Par Emmanuel Nkunzumwami

Auteur de "LA NOUVELLE DYNAMIQUE POLITIQUE EN FRANCE", Editions L'Harmattan, décembre 2007

Depuis quelques jours, bien avant la fin de 2007, la demande de plus en plus forte sur le pouvoir d’achat monte et interroge. Mais alors que pouvons attendre des débats sur le pouvoir d’achat.

Le pouvoir d’achat se mesure comme la capacité pour un citoyen d’utiliser son revenu pour accroître ses investissements, ses consommations, son épargne et donc son niveau de vie. Pour un salarié, cette capacité provient de l’accroissement de son revenu salarial par rapport à l’inflation. C’est l’entreprise, l’Établissement public ou l’État, donc des employeurs, qui se chargent d’augmenter le salaire au-delà de l’inflation pour permettre cet accroissement de la capacité pour le citoyen ou la famille à accroître son niveau de vie. Pour un rentier du capital, les leviers d’actions sont multiples, entre la mobilisation de son stock en capital ou la transformation d’une partie de son patrimoine en revenu disponible, au-delà de l’inflation. Cependant, la majorité des consommateurs qui poussent les cris de douleur pour l’accroissement du pouvoir d’achat est constituée de salariés à revenus modestes ou intermédiaires.
Précisons d’abord l’État du Monde aujourd’hui. La croissance mondiale moyenne de 5% en 2007 risque fort de descendre à 3,3% en 2008. Certes les pays émergents comme la Chine, l'Inde, l'Indonésie, etc. continueront à marquer les points, mais les pays industrialisés "historiques" en Europe Occidentale et en Amérique du Nord risquent de grosses turbulences et même une "légère" récession conjoncturelle en 2008 si les matières premières et l'énergie (pétrole et gaz) continuent leur forte progression actuelle. C’est donc une chute spectaculaire à l’échelle de la planète. C'est le retour en force de l'inflation, c'est à dire la hausse des prix à la consommation. La hausse du pétrole et du gaz se répercute dans les transports (prix du carburant pour les automobilistes, hausse des prix des transports collectifs, etc.), dans le chauffage domestique (combustibles domestiques), dans les biens primaires de consommation dont la production utilise l'énergie (lait, oeufs, céréales, etc.). Donc le panier de ma ménagère se vide progressivement à valeur monétaire constante. C'est la perte du pouvoir d'achat. Il faudrait donc un accroissement de revenus qui couvre la hausse des prix pour garder le même niveau de consommation. Pour cela, il faut une croissance économique qui s'accompagne d'une croissance de la production intérieure, de l'investissement, de la consommation et des exportations pour accroître la richesse des entreprises. Ce sont elles qui enrichissent les salariés par des augmentations salariales, qui enrichissent l'Etat par des impôts et taxes directs (payés par les entreprises) et indirects (prélevés des revenus des salariés). Mais la conjoncture économique mondiale est inquiétante en fin 2007 et début 2008! Les États-Unis, première locomotive de l’économie mondiale, s’attendent à un repli sérieux sur la croissance de 3,6% en 2006 et ont déjà atteint une inflation estimée à 4,1% sur l'année 2007. La zone Euro, dont la croissance moyenne était voisine de 2,5% en 2007, devrait se contenter de 1,6% à 1,8% en 2008. L'inflation moyenne de l'ensemble de la Zone Euro s'est située à 3,1% sur l'année 2007. En Allemagne, cette même inflation atteint un record de 2,8% sur l'année 2007, un record inconnu depuis 13 ans dans ce pays. En Espagne, l'inflation atteint 4,3% sur l'année 2007. La croissance française, faible en 2007 à environ 2% devrait également chuter pour suivre la crise mondiale et européenne. Sur l'ensemble des pays industrialisés historiques, la croissance économique est très loint inférieure