Par Emmanuel Nkunzumwami
Auteur de « La Nouvelle Dynamique Politique en France »,
Editions L’Harmattan, Paris, Décembre 2007.

Situation générale

En chine, les entreprises françaises réalisent un CA de 5Milliards d’€uros d’exportations ; 2 ,7 Milliards d’€uros d’investissements (6,8 Milliards d'€uros tous investissements d’origine France confondus) en 2005, soit le 10ème rang mondial et 3ème rang en Europe. Le cas des relations économiques entre la France et la Chine est intéressant car la France, plus que les autres pays industrialisés occidentaux, accompagne ses échanges avec la Chine d'une diplomatie sur l'application des Droits de l'Homme et du respect de l'environnement.

 

La France comptabilise 1.800 implantations françaises en Chine pour 850 entreprises ; 250.000 employés des entreprises françaises en Chine et 20 Milliards d’€uros de CA en 2006  (50% Industrie, 40% dans les services et 10% dans l’agro-alimentaire) et exportent de Chine 8Milliards d’€uros. Le Taux de croissance des entreprises françaises (principalement des PME : 65% des entreprises ont moins de 100 salariés dont 40% ont même moins de 100 salariés en Chine et moins de 250 salariés dans le Monde !) se situe entre 20% et 30%. Certaines entreprises se distinguent particulièrement : CMA CGM, entreprise de transport, a réalisé 31% de croissance en 2006 ; Carrefour est passé de 45 hypermarchés en 2003 à 100 hypermarchés en 2007 avec 40.000 employés en Chine. La croissance et la demande en chine sont telles qu’ACCOR (premier hôtelier français dans le Monde) construira en 6 ans la moitié du nombre d’hôtels construits sur 30 ans en France. Les industriels comme les sociétés de service visent le marché chinois de 1,3 milliards d’âmes. Les exportations à partir des productions en Chine sont donc très faibles aujourd’hui, moins du quart pour certaines et autour de 10% pour la grande majorité des entreprises installées en Chine. Le commerce entre la Chine et la France a généré un excédent commercial de 17 milliards d’Euros en faveur de la Chine en 2006.

 

Besoins en énergie : en 2006 la Chine choisit Westinghouse pour la construction de ses 4 réacteurs nucléaires mais devait accepter le transfert de technologies. En 2007, AREVA convainc sur ses technologies de pointe et enlève le contrat pour 2 réacteurs EPR pour 5 Milliards d'€uros sur les 4 en prévision. L’exploitation est confiée à l’EDF. La chine prévoit 50Mrds d'€uros pour construire 30 réacteurs nucléaires de nouvelle génération (EPR) à l’horizon 2020. Les sources d’énergie alternatives ne sont pas encore disponibles, donc la Chine parcourt le reste du Monde, au Moyen-Orient, en Afrique, en Australie et en Amérique Latine à la recherche des matières premières et de l’énergie pour alimenter sa croissance économique. Pour exploiter et s'approvisionner en Matières Premières et en Energie, la Chine va directement à la source, investit dans les pays du Sud producteurs et exploite elle-même pour ses besoins dans ces pays. Aussi, ces nouvelles relations avec les pays du Sud perturbent la géopolitique mondiale et les équilibres économiques dans le Monde. Nous devons être très fermes et exigeants vis-à-vis de la Chine dans ses relations avec le Soudan car sa présence dans l'exploitation du pétrole et d'autres ressources dans ce pays alimentent financièrement la guerre au Darfour et compliquent les négociations de paix dans cette région. Sa présence dans l'ensemble des pays du Sud, où les Droits de l'Homme sont un "Luxe" car les dictatures locales n'ont nullement l'intention de céder leurs places et où les guerres à répétition accompagnées de massacres de populations civiles sont alimentées en armes par la vente des matières premières à bas prix, y compris à la Chine, il y a lieu de s'inquiéter sur la sécurité du Monde. Cette situation est réelle dans de nombreux pays en Afrique, en Amérique Latine et en Asie où la Chine a déjà consolidé ses positions et sa présence active. La carence des Droits de l'Homme et la culture de l'autoritarisme du pouvoir en Chine sont incompatibles avec l'aspiration à la démocratie exprimée dans divers pays du Sud que la Chine voudrait conquérir pour ses approvisonnements. Il est de l'intérêt des pays Occidentaux d'intervenir à temps.

 

Problèmes : La Chine est devenue le premier pollueur mondial en contrepartie de sa forte croissance économique assise sur l’industrie de transformation pour tenir une croissance économique record en 2007 : 11,5% ; Le PIB place la Chine occupe la troisième place mondiale en concurrence avec l’Allemagne en 2007. La pollution coûterait autour de 100Mrds de US$ par an, soit 5,8% de son PIB.

 

Mais en contrepartie de la conquête de sa puissance économique et militaire, la Chine consacre 15 % de son budget à la défense, soit 2,47 millions d’hommes sous les drapeaux et 35 Mrds de US$ en 2007… Et comme la Chine pourrait occuper la première place dans l’économie mondiale à l’horizon 2050, devant les États-Unis d’Amérique, cela ne peut susciter des inquiétudes sur l’équilibre et la sécurité du Monde.

