LA POLITIQUE DE L’IMMIGRATION : LE DEBAT
02 oct. 2007
Un sujet réveille les plumes et les interviews partout en France, suscite des débats très passionnés, confronte les experts juridiques, scientifiques, et des relations sociales en France : c’est le test génétique de l’ADN pour les demandes de regroupement familial d’un(e) immigré(e) en France. Pourtant le thème de l'immigration a été largement commenté pendant la campagne à l'élection présidentielle et les français continuent de plébisciter "la régulation de l'immigration" à 74% selon les derniers sondages disponibles. Soutenus par la Majorité issue des législatives de juin 2007, le président Nicolas Sarkozy et le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du codéveloppement, Brice Hortefeux, appliquent le "projet présidentiel" dans le cadre des réformes déjà annoncées. Comme le rappelait le constitutionnaliste Didier Moos sur la chaîne LCP (2/10/2007), "la Démocratie est le pouvoir de la Majorité, sous le contrôle de l'Opposition avec l'arbitrage du Peuple". Ils rendront donc compte au Peuple le temps venu. Car en effet, de quoi parle-t-on quand on évoque le sujet très complexe de l'immigration ? Cinq principales sources de l'immigration devraient être explorées :
1- l'Immigration d'asile politique : elle concerne les personnes persécutées, harcelées par les menaces de mort dans leurs pays ou victimes des tortures et d'autres maltraitances dégradantes pour l'être humain en raison de leurs opinions politiques ou de leur appartenance ethnique ou autre, et qui demandent la protection de la France. Les conventions de Genève indiquent le cadre. La patrie des Droits de l'Homme ne peut qu'être sensible à ces détresses et accueillir les personnes selon sa tradition reconnue en la matière. Mais derrière les motifs d'asile se faufilent parfois d'autres catégories non menacées. L'administration effectue régulièrement les contrôles et des dossiers individuellement pour discerner le "vrai" du "faux" demandeur d'asile. L'asile politique ne pose donc pas de problème.
2- L'immigration de travail : elle concerne les personnes qui viennent en France pour rechercher du travail ou à la demande des entreprises elles-mêmes. Cette immigration est très faible en France car pendant de nombreuses années, le pays avait fermé ces possibilités pour protéger les emplois intérieurs en France. Aussi, les impétrants cherchaient d'autres motifs tout en sachant que la finalité était de trouver un travail. Aujourd'hui, la France affiche ouvertement et clairement sa volonté de favoriser cette immigration économiquement utile et indispensable à la croissance tant et tant recherchée. Ainsi, l'objectif affiché de 50% à long terme étant considéré comme irréaliste par les détracteurs de la politique gouvernementale au regard des 6,7% actuels (11.000 titres de séjour pour le travail en 2006 sur 165.000 titres de séjours délivrés), le Gouvernement peut se fixer un plan d'évolution, soit en accroissant le nombre global de titres de séjours sur la base des titres décernés pour le travail, soit en maintenant le nombre total actuel et réguler par des expulsions de clandestins remplacés par des immigrés pour le travail. Mais un autre paramètre entre en jeu : la qualification professionnelle des immigrés du travail. Choisir l'immigré, c'est alors choisir la personne qualifiée pour le comblement des emplois vacants en France. C'est l'enjeu de la compétition mondiale actuelle où les grandes nations industrielles et de haute technologies recherchent les immigrés qualifiés pour soutenir leurs économies. Ces personnes étant assurées d'avoir des emplois bien rémunérés, ne peuvent pas présenter des difficultés à faire venir leurs familles puisqu'elles disposent des revenus du travail pour les faire vivre. L'argument du choix d'autres destinations n'est donc pas fondé, dès lors que l'on applique la loi sur les conditions de revenus. Et si l'Administration et les pouvoirs politiques décident que les besoins par membre de la famille en France se situent à 400€ par personne et par mois, une famille de 5 personnes (père, mère et trois enfants) ne peut pas disposer de moins de 2000€ nets par mois. Ce serait donc clair pour tous les candidats à l'immigration économique et désirant faire venir leurs familles.
