Par Emmanuel Nkunzumwami
Auteur de « La Nouvelle Dynamique Politique en France »,
Editions L’Harmattan, Paris, Décembre 2007.

 

Nous sommes tous attachés à la performance de notre Ecole, de nos Collèges, de nos Lycées et de nos Universités. Mais nous avons oublié de regarder ce qui se passe ailleurs dans le monde et de nous interroger sur les crises successives que traverse l’Education Nationale en France. Qui peut supporter que plus de 50% des Etudiants entrant à l’Université ne franchissent même pas la première année ? Qui peut admettre qu’une Faculté d’une Université inscrit 700 étudiants en Première Année pour n’en faire passer que 200 en Deuxième Année (soit un gâchis de 500 étudiants abandonnés à eux-mêmes à la fin de la première année d'une seule faculté de sociologie et de psychologie d'une seule université) ? Quelle entreprise serait disposée à payer 70% de ses employés dont elle est parfaitement sûre, A PRIORI, que LES RESULTATS SERONT NULS A LA FIN DE L’ANNEE ? Quel agriculteur dépenserait sa fortune pour acheter les graines et semis pour ses champs, labourerait avec tout son talent ses champs, entretiendrait avec tous les soins nécessaires tous ses champs et ses plantes dans l’espoir de la seule récolte attendue de l’année, TOUT EN SACHANT D’AVANCE QU’IL NE RECOLTERA RIEN SUR 70% DE SES TERRAINS ET DE SES CHAMPS ? Mais nous avons admis, comme par fatalité, que notre production universitaire si maigre et si décevante, est contrebalancée par les Grandes Ecoles, avec notre système unique dans le Monde des Classes Préparatoires intégrées aux Lycées, si intégrées que l’élèves peuvent séjourner dans un même lieu d’éducation de la maternelle (à deux ans et demi) à la dernière année des classes préparatoires (à vingt ans), soit près de 18 ans de vie de l’enfance à l’adolescence en franchissant le même portail et en évoluant à l’intérieur d'une même clôture. Pour le Monde extérieur, comme pour l’information sur le monde du travail, on verra plus tard !

 

Mais le Monde change sans cesse ; le contexte international dans un marché globalisé nous impose de nouveaux regards sur l’Education de nos futurs responsables de la Société Française. L’Education de nos jeunes est un devoir partagé entre les professionnels de l’Education, les parents, les élèves, les partenaires économiques et sociaux, et les représentants des Pouvoirs Publics. C’est dire un devoir de nous tous. Au-delà de nos légitimes étonnements des blocages de notre système mais sans actions concrètes, le Président de la République a impulsé de nouvelles réformes. Les réformes de l’Université française en constituent un premier chantier. Mais ce n’est qu’un aval de tout un ensemble et de tout un édifice à ré-examiner. Bien entendu, les réformes proposées de l’Université en France posent la question fondamentale des FINALITES. Que fait-on après l’Université ? Constatons que moins de 20% d’une promotion entrant à l’université terminent leurs études au bout de cinq ans. Mais sur ces 20% terminant des études, plus de 10% restent au chômage pendant encore trois ans ! Les autres, parfois dégoûtés et totalement déçus, finissent par se tourner enfin vers une formation professionnelle n'ayant aucun rapport avec leurs études universitaires. C’est donc dire huit ans de gâchis d’une génération. C’est totalement inacceptable. Mais alors, pourquoi admettre les élèves à s’inscrire à l’Université quand l’Université elle-même se déclare incapable de les conduire jusqu’à la réussite professionnelle ? PARCE QU’IL SUFFIT D’OBTENIR UN BACCALAUREAT POUR S’INSCRIRE A L’UNIVERSITE. C'est tout ? Donc, l’Université est devenue un "Véritable Hall de Gare" pour une majorité des jeunes, désemparés, mal informés, désorientés… en attendant de savoir ce qu’ils veulent faire réellement dans leur vie future ! Aussi voit-on des étudiants quittant l’université, non pas parce qu’ils ont obtenu une qualification professionnelle, mais parce qu’ils ont épuisé leurs droits à l’inscription, après avoir tenté toutes les facultés possibles et accessibles. Alors le problème est ailleurs, aux Lycées qui les envoient à l’Université.

