sur les plus-values immobilières et boursières. Enfin, la cession des actifs non stratégiques, l'optimisation du train de vie de l'Etat, la réforme de structure des Institutions et la mise en oeuvre de la réforme des collectivités territoriales, le contrôle des allocations et de l'utilisation de ressources publiques, la révision et la suppression des niches fiscales et sociales inefficaces... pourraient rapporter 40 milliards d’Euros supplémentraires par an. Ces recettes fiscales et sociales seraient affectées à 80% à la réduction de la dette et 20% aux ajustements budgétaires pour réduire les déficits... La part du déficit social lié aux dépenses des retraites et des reversions sera résorbée à l'horizon 2018 avec la réforme des retraites de 2010 et entrée en application depuis le 1er juillet 2011. Enfin, pour les entreprises, notamment industrielles et des services connexes à l'industrie, il conviendra de ne pas alourdir les charges fiscales et sociales pour maintenir la compétitivité et l'attractivité, afin d'encourager la relocalisation en France et en Europe des activités délocalisées dans les pays à bas coûts de production. L'objectif est de soutenir la réindustrialisation pour relancer la croissance économique, l'emploi et le revenu. Par ailleurs, les bénéfices des entreprises non investis et qui sont distribués sous des formes diverses (dividendes, primes, etc.) se retrouvent dans la fiscalité du capital et dans les poches des grandes fortunes où l'on propose l'accroissement de la taxe additionnelle pour décourager les spéculations, qui sont à l'origine des crises boursières, financières, alimentaires, immobilières et bancaires à répétition, et encourager l'investissement comme moteur de la croissance. L'Etat doit retrouver ses fonctions cardinales de définir les orientations politiques (économiques, fiscales, sociales), de réguler en coopération avec les autres Etats en Europe, et d'appliquer les contrôles et les évaluations régulières de ses décisions. En temps de crise, les Citoyens se tournent toujours vers l'Etat.
En conclusion pour l'Union Européenne : une réduction nette annuelle de 1 milliard d’Euros pour l’Autriche à 151 milliards pour l’Italie amènerait les Etats très endettés aujourd’hui à un ratio proche de 60% du PIB vers en 2017, à condition de réduire significativement les déficits publics et ajuster les dépenses aux ressources fiscales et sociales de 2010-2011. La réduction des déficits est indispensable pour réduire les dettes souveraines des Etats et alléger la charge financière qui pèse fortement dans les budgets, privant ainsi les Etats des financements utiles à l’investissement et à la consommation intérieure pour soutenir la croissance.
Emmanuel Nkunzumwami
Auteur de « La Nouvelle Dynamique Politique en France », Editions L’Harmattan Chroniqueur sur Africa n°1 et sur France Bleu Picardie.