L'ALLEMAGNE ET L'EUROPE A LA FIN DE 2013 OU LA PUISSANCE DEMOCRATIQUE ET ECONOMIQUE ALLEMANDE EN EUROPE
16 déc. 2013
I. La solidité du modèle démocratique allemand
L’Allemagne est une solide nation démocratique européenne et première puissance économique, industrielle et financière de l’Europe. Elle démontre à l’ensemble de l’Union européenne, notamment à son principal partenaire français, que son modèle de démocratie relativement complexe est solide, parfaitement maîtrisé et bien intégré par tous les acteurs politiques de cet immense pays. Les élections ont déjà eu lieu le 22 septembre 2013 : la droite et les conservateurs représentés par les partis CDU et CSU se sont adjugés 41,5% des suffrages exprimes. Le principal parti d’opposition à Angela Merkel, le SPD des Sociaux-démocrates a atteint 25,7%, soit l’un des scores les plus bas depuis le départ de Gerhard Schroeder de la Chancellerie allemande. La coalition CDU-CSU aurait donc pu trouver de petits partis (exemple le FPD) apportant l'appoint des 8,5% manquant pour atteindre la majorité et former un gouvernement de la majorité des conservateurs sous l’autorité de la Chancelière Angela Merkel. Dans de nombreux pays européens, et surtout en France, des combinaisons politiciennes, sur la promesse des sièges au gouvernement et au parlement, puis des ententes sur des élections européennes, régionales, départementales et locales auraient déjà porté leurs effets. Ainsi, chaque grand parti français, l’Union pour l’union populaire (UMP) pour la droite républicaine et le Parti socialiste (PS) pour la gauche, dispose des partis d’appoint en cas de besoin pour emporter des majorités nationales, territoriales ou locales. Dans chaque camp, l'UMP s'alliera avec l'UDI (Union des démocrates et des indépendants) avec ses différentes composantes, mais jamais avec le PS. Ce dernier s'allie naturellement avec EELV (Europe-Ecologie Les Verts) et le PC (Parti communiste) malgré les différences de positionnement idéologique et des désaccords internes sur des politiques publiques. Une grande coalition UMP-PS en France apparaît donc comme impossible, tant les murs idéologiques sont infranchissables pour imaginer un gouvernement gauche-droite issu des négociations. En France, les négociations politiques se font au sein de chaque camp idéologique sur la base des sièges à partager et des solidarités convenues sur les candidats et les listes électorales des autres élections à venir au cours du mandat présidentiel du président élu. Aussi, nous assistons à des gouvernements pléthoriques et hétéroclites jusqu’à 40 membres d'un gouvernement pour tenir compte des personnalités importantes ou susceptibles d'exercer un grand pouvoir de nuisance, de toutes les tendances et des courants qui s’expriment dans le camp vainqueur.
Mais en Allemagne, le modèle fédéral conjugué avec la tradition des compromis autorise les grandes coalitions pour former un gouvernement d’entente CDU-CSU et SPD. Chaque länder allemand disposant de son gouvernement et de son parlement local, au même titre que chaque région française a son parlement régional et ses dérivés parlementaires départementaux, l’effectif de l’exécutif fédéral est très réduit à 15 membres seulement. Le 15 décembre 2013, soit près de trois mois après les élections du 22 septembre, la grande coalition allemande a été conclue. Le gouvernement, constitué pour le troisième mandat consécutif de quatre ans depuis 2005 pour Angela Merkel, comprendra alors neuf membres issus de la CDU-CSU et six issus du SPD. Il s’agit notamment d’Angela Merkel qui garde la chancellerie avec ses huit ministres pour la CDU-CSU. L'on retrouve ensuite Wolfgang Schäuble qui est maintenu au ministère clé des finances (la stabilité de l’euro et les affaires européennes, le financement des grands programmes et la bonne gestion du budget fédéral demeurent ses points forts reconnus). Ursula von der Leyen, très proche d'Angela Merkel et reconnue pour sa fermeté, son autorité et sa compétence politiques, devient la première femme allemande à occuper le ministère de la Défense, en remplacement de Thomas de Maizière qui va exercer à nouveau ses compétences au ministère de l’Intérieur. Madame Ursula von der Leyen hérite d'un dossier sensible de la défense européenne et du retrait des troupes allemandes