3-L'immigration pour des Etudes : elle concerne les étudiants étrangers dont une partie se convertit en migration économique après les études. La France devrait attirer un plus grand nombre pour rester dans la course à l'innovation et à la compétitivité indispensables à la croissance des entreprises.
4-L'immigration de misère (économique) clandestine : est la plus répandue et nourrit une grande part des centraines de milliers d'immigrés clandestins. Pour les convertir en Immigrés de travail, il faudrait qu'ils présentent des qualifications pour des emplois disponibles. Or seuls 21% de l'ensemble de nouveaux immigrés ont fait des études. Alors que faire des 79% restants ? Argumenter que 70% des immigrés occupent des emplois, c'est ignorer que ce sont pour une très large part des emplois sans qualification, sans possibilité d'évolution pour ces immigrés, sans beaucoup de marge de formation pour une partie des immigrés illétrés. La réponse par le codéveloppement est sûrement la meilleure pour une partie des immigrés qui seraient nettement mieux employés dans leurs pays qu'en France.
5-L'immigration par regroupement familial : elle constitue avec l'immigration clandestine le point de débat actuel sur la régulation de l'immigration. Il se pose alors la question sur la définition de la famille, la validation de l'appartenance familiale, la taille acceptable de la famille, les conditions de ressources du travail pour un immigré de faire venir sa famille, la durée de séjour sur le territoire, etc... Autant, la France ne peut accueillir tous les candidats à l'immigration (ouverture totale des frontières), autant elle a besoin d'une immigration maîtrisée, régulée pour ses besoins économiques et sociaux (l'immigration zéro est une utopie des extrémistes nationalistes et serait une énorme erreur économique, sociale et d'intégration de la France dans le Monde).
Avant d’avancer dans notre débat, interrogeons-nous sur les chiffres :
- plus de 400.000 emplois manquent de main-d’œuvre en France, dans les domaines du bâtiment-travaux publics, hôtellerie-restauration, services à la personne, etc. mais le chômage résiste à 8,4% (dernière information corrigée des experts du Travail). Il y a donc manifestement une adéquation entre la demande et l’offre dans ces secteurs en déficit de main-d’œuvre, soit par les rémunérations non attractives, soit par manque de formation appropriée, soit par la pénibilité des métiers proposés, etc. ou par la combinaison de tous ces facteurs. La main-d’œuvre d’immigrés sert en partie à combler ce type d’emplois. Cependant, même formée d’un bataillon d’immigrés, cette main-d’œuvre aspire à évoluer, à se perfectionner, à exercer des métiers plus évolués dans ces secteurs. D’où l’intérêt d’une main-d’œuvre ayant déjà reçu ou capable de recevoir des formations pour rendre de meilleurs services et évoluer professionnellement. Et à ce niveau, nous rencontrons d’autres données :
- 21% des immigrés en France disposent d’une formation contre 34% au Royaume-Uni et plus de 46% au Canada et aux États-Unis. Pour atteindre le résultat comparable de ces autres nations traditionnelles de l’immigration, soit la France participe à la formation de ses immigrés en amont, dans les pays d’origine, soit elle ouvre des dispositifs de formation en France. La première solution paraît plus adéquate.