 

 Aussi descendons d'un étage, au Lycée. Combien d’élèves du Lycée comprennent les métiers dans lesquels ils se projettent. En considérant à part les carrières médicales, paramédicales et pharmaceutiques, les informations sur « l’exercice des métiers » sont absentes dans la tête des élèves ». Osons proposer une des solutions :

 

 1°) Le Collège « diversifié » avec des filières générales et techniques est un lieu et un temps d’acquisition des bases des savoirs fondamentaux de la future vie d’adultes. Apprendre à apprendre, à comprendre, à analyser et à créer devrait constituer les bases d’évaluation des collèges. Le Brevet des Collèges, aujourd'hui devenu une épreuve facultative, devrait de ce fait être revalorisé pour devenir un instrument d’orientation vers les filières du Lycée. Un filtre obligatoire pour entrer au Lycée, car il faut mériter le Lycée par une VRAIE REUSSITE AU COLLEGE. Donc permettre une efficacité d'enseignement et d'orientation au niveau du Collège pour tous les élèves afin de leur assurer une meilleure réussite. Aujourd'hui, le Système d'Education est tel que les bons élèves et les élèves n'ayant même pas atteint le niveau du CM2 passent tous au Collège. De même, les élèves terminant la Troisième du Collège passent automatiquement au Lycée, même s'ils n'ont pas le niveau de Quatrième, car les parents l'ont décidé ainsi... Un véritable non-sens pédagogique. Il faudrait rendre au Brevet des Collège sa vraie valeur de test de niveau et donc de barrière pour les élèves n'ayant pas atteint le niveau requis pour accéder au Lycée.

 

 2°) L’entrée au Lycée en Seconde, pour trois années d’études, devrait ouvrir l’esprit du jeune lycéen vers le Monde extérieur pour saisir le fonctionnement du Monde des Adultes. De ce fait, après une année d’enseignement indifférencié mais requérant pour tous quelques ouvertures vers les enseignements technologiques, techniques, culturels, sportifs, linguistiques, etc… les classes de Première devraient permettre au jeune Lycéen de « visiter » les milieux professionnels pour comprendre le Monde des Adultes et pouvoir s’y projeter. Les enseignements seraient assurés les matins ou, au choix de l’Etablissement, concentrés sur certains jours de la semaine, pour permettre aux jeunes de se rendre dans « des usines », « dans des entreprises du secteur tertiaire », « passer des journées dans des administrations de tous ordres » et y effectuer quelques travaux pour se représenter le Monde Professionnel qui les attend. Ces formations viseraient deux objectifs majeurs : permettre aux jeunes de comprendre le monde « actif » dans lequel évoluent les adultes, dont leurs parents, de se mettre en phase avec la société dans sa complexité, et de se « forger une idée de leurs propres choix professionnels » en effectuant quelques services aux côtés des adultes de la profession. Cette prise de contact avec le « Vrai Monde » pourrait représenter l'équivalent de cinq jours par trimestre pour chaque élève, soit quinze jours par an à choisir entre la Première et la Terminale, et contenir un « Vrai Travail » effectué dans un « Vrai Milieu Professionnel » pour se rendre compte de ce qu'est le Travail, l'Effort, le Métier qu'il pourrait exercer soit à la sortie du Lycée, soit à la sortie de l'Ecole ou de l'Université.

 

 Il n’est nul doute que la connaissance in situ de la réalité des métiers, la visualisation en direct des situations professionnelles, permettraient aux jeunes de se représenter leur future vie avec plus de réalisme et de motivation pour préparer leurs propres orientations professionnelles après le Lycée. Et sûrement que les Universités ne seraient plus peuplées de touristes déboussolés, venus se reposer en attendant de savoir ce qu’ils feront plus tard de leur vie.