à l'accroissement de l'inflation : il y a alors un véritable problème sur le pouvoir d’achat global sur l'ensemble de ces pays, dû principalement à la hausse des prix de l'énergie (pétrole et gaz) qui s'est accélérée au troisième quadrimestre (de septembre à décembre) de 2007. La France ne présente donc pas une situation isolée, même si la croissance était la plus faible de tous les pays comparables indiqués. Nous avons connu une inflation moyenne très modérée de 1,5%, en comparaison avec les autres pays comparables d'Amérique du Nord et de l'Europe Occidentale, sur l'ensemble de l'année 2007. Mais cette inflation moyenne a connu des situations critiques sur les biens primaires affectant significativement les revenus modestes : en rythme annuel 2007, la progression des produits alimentaires a atteint 3,1% alors que les loyers ont progressé de 3,4%. Dans la grande distribution, la hausse des prix a atteint 2,3% en moyenne annuelle. Néanmoins, le Gouvernement estime l’évolution moyenne de l'inflation à 1,6% en 2008. Mais la hausse du pétrole et ses répercussions sur l’énergie, et des matières premières et ses répercussions sur les produits industriels manufacturés risque fort de remonter le niveau de l’inflation enregistée sur le seul mois de décembre de 2,6% à près de 3% actuellement estimée pour février 2008, si la situation et les tensions mondiales se poursuivent au rythme actuel avant de baisser à nouveau à la fin du premier trimestre 2008. Il nous faudra alors maintenir la croissance à un niveau élevé, au-delà de 2% si la crise mondiale persiste, sinon au-delà des 2,5% pour assurer le relèvement significatif des revenus salariaux. Si les hausses des revenus en 2007 sont inférieures à 1,5% en moyenne alors il y aura eu "régression" du pouvoir d'achat ; pour 2008, il faudrait que nos revenus progressent au-delà de 1,8% et même de 2% en moyenne pour maintenir ou améliorer notre pouvoir d'achat actuel, si l'inflation continue sa lancée à 1,8% en 2008. La croissance économique en France devrait alors marquer un élan avec au-moins 1,8%, soit au-delà de la croissance moyenne des pays de la zone Euro estimée aujourd'hui entre 1,6 et 1,8% pour 2008. Nous avons donc un enorme effort à déployer sur les exportations, les investissements et la consommation intérieure (donc accroissement du pouvoir d'achat) pour atteindre cet objectif de croissance. Et c'est possible : pourquoi la Chine, déjà troisième puissance économique mondiale derrière le Japon depuis la fin de 2007, marque-t-elle une excédent commercial record avec un accroissement de 50% en 2007 ? Comment l'Allemagne, avec le même Euro, les mêmes problèmes d'acquisition des matières premières et de l'énergie (pétrole et gaz) que la France (juste 82,4 millions d'habitants contre 63,75 millions en France !) réalise-t-elle plus de 100 milliards d'Euros d'excédents commerciaux sur les marchés mondiaux pendant que la France s'enfonce à près de 40 milliards de déficits sur les mêmes marchés ? Donc il faut "travailler plus pour exporter plus et gagner plus"  pour accroître notre pouvoir d'achat en 2008. Il faut donc motiver les salariés en les rémunérant plus. Il faut casser la mentalité d'un grand nombre de chefs d'entreprises qui pensent que si l'entreprise va mal, il faut licencier les salariés ! Une curieuse conception du management des affaires. Mais les dirigeants ne sont pas inquiétés. Et si comme ailleurs, un dirigeant ou un PDG qui ne réussit les objectifs de croissance de son entreprise (innovation, conquête de nouveaux marchés, dynamique commerciale, meilleure gestion des ressources, etc...) devrait être "remercié" et ne pas se rabattre systématiquement sur les salariés et les enmployés comme les souffre-douleur des entreprises en difficultés.
 