d'Afghanistan. Hermann Gröhe, ancien secrétaire général de la CDU, est chargé du ministère de la Santé. Joanna Wanka reste ministre de l’éducation où elle a la lourde charge d’améliorer le niveau d’éducation face à la mondialisation et à la conquête de l’intelligence par les pays émergents, notamment asiatiques selon le dernier baromètre du Pisa 2013. Enfin, Peter Altmaier cède l’environnement aux Sociaux-démocrates pour occuper le ministère des affaires de la chancellerie. Enfin, le parti bavarois CSU, allié de la CDU, reçoit deux portefeuilles. Le ministère des transports et des infrastructures numériques revient au Secrétaire général de la CSU, Alexander Dobrindt. Le ministère de l’agriculture est occupé par l’ancien ministre de l’Intérieur sortant, Hans-Peter Friedrich. La Chancelière Angela Merkel privilégie ainsi pour son troisième mandat, le maintien d’une même équipe proche d’elle et qui a fait ses preuves en cette période de grande crise internationale. Du côté du SPD, Sigmar Gabriel, patron du SPD, conserve son positionnement de rival politique de la coalition CDU-CSU, et prend le poste de vice-chancelier et ministre de l’économie et de l’énergie, pour continuer de peser sur la transition énergétique prônée par le SPD en Allemagne. Le ministère des Affaires étrangères revient à Franck-Walter Steinmeier. Ensuite viennent quatre femmes ministres du SPD contre trois pour la CDU-CSU. Il s’agit d'Andrea Nahles au ministère du travail, Heiko Maas au ministère de la justice, Manuela Schweisig au ministère de la famille et Barbara Hendricks au ministère de l’environnement. Il convient de constater que le SPD, grand perdant des élections du 22 septembre 2013, a dû cependant consulter ses 470.000 militants par internet pour obtenir l’autorisation de former la grande coalition avec la CDU-CSU sur la base du programme négocié entre les partenaires de cette grande coalition. Les militants du SPD ont répondu par « oui » à 76%, ouvrant ainsi la route à la coalition après près de trois mois d’intenses négociations.
II. Les défis de la grande coalition en Allemagne.
L’on peut noter quelques principales avancées sociales lors des négociations pour former cette grande coalition :
- La retraite à 63 ans pour les salariés ayant cotisé 45 annuités, au lieu de 67 ans pour les autres. Ce droit est ouvert à partir de 2017. Il s’accompagne également d'un relèvement des petites retraites pour une population de plus en plus vieillissante et engagée sur une courbe de baisse démographique.
- Le salaire minimum (SMIC) a été accepté par les deux parties en négociation pour 8,50€ bruts/heure à partir de 2017. Il devrait concerner 17% des salariés allemands et contribuer à la relance de la consommation intérieure.
Au cours de cette campagne et des longues négociations pour former ce gouvernement de grande coalition, de nombreux problèmes allemands ont été évoqués, notamment par le SPD. Selon la politique de la coalition CDU-CSU, la dimension européenne de la politique allemande est centrée sur l’euro qui doit s’ajuster à l’économie allemande (ce qui pénalise les économies faibles de la zone euro : la France souffre quand la parité euro/dollar atteint 1€=1,20$, alors que pour l’Allemagne, ce seuil est de 1€=1,80$). La politique étrangère de l’Europe doit assurer la sécurité et contenir l’immigration. Alors que cette coalition CDU-CSU milite pour la défense de l’euro, la lutte contre le chômage par la création des emplois et la sécurité, le programme du SPD insiste sur la justice sociale, l’équité salariale et de meilleures conditions de travail. Les points saillants apparaissent donc :
- Le marché du travail demeure inéquitable, notamment par le développement des emplois précaires et des écarts importants selon les branches et les tailles des entreprises. Le manque de salaire minimum et les contrats de branche se développent en défaveur des salariés. Le SPD milite pour les accords d'entreprises pour prendre en compte les spécificités locales.
- Les inégalités salariales entre les hommes et les femmes.
- Le manque d’assurance dépendance qui doit tenir compte du vieillissement de la population. Le pays doit renforcer la prise en charge des personnes âgées avec des personnels compétents, qualifiés et bien rémunérés pour rendre l’activité attractive.