 

 3°) Nous avons un tissu universitaire trop diffus, incompréhensible pour les jeunes sortant du Lycée, avec 85 universités qui se veulent identiques et égalitaires. Cependant, de rares recruteurs des universitaires savent effectuer le tri entre Universités. Telle université sera plutôt reconnue pour telles spécialités au plan national, et tels professeurs sont reconnus pour telles expertises et drainent vers eux la réputation de leurs recherches et donc des meilleurs étudiants. Sans ouvertement clamer la sélection, elle s’effectue de fait par les passages de la première année en deuxième année dans les facultés, et par les choix de candidats que les Directeurs des filières effectuent sur l’ensemble des candidatures qui leur sont soumises.

 

 Il nous appartient donc à tous, au Gouvernement en premier pour donner des orientations politiques comme le font le Président Nicolas Sarkozy et la ministre en charge de l'enseignement supérieur, Valérie Pecresse, mais également aux pouvoirs politiques des Collectivités Territoriales et aux opérateurs économiques dans les Régions, d’aider à CONSTITUER DES GRANDES UNIVERSITES DE REFERENCE. L’idée des Pôles de Compétences est vieille de plus de 20 ans mais ne s’était jamais ouvertement développée.

 

 Des GRANDES UNIVERSITES DE REFERENCE devraient ainsi réunir plusieurs conditions :

 

          a)    Etre un Pôle Régional et National de référence pour la Recherche et l’Enseignement, en se constituant une renommée internationale.

 

          b)    Représenter une population universitaire de plusieurs dizaines de milliers de personnes et des moyens conséquents.

 

          c)    Diversifier ses enseignements, ses formations professionnelles, ses diplômes et ses débouchés professionnels adaptés aux marchés, validés par des instances habilitées.

 

          d)    Présenter une offre d’enseignements généraux, techniques, technologiques et d’Ingénieurs de très haut niveau. A ce niveau, les Ecoles d’Ingénieurs, les Ecoles de Commerce et d’autres Grandes Ecoles de formations professionnelles devraient être intégrées à l’Université comme des Offres de diversification des enseignements et bénéficier des ressources communes de recherches, d’enseignement et de relations avec les milieux économiques, à l'instar de ce qui se développe dans les autres grands pays qui concurrencent notre offre d'enseignement supérieur et de recherche.

 

 Nous devrons donc accepter que, hors des Grandes Universités de Référence, existent d’autres universités plus modestes, à orientation régionale, pouvant offrir des formations limitées à la licence ( Bac+3 = générale, professionnels, technologique, technique) ; d’autres pouvant aller jusqu’au Master (Bac+5 = générale, professionnels, technologique, technique, ingénieur ou autres formations professionnelles) ; d’autres pouvant constituer des Ecoles Doctorales dans des spécialités très pointues et distinctives de Grandes Universités de Référence.

 

 L’information sur les Métiers dès le Lycée, sur les Offres des Universités et la connaissance du Monde Universitaire avant d’y entrer, seraient bénéfiques pour la réussite de nos jeunes. Chacun y trouverait son compte et tout étudiant bachelier serait accompagné dans ses études et conseillé en fonction de ses motivations et de son potentiel. L'Université offrirait ainsi à tous des opportunités ouvertes  où chacun pourrait s'épanouir en composant son itinéraire en fonction de ses choix professionnels.

 

 Mieux orientés depuis le Lycée, Mieux accompagnés à l’Université, Mieux orientés vers les débouchés professionnels répondant aux motivations et aux performances potentielles, les jeunes ne pourront que mieux réussir leur saut dans le monde actif pour l’intérêt des jeunes, de leurs familles et de la Nation. OSONS LES REFORMES POUR MODERNISER NOTRE PAYS ET L’ADAPTER A LA RUDE COMPETITION MONDIALE POUR L’INTERET DE LA JEUNESSE, DE L’ECONOMIE ET DE LA NATION TOUTE ENTIERE.

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