 

La Chine ferme son marché aux importations venant des USA et de l’Europe Occidentale, mais y exporte l’essentiel de ses productions intérieures pour s'assurer de confortables marges commerciales, en jouant sur les coûts de revient très faibles de ses produits et en jonglant sur le "dumping social, monétaire et environnemental". La monnaie, le Yuan est maintenue très faible pour garder l’avantage compétitif sur les prix. La consommation intérieure s’effectuant en Yuan, si le Yuan perd 10% de sa valeur face au dollar, qui lui-même est sous-évalué face à l’Euro, les entreprises chinoises peuvent baisser d’autant leur prix à l’exportation sans affecter la valeur de leur produits en Chine. Le revenu restant le même. Une concurrence déloyale risque de déséquilibrer le commerce mondial.

Exemple : aujourd’hui sur les marchés des changes : 1€ = 1,5850$ = 11,0847¥ chinois. Le yuan est côté par rapport au Dollar. Le dollar faiblit face à l’Euro puisqu’il est parti de 1€ pour 0,98$ en 2002 pour atterrir aujourd’hui à 1€ pour 1,58$ au 20 avril 2008. Et le Yuan chinois flotte encore à la baisse par rapport au dollar. Cette faiblesse du Yuan facilité la compétitivité par les prix des produits chinois à l’export : les produits exportés rapportent la même valeur en Yuan pour les chinois si le Yuan baisse de 10% par rapport au dollar et que celui-ci baisse de 20% par rapport à l’Euro, et que les produits chinois sont vendus dans la Zone Euro (dont la France) avec une baisse de 30%. C’est la compétitivité par la monnaie et par les prix.

 

Les Etats-Unis et l'Union Européenne ont donc le devoir de faire pression sur la Chine pour que, devenant une grande puissance économique mondiale, elle se plie aux règles de l’Économie de marché et ne perturbe pas les équilibres économiques, écologiques, politiques, militaires et de sécurité dans le Monde. La Chine est aujourd'hui la 4ème puissance économique mondiale, en concurrence avec l'Allemagne. Jusqu'à présent, les principales puissances économiques étaient des nations démocratiques : Etats-Unis, Japon, Allemagne, Royaume-Uni, France, Italie, etc. Certains autres pays émergents tels que le Brésil, l'Inde, la Corée du Sud, le Mexique sont des nations ayant consolidé un "réel système démocratique". De toutes les puissances économiques mondiales montantes, seule la Chine risque de poser de sérieux problèmes au Monde. Le dumping social, environnemental, monétaire est une réalité quotidienne en Chine. Mais le "dumping diplomatique et économique dans les pays du Sud" devient de plus en plus une réelle préoccupation dans le Monde. Le déséquilibre lié au soutien de la Chine aux dictatures, à des guerres, à des répressions dans les pays du Sud en vue d'exploiter leurs matières premières, leur gaz et leur pétrole est une grande préoccupation mondiale aujourd'hui, et pourrait se traduire en catastrophe planétaire si la Chine n'acceptait pas de se plier à la Démocratie, au respect des équilibres écologiques et environnementales en luttant contre les pollutions et les effet de serre, et en ouvrant son marché intérieur au commerce international sous le contrôle de l'OMC (Organisation Mondial du Commerce). Les principales puissances économiques et politiques (Etats-Unis, Japon, Union Européenne) ont le devoir absolu d'ouvrir le dialogue franc, ferme et rapide avec la Chine pour la mettre devant ses responsabilités dans les grands équilibres du Monde aujourd'hui, pour nous préserver des catastrophes de demain. Sur le plan du "dumping diplomatique" : la Chine importe 17% de son pétrole de l'Iran. Elle a développé de nombreuses entreprises en Chine et exploite directement les gisements en Iran. Quelles peuvent être les conséquences des sanctions économiques contre l'Iran, dès lors que le manque à gagner est immédiatement et directement compensé par la Chine et la Russie qui soutiennent le pouvoir en Iran et en ont besoin pour les ressources pétrolières. Quel est l'impact des sanctions contre le Soudan engagé dans la guerre au Darfour, dès lors que l'exploitation et le traitement du pétrole sont assurés par la Chine pour le Soudan et que le financement par le pétrole de l'économie du Soudan est assuré aujourd'hui par la Chine. Le Président Nicolas Sarkozy a fait un premier pas pour l'Europe, lors de sa visite en Chine du 24 au 28 novembre 2007, en rappelant les lourdes responsabilités de la Chine sur la pollution, sur l'écologie et l'environnement de la planète et sur les conséquences mondiales de la faiblesse entretenue du Yuan par le pouvoir politique chinois. Les autres grandes puissances devraient se mettre d'accord sur la conduite à tenir vis-à-vis de la Chine. L'avenir des peuples du Monde dépend des politiques que nous nous choisissons aujourd'hui pour demain. 

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