- Les industries allemandes sont spécialisées, mais les Jeunes arrivant sur le marché du travail sont de moins en moins nombreux pour les emplois qualifiés. C'est la conséquence du vieillissement de la population.
- Les régions, länder et communes, deviennent de plus en plus inégales, car des régions peu attractives sont désertées, et le progrès économique est social se fait à deux vitesses.
- Les infrastructures, longtemps oubliées, nécessitent une rénovation urgente : ponts, routes, autoroutes, chemins de fer...
- Le pays doit construire de nombreux logements et le SPD demande le plafonnement des loyers. Un désaccord apparaît néanmoins entre la CDU qui donne son accord et le Bundestag (Parlement fédéral) qui s’y oppose.
- La transition énergétique est une demande récurrente du SPD, mais les consommateurs d’énergie ne semblent pas se sentir concernés par le débat. Par ailleurs, les habitants sont de plus en plus nombreux à exprimer leur hostilité à l’implantation des éoliennes devant leurs habitations.
- La péréquation reste à trouver entre le plafonnement de l’endettement par la constitution fédérale, les besoins importants reconnus de financement des investissements dans des communes et des länder, notamment dans des infrastructures publiques, et des urgences économiques et sociales des territoires pauvres (il y a encore des territoires qui ne sont pas encore dotés d’internet dans l’est et dans le sud de l’Allemagne).
Il apparaît ainsi que la grande coalition en Allemagne va faire face à d’importants défis pour le pays, pour la zone euro et pour la cohésion de l’Union européenne :
- La grande coalition CDU-SCU-SPD assure la stabilité politique, mais renvoie les extrêmes hors des lieux de décision et du pouvoir. Ces extrêmes pourraient manifester leurs défis par la contestation dans les urnes lors des prochaines échéances électorales, notamment aux européennes de 2014.
- L’Allemagne, sous la pression du SPD, devrait transférer une partie de ses compétences de l’Union économique et monétaire et de sa banque centrale vers la Commission européenne de Bruxelles et la Banque centrale européenne. Des tensions, et mêmes des désaccords, pourraient apparaître entre les Conservateurs et les Sociaux-démocrates sur le rôle de l’Europe.
- La grande coalition pour le mandat 2013-2017 devrait s’accorder sur les politiques de « l’approfondissement » ou la poursuite de « l’élargissement » de l’Union européenne, alors que l’union politique de l’Europe reste très floue.
- L’Allemagne a bénéficié d’une situation favorable et de prospérité pendant des années, malgré la crise financière, économique et sociale qui a frappé les autres économies européennes, grâce notamment aux réformes engagées par l'ancien Chancelier social-démocrate Gerhard Shroeder. Les entreprises industrielles, spécialisées par domaine, sont très bien positionnées à l’international pour générer des excédents commerciaux importants (environ 200 milliards d’euros en 2013). Mais, la consommation intérieure s’est affaiblie ; Comment gérer une situation telle que l’excédent commercial allemand équivaut à la somme de tous les déficits commerciaux des autres Etats européens pour relancer les échanges et la croissance en Europe ?
- L'Allemagne s'oppose à la mutualisation de la dette européenne, des dettes dites "souveraines" gérées par des Etats. En effet, si à la fin du 1er trimestre 2013, la dette de l'Allemagne pesait seulement 81,2% de sa richesse nationale (PIB), ce poids était de 92% en France (il serait de 95% environ à la fin de 2014), soit très légèrement au-dessous de la moyenne européenne de 92,2%. Mais la Belgique était déjà montée à 104,5% ; l'Irlande à 125,% ; le Portugal à 127,2% ; l'Italie à 130,3% et la Grèce à 165,5%. Alors que l'Allemagne va réduire sa dette à 80% au cours de l'année 2014, celle de ses partenaires de la zone euro en Europe du sud va s'accroître, y compris celle de la France. Dans ces conditions, l'Allemagne n'accepte pas de payer pour réduire la dette des pays qui n'ont pas fourni les efforts suffisants par des réformes de structures nécessaires afin d'abaisser la dépense publique ou qui accusent un gestion publique laxiste laissant dériver les dépenses sans les compenser par des recettes, générant les déficits budgétaires chroniques et l'accroissement de l'endettement.