- 165.000 titres de séjours sont régulièrement accordés à des immigrés, dont 92.000 au titre du regroupement familial et 11.000 au titre de l’immigration économique de travail. Au regard des 400.000 postes vacants à combler, 11.000 titres ne peuvent pas couvrir les besoins. L’essentiel des régularisations et des titres concernent donc les regroupements familiaux. Par ce moyen, la France ne peut pas remonter le niveau des 21% d’immigrés formés candidats à l’obtention du titre de séjour, et ne peut donc pas combler les offres d’emplois vacants. Enfin, mécaniquement, les regroupements familiaux se concentrent dans les régions déjà peuplés d’immigrés : Île-de-France, Rhône-Alpes et Provence-Alpes-Côte-d’Azur, principalement. Mais les 400.000 offres d’emplois se répartissent sur tout le territoire français. Alors, que faire pour que les offres rencontrent les demandeurs d’emplois sur toute la France ? On ne peut pas condamner le Gouvernement de vouloir équilibrer la main-d’œuvre sur le territoire car il est également de son devoir de veiller à l’aménagement du Territoire national.
- 200.000 à 400.000 immigrés sont considérés comme clandestins en France car arrivés illégalement sur le territoire ou étant détenteurs des titres de séjours périmés ou non valides. Or les régularisations devraient tenir compte des liens familiaux avérés, de réelles études, de l’exercice d’un emploi ou d’une formation professionnelle pour des emplois. Mais que faire dès lors que 21% des nouveaux immigrés ont une formation ou un potentiel à suivre une formation ? Mécaniquement, cela amènerait le Gouvernement à ne régulariser que 80.000 immigrés au maximum susceptibles de contribuer économiquement à la France. Mais quelle équation entre les 92.000 régularisations au titre du regroupement familial et 80.000 au titre de l’accueil des immigrés « économiques » pour aboutir à 165.000 titres de séjour annuels sur plus de 400.000 demandes potentielles ? Il faut donc réguler.
-100.000 immigrés clandestins ont été expulsés « éloignés » du territoire français depuis 2002 jusqu’en 2006, soit environ 25.000 expulsions par an… 2007 n’échappe donc pas à la règle arithmétique : 25.000 expulsions au-moins en 2007 ! Mais pourquoi expulser ? Parce que les départs volontaires ne se font pas. En 2005, seuls 1000 personnes ont reçu leurs chèques pour rentrer dans leurs pays d’origine. Ce chiffre est de 2000 en 2006 et ne devrait pas dépasser 2500 personnes en 2007 selon les prévisions du ministère. La France ne peut pas régulariser 400.000 clandestins et ne peut pas se contenter des départs volontaires de 2.500 personnes pour réguler l’immigration… Les régularisations au cas par cas selon les besoins du pays et les dossiers des candidats, comme des expulsions bien organisées sont donc des instruments de régulation et de maîtrise de l'immigration.
Cependant, la France a besoin d’une main-d’œuvre et d’un renouvellement de génération comme tous les anciens pays industriels. La mondialisation impose son rythme de rotation technologique et la France doit rester dans la course, dans la compétition tout en contribuant significativement au développement du Tiers-Monde pour assécher les réservoirs d’immigration clandestine non adaptée aux besoins économiques du pays. Néanmoins, la France n’est plus attractive pour une jeunesse attirée par le savoir, les techniques et les technologies qui contribuent au développement tant en France que dans les pays en Voie de Développement. Elle ne reçoit que 46.000 étudiants étrangers chaque année sur plus de 2 millions d’étudiants, dont une partie d’étudiants issus des pays du Tiers-Monde. On sait que la dynamique américaine et canadienne, comme la relance du Royaume-Uni sont bâties sur le renouvellement permanent de son tissu universitaire par des étudiants étrangers dont une partie s’établit dans ces pays après leurs études mais une autre retourne dans les pays d’origine et crée un pont économique entre les pays d’origine et ces grandes nations industrielles. C’est un mécanisme important pour la compétition mondiale, car ces ponts ouvrent des marchés internationaux et la circulation des savoirs et des technologies. La France n’est pas une île isolée dans le Monde, mais l’un des acteurs majeurs, reconnu et respecté. Mais pour qu’elle le reste, elle doit revoir sa politique de l’immigration et se comparer aux grandes nations qui concourent dans la même catégorie qu’elle. Donc elle doit se résoudre à une gestion réaliste dans le monde tel qu’il est et non tel que nous voudrions qu’il soit. Elle doit donc réguler son immigration, retrouver un équilibre entre les immigrations familiale, économique et politique.