Le président de la République a bien fait d’insister sur la répartition des richesses des entreprises entre les actionnaires et les salariés. Ce sont les salariés des entreprises et leurs dirigeants qui créent la performance, la dynamique commerciale et la création des richesses ; ils devraient alors recevoir de justes fruits de leurs efforts, par le relèvement des salaires, les distributions de l’intéressement, des actions de l’entreprises (donc une part du capital de leurs entreprises) et de la participation, y compris dans les petites entreprises de moins de 50 salariés. On peut donc même souhaiter une répartition équitable entre 1/3 des bénéfices pour l’investissement ou plus si la situation de l’entreprise l’exige, 1/3 pour les salariés et 1/3 pour les actionnaires. Ces différents instruments participent à l’accroissement du pouvoir d’achat pour l’investissement et la consommation. Et pour les fonctionnaires ou les salariés des Établissements publics non soumis à la création directe des richesses, ils devraient bénéficier des efforts de rationalisation de la gestion de l’État, de la réduction de son train de vie, de la diminution des dépenses publiques.
 
Mais pour ce début d’année 2008, le pouvoir d’achat proviendra des augmentations salariales sous plusieurs formes :
1°) la mobilisation des heures supplémentaires. Si le président de la République a souhaité « la fin des 35 heures », ce n’était pas pour supprimer cette durée légale du temps de travail hebdomadaire. Sinon, comment peut-on calculer les heures supplémentaires s’il n’y a pas de référence à la durée légale de travail ? En revanche, les revenus des salariés français étant très faibles par rapport aux pays comparables, même en Europe : Belgique, Royaume-Uni, Allemagne, les heures supplémentaires non chargées et non taxées deviennent une bonne variable d’ajustement pour l’augmentation des revenus. Exemple : Un salarié payé 1200€ nets par mois, soit environ 300€ pour 35 heures peut significativement augmenter son revenu par 10 heures supplémentaires maximum par semaine. En effet, les heures supplémentaires étant payées 25% plus cher, cela revient à augmenter le revenu mensuel d’environ 407€ par mois et un revenu de salaire net de 1628€ par mois (soit une augmentation de 36% de son salaire !). Mais pour cela, nous devons changer de mentalité managériale désuète en France telle que chaque fois qu’une entreprise rencontre une crise de marché, ce sont les salariés qui sont licenciés et non les dirigeants qui ne font rien pour rechercher d’autres marchés. Cela passe par une innovation permanente, une compétitivité sur tous les marchés mondiaux, une rotation de la production et donc un accroissement de la consommation intérieure et des exportations. Rappelons que notre voisin l’Allemagne, en tous les points comparable à la France, parvient à dégager plus de 100 milliards d’excédents commerciaux sur l’ensemble du marché mondial en 2007 alors que le déficit de la France excédera les 40 milliards. Pourtant nous avons les mêmes difficultés avec le pétrole, le même euro, la même structure économique. Sauf que l’Allemagne emploie moins de fonctionnaires comparativement à la France et entretient un plus important tissu de moyennes entreprises, plus innovatrices, qui déposent plus de brevets que les grandes entreprises et qui se battent sur tous les marchés mondiaux. Ce sont ces moyennes entreprises, plus nombreuses et plus dynamiques qu’en France, qui tirent l’économie et les exportations de l’Allemagne vers le haut. Et qui réussissent là om les entreprises françaises échouent. La balle est dans le camp des responsables d’entreprises et des créateurs d’entreprises pour relever le pouvoir d’achat des salariés, tout en créant de la richesse pour la France.
 
2°) la Mobilisation de l’épargne salariale : il appartient au gouvernement d’encadrer la mobilisation des fonds stockés dans les Plans d’Épargne d’Entreprises pour participer à la relance du pouvoir d’achat pour la consommation et l’investissement. Mais cette mobilisation n’aura d’impact structurel que si cette mobilisation accompagne les efforts de croissance, donc d’investissement productif pour le présent et l’avenir.
 
3°) la Mobilisation des stocks des temps de travail. A côté des 35 heures dopées par des heures supplémentaires si les entreprises retrouvent du dynamisme, se trouvent le paiement des journées de temps libres que les salariés pourront échanger contre le travail. Ce sera du revenu supplémentaire dans les ménages, autant de gain pour le pouvoir d’achat pour l’investissement et la consommation. Dans ce cas, comme dans celui des heures supplémentaires, l’intérêt de ces mobilisations réside dans le maintien de la durée légale du temps de travail à 35 heures hebdomadaires pour permettre de bénéficier de tous les dépassements à cette durée légale. Enfin, le salarié aura le choix du libre arbitrage entre gagner plus en renonçant à une partie de ses journées de temps libre couplée à des heures supplémentaires (variables selon des entreprises et des secteurs d’activités) et se reposer ou rester à ses 35 heures en se contentant des augmentations salariales générales ou individuelles pratiquées par l’entreprise. Les taux horaires français des rémunérations du travail figurent parmi les plus élevés des pays industrialisés, mais la durée de travail rémunérée est la plus faible ; il en résulte un salaire hebdomadaire et mensuel trop faible par rapport aux pays comparables (Salaire = Taux horaire de la rémunération du travail x nombre d'heures travaillées). Nous avons alors une marge à exploiter pour gagner plus : accroître le nombre d'heures travaillées, jusqu'à 45 heures hebdomadaires (maximum) pour ceux qui veulent gagner plus. Enfin, une augmentation annualisée au-moins égale à la progression de l'inflation permettra de maintenir le niveau du pouvoir d'achat des salariés.
 

Bonne lecture de "La Nouvelle Dynamique Politique en France" , Editions L'Harmattan, décembre 2007

http://www.editions-harmattan.fr/index.asp?navig=catalogue&obj=livre&no=24881

Bonne et Heureuse Année 2008 à toutes et à tous ! Santé, Réussite, Prospérité et Epanouissement à chacun de nous ! 

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