- Le chômage global et celui des Jeunes sont parmi les plus faibles de l’Union européenne, mais le pays bénéficie du vieillissement de la population. Comment assurer une croissance ou au-moins le maintien de la démographie dans un pays vieillissant ? La solidité de l’économie de demain dépendra des acteurs économiques de demain, et donc des Jeunes d’aujourd’hui.
- Les déséquilibres socioéconomiques commencent à apparaître :
o Le niveau de 48% des salaires dans le PIB est passé à 42%, posant la question sur la répartition des revenus, notamment sur les bas salaires devenus de plus en plus importants dans la structure de distribution statistique des salaires selon les länder et la population de la main d’œuvre peu qualifiée. Le SMIC est donc l'une des réponses.
o Le déficit des investissements publics atteint environ 1 milliard d’euros. Comment relever le niveau des infrastructures publiques urbaines et communales (ponts, routes, voies ferrées, etc.). Il faudra alors injecter une partie des excédents budgétaires et des excédents commerciaux dans ces investissements. Mais quels partenariats "Public-Privé" ?
o Le pays a besoin de 128 milliards pour les investissements dans les länder, la plupart des ceux-ci sont déjà surendettés alors que l’endettement fédéral est encadré par la constitution. Comment organiser les solidarités et les péréquations entre les Länder ?
o Les investisseurs allemands auraient perdu plus de 600 milliards d'euros d’investissements dans les pays de l’Europe du sud, englués dans la crise économique et rattrapés par la mauvaise gestion publique structurelle. Ils ne sont donc pas prêts à s’engager dans le financement des investissements incertains dans une Europe, qui en a pourtant bien besoin pour se redresser. Comment garantir les capitaux ?
- La transition énergétique est une décision nationale allemande qui exigera un investissement de plus de 1.000 milliards d’euros à l’horizon 2050, notamment en développant l’énergie éolienne. Comment entraîner l’Europe lorsque le principal partenaire, la France, continue d’exploiter l’énergie nucléaire dont elle assure l’expertise mondiale ? De plus la France poursuit la vente en Europe, comme dans le reste du monde, des centrales nucléaires avec des réacteurs de nouvelle génération. Quelle politique énergétique ?
- Les Européens souhaiteraient que l’Allemagne relance, par les moyens des subventions s’il en est besoin, le marché intérieur pour absorber une grande partie des productions européennes, tout en poursuivant les exportations hors de l’Union européenne. Il convient de noter qu’aujourd’hui, moins de 25% des exportations allemandes sont consommées en Europe. Comment contraindre les Allemands à consommer les produits européens quand ils peuvent, dans des échanges exportations/importations internationales, obtenir les mêmes produits au meilleur prix hors de l’Europe ?
- L’Allemagne peut-elle réduire « sa compétitivité » industrielle au sein de l’Europe, alors que ses forces et son aventage concurrentiel à l’export sont liés à sa structure des industries très spécialisées et compétitives (rapport qualité*fiabilité/prix) dans la mondialisation ? Il faudrait des politiques industrielles et économiques convergentes européennes. Néanmoins, l’Europe ne peut pas résoudre des problèmes d’inefficacité individuelle des Etats par une réponse d’efficacité globale de l’Union.
Le couple franco-allemand longtemps considéré comme le moteur de l’Union européenne est aujourd’hui économiquement en panne. L’endettement de la France s’oriente vers 95% du PIB lorsque l’Allemagne veut réduire sa part à 80%. Le chômage global français monte vers 11% pendant que l’Allemagne l’oriente vers 5%. Les exportations allemandes sont réalisées de plus en plus dans des pays industrialisés ou émergents hors de l’Europe pour atteindre un excédent commercial (différence entre les exportations et les importations) de plus de 200 milliards d’euros en 2013, pendant que la France demeure encore peu performante sur les marchés internationaux où elle réalise un déficit de plus de 60 milliards d’euros au cours de la même période. Pourtant, il n’y aura pas de redressement et de relance de la croissance en Europe sans renforcement de l’économie industrielle, sans coopération des deux premières économies européennes allemande et française et sans mise en oeuvre des politiques de convergence (économique, industrielle, sociale, fiscale, écologique, énergétique, budgétaire, etc.) au sein de l’Union européenne.