Le regroupement familial pose alors, à ce sujet, un véritable thème de débat. Et même nous interroge sur la définition de la famille, vue des pays d’origine de l’immigration. Cependant, les conditions économiques de la famille accueillante en France sont un excellent critère. Aussi, la surface financière individuelle définie, l’on pourrait indiquer le nombre d’enfants (biologiques, adoptés, cédés par la famille, etc.…) acceptables en fonction des revenus du ménage. Les conditions réunies, l’accueillant indique le lien précis avec l’enfant qu’il souhaite accueillir en France. Il est vrai que les corruptions généralisées dans de nombreux pays du Tiers-Monde ne facilitent pas les dossiers de regroupement, puisque le nom patronymique peut être acheté ou détourné. De même que les dossiers d’adoptions peuvent être montés ou falsifiés à cette fin. Le recours à des tests ADN apparaît alors comme une dernière arme anti-corruption dans le cas des filiations biologiques. Comme en France, les familles de décomposent et se recomposent : il appartient au parent qui réclame le regroupement d’en faire la preuve, dans la limite des ressources démontrées et conformes aux standards imposés par l’administration. Il n’apparaît nullement une quelconque atteinte aux droits de l’Homme, dès lors que la démarche est clairement indiquée aux intéressés, qu’elle n’est pas imposée, qu’elle ne constitue pas un moyen détourné de fichage des immigrés en France car confiée à un organisme indépendant du ministère, encadrée par une autorité judiciaire indépendante et reconnue, et qu’elle participe à la lutte contre les corruptions, en même temps qu’elle constitue un moyen de régulation des regroupements familiaux légitimes.
Cette démarche ne concerne qu'une poignée de cas, puisque de nombreux pays se sont déjà dotés d'Etat Civil mais les documents sont parfois détruits à l'occasion des guerres civiles (trop fréquentes en divers endroits du monde). Les candidats à l'immigration de travail déclarent déjà au préalable leur famille ; le regroupement se baserait alors sur la famille déjà déclarée et des enfants nés après l'installation en France du requérant. C'est donc une situation claire dans laquelle le requérant indique son logement et ses ressources de travail en France compatibles avec les exigences de la loi et dûment contrôlés par l'administration. La situation serait un peu plus compliquée dans le cas des "familles recomposées" comme en France, des adoptions (dont l'enquête peut être menée dans le pays d'origine) et des "assistances et entraides familiales" (l'enfant d'un frère ou d'une soeur ou d'un autre membre de la famille ou d'un ami décédés et recueilli par l'immigré qui souhaite le regroupement familial en France). Dans ce cas, le test ADN n'est pas opérant. Seul le fait d'état, validé par les autorités du pays d'origine de l'immigré et/ou de l'enfant confirmera le rattachement de l'enfant à la famille. La filiation biologique cède alors à la filiation d'amour et d'éducation. C'est une situation courante dans des pays ravagés par les guerres, des massacres de populations, par des épidémies (SIDA, etc.)... où des "familles d'accueil" se substituent à des familles biologiques qui ne sont plus. Ces cas également échappent au test ADN. Dans ces situations diverses de restructuration des familles, la loi devrait autoriser l'examen des demandes au cas par cas, en tenant compte du Monde tel qu'il est.
Aussi en assurant de « vrais regroupements familiaux » des immigrés résidant légalement sur le territoire, la France offre de réelles chances d’intégration des Étrangers en responsabilisant les familles dans la démarche, et ouvre un espace pour les immigrés « économiques » indispensables à la marche de l’économie en rendant le pays plus attractif pour l’emploi et le travail et non à l’assistanat dont elle n’a plus les moyens.