III. conclusion
En comparaison avec le modèle japonais, qui a été repris par les Coréens, les Chinois et de plus en plus adopté par les autres pays émergents dans le monde, l’Europe est actuellement « globalement » dé-positionnée. Ce modèle industriel, hérité du Japon de l’après-guerre, se construit sur :
- Les banques spécialisées par domaine stratégique. Aussi, ces banque se spécialisent dans l’automobile, dans la chimie, dans la pharmacie, dans l’agro-alimentaire, etc. et accompagnent leurs clients sur toute la chaîne de valeur de la production à la commercialisation, jusqu’au financement des implantations à l’international. Ces banques sont en relation avec les banques nationales ou des banques régionales (ou banques provinciales) pour leur refinancement et leur couverture de risque. La mondialisation a complexifié les échanges, ces banques sont appelées à faciliter l'accès aux financements et accompagner les investissements de leurs clients. La Chine a repris exactement le même modèle pour financer ses entreprises lancées à la conquêtes des marchés internationaux.
- Les grappes industrielles se développement autour des principales grandes entreprises. Cette stratégie permet de réduire les coûts logistiques, de faciliter les sous-traitances de spécialité par des proximités géographiques et des collaborations directes, et d’améliorer la qualité de production et la productivité industrielle par une forte réactivité directement sur les process de production. Cette intégration géographique autour des grands groupes permet également le développement des entreprises de filière dans un même bassin industriel, et la diversification des compétences dans une grande proximité géographique en réduisant les coûts de transfert.
- La production modulaire et l’intégration horizontale contribuent à une gestion intégrée de groupe et des coopérations internes entre filiales. Aussi, une entreprise produisant ses propres composants électroniques (processeurs, mémoires, etc.) peut les utiliser pour développer la téléphonie mobile, les systèmes audio-visuels (télévision), l’électroménager connecté, les systèmes de navigation automobile et aéronautique, etc. L'on a connu des entreprises japonaises telles que Mitsubishi construisant les camions, les véhicules de tourisme, les engins des travaux publics, les synthétiseurs acoustiques et électroniques, l'électroménager, les équipements électriques, etc. De même Honda produit les véhicules, les motocyclettes, les tondeuses à gazon, les instruments de musique, les appareils électroniques, les tracteurs, etc. En Europe, les principales industries se sont recentrées sur leur coeur de métier, alors qu'en Asie, les grands groupes industriels restent diversifiés.
Une Europe intégrée, avec ses 500 millions d’habitants pourra peser face aux Etats-Unis, à la Chine, à l’Inde, au Brésil si elle parvient à construire des stratégies industrielles cohérentes pour l’ensemble de l’Union. A défaut, l’Allemagne et le Royaume-Uni trouveront des raisons suffisantes pour se détacher de l’Europe et poursuivre leur développement hors de l’Union européenne ; ce serait alors la fin de l’aventure européenne. Le message s’adresse également aux pays africains qui ont besoin d'un partenariat avec l'Europe pour se développer. Les coopérations "Afrique-Autres pays émergents" est une incitation à la reprise des partenariats "gagnant-gagnant" et respectueux des Africains. Mais à défaut de l'Europe cohérente, la Chine, l'Inde, le Brésil, l'Indonésie et d'autrres pays émergents prendront leur place en Afrique et pourront répondre aux besoins primaires d'exploitation et de valorisation des ressources naturelles. Même si l'Afrique est aujourd'hui globalement perdante dans les termes de l'échange, il faudra qu'elle apprenne pour se redresser et se prendre en charge demain. Cependant, au regard des enjeux mondiaux, la maille indispensable pour peser dans les stratégies industrielles cohérentes face aux grands concurrents émergents forts de plus de 100 millions d'habitants, à l'Amérique et à l'Europe, c’est l’espace régional. Cinq espaces identifiés ont une existence géographique formelle en Afrique. Il est urgent que l’Union africaine encourage et accompagne énergiquement chacun des cinq espaces vers des stratégies industrielles intégrées en vue d'un développement économique et social global. Les conflits récurrents sur le continent et l’insécurité chronique dans de nombreux pays trouveront une partie de leur solution dans des espaces économiques régionaux intégrés.
Emmanuel Nkunzumwami
Auteur-Essayiste
"Le Partenariat Europe-Afrique dans la mondialisation", Editions L'Harmattan, 2013 et "La montée de l'extrême droite en France", Editions L'Harmattan, 2012.