LA FRANCE DANS LA CRISE DE LA MONDIALISATION
15 août 2011Il convient de remarquer que les pays émergents non européens, y compris la Turquie, représentent 78% de la population des 36 principales économies mondiales et que la France n’y représente que 1,3% de cette population.
I. Les autres comparaisons internationales
La crise économique déclenchée au cours de l’été 2007 et qui a ébranlé tous les pays du monde a été très durement ressenti dans les principaux pays industrialisés historiques occidentaux. Aujourd’hui, les Etats-Unis présentent un endettement de 12 520 milliards de dollars, soit 85% de son PIB de 2010 et un déficit budgétaire de 1701 milliards de dollars, soit 12% de son PIB. En juin 2010, avec un endettement de 1650 milliards d’euros, la France est au même ratio de 85% que les Etats-Unis et n’apparaît qu’au 19ème rang mondial des pays endettés. Son déficit budgétaire prévu à 104 milliards d’euros en 2009 et à 92 milliards d’euros en 2011 est en nette diminution. Ce n’est donc pas catastrophique pour un pays d’une puissance de 2550 milliards de dollars de PIB, d’autant que le pays dispose encore des capacités industrielles, de recherche et de savoir-faire pour se redresser. En tendance actuelle, le FMI projette à l’horizon 2014 un endettement de 239% pour le Japon ; 132% pour l’Italie ; 112% pour les Etats-Unis ; 100% pour le Royaume-Uni ; 91% pour l’Allemagne ; mais 85% pour la France et 65% pour le Canada.
Depuis que la crise s’est installée à la fin de 2007, la France a agi vite et fort pour prévenir les catastrophes économiques et sociales comme cela atteint actuellement un grand nombre de grands pays. Ainsi entre le début de 2008 et la fin de 2010 : le taux de chômage en Espagne est passé de 8% à 20% après l’éclatement de la bulle immobilière dans ce pays ; environ 4 millions de biens immobiliers (soit 2% des habitations) ont été saisis par les banques pour défaut de paiement des ménages surendettés aux Etats-Unis ; les salaires ont baissé de 12% en Irlande ; le Royaume-Uni a engagé une suppression de 500.000 fonctionnaires (soit 8,3% de fonctionnaires) et des allocations familiales pour les classes moyennes ; le revenu minimum d’insertion (déjà trop faible) a baissé de 20% au Portugal ; en Grèce, les fonctionnaires ont perdu 14,3% de leurs salaires et les pensions de retraite ont diminué de 15% alors que la cure d’austérité pour éviter la faillite de ce pays et ses répercussions sur l’euro ne fait que commencer.
PAYS | PNB en 2006 (en milliards de US$) | Balance Commerciale en 2006 (en G$) | Ratio BC/PNB | PNB en 2009 (en milliards de US$) | Balance Commerciale en 2009 (en G$) | Ratio BC/PNB | Evolution PNB 2009/2006 | Evolution Balance Commerciale |
Etats-Unis | 13 357,8 | -802,6 | -6,0% | 14 044,2 | -378,4 | -2,7% | 5,1% | 52,9% |
Chine | 2 673,0 | 253,3 | 9,5% | 4 733,6 | 297,1 | 6,3% | 77,1% | 17,3% |
Japon | 4 486,5 | 170,5 | 3,8% | 5 250,8 | 142,2 | 2,7% | 17,0% | -16,6% |
Allemagne | 2 963,8 | 189,1 | 6,4% | 3 385,4 | 168,1 | 5,0% | 14,2% | -11,1% |
France | 2 288,4 | -13,0 | -0,6% | 2 684,0 | -51,9 | -1,9% | 17,3% | -299,2% |
Royaume-Uni | 2 452,0 | -80,9 | -3,3% | 2 222,6 | -28,7 | -1,3% | -9,4% | 64,5% |
Italie | 1 860,3 | -47,8 | -2,6% | 2 081,9 | -66,2 | -3,2% | 11,9% | -38,5% |
Canada | 1 267,6 | 31,0 | 2,4% | 1 325,4 | -22,6 | -1,7% | 4,6% | -172,9% |
Espagne | 1 211,9 | -110,9 | -9,2% | 1 427,0 | -80,4 | -5,6% | 17,7% | 27,5% |
Brésil | 1 066,4 | 13,6 | 1,3% | 1 485,0 | -24,3 | -1,6% | 39,3% | -278,7% |
Russie | 961,8 | 94,7 | 9,8% | 1 207,2 | 49,5 | 4,1% | 25,5% | -47,7% |
Inde | 908,3 | -9,3 | -1,0% | 1 181,3 | -25,9 | -2,2% | 30,1% | -178,5% |
France | 2000 | 2002 | 2004 | 2006 | 2008 | 2010 | Mai 2011 |
Balance Commerciale | 22,7 | 3,6 | -0,23 | -29,9 | -56,4 | -51,6 | -63,4 |
Pendant ce temps de crise ayant provoqué l’accroissement de l’endettement et du déficit budgétaire en France, le pays a évité la faillite des banques pour protéger l’épargne en prêtant l’argent aux banques : ces soutiens aux banques, non seulement n'ont rien coûté aux Citoyens Français, mais ils ont rapporté 3 milliards d’euros au budget de l’Etat. Le pays a injecté 18,5 milliards dans les PME pour sauver l’activité de 20.000 à 30.000 entreprises et lancé un plan national de relance avec une enveloppe de 39 milliards d’euros qui a permis de sauvegarder environ 2,7 millions d’emplois. Ainsi le taux de chômage est passé de 7,4% à 9,6% alors qu’il doublait de 5,5% à 10% aux Etats-Unis malgré un plan de relance de plus de 1000 milliards de dollars. Par ailleurs, la France a fait le choix du financement de l’investissement pour préparer l’avenir avec "Le Grand Emprunt" de 35 milliards d’euros dont une part de 20 milliards sera engagée à la fin de 2011 pour le financement de l’enseignement, de la recherche et de l’innovation industrielle. Sur le plan social, et dans une situation tendue de déficit budgétaire, la France a remis le tiers provisionnel de l’impôt sur le revenu à 5 millions de foyers fiscaux en 2009, revalorisé les allocations familiales et augmenté le minimum vieillesse de 25% sur 5 ans, réformé le système de retraite par répartition, basé sur la solidarité intergénérationnelle telle que les Actifs de l'année paient les pensions des Retraités et des reversion de la même année, en vue de ne pas baisser les pensions et trouver de nouvelles sources de financement.
Au moment où la crise économique fait encore des blessés sur la voie de sortie, accroît les compétitions entre tous les pays pour l’accès aux ressources industrielles et aux marchés internationaux, la carte du monde se redessine. La croissance des pays industrialisés historiques patine, la démographie de la plupart de ces mêmes pays stagne ou régresse pendant que les pays émergents progressent dans toutes les directions (savoir et savoir-faire, explosion démographique, maîtrise de la production industrielle et de l’innovation technologique, conquête des marchés internationaux, contrôle des marchés des capitaux). La compétition est désormais frontale entre les pays du Sud émergents et les pays du Nord déclinants. Sur le front économique, diplomatique et identitaire, la France possède des atouts qu’elle sous-estime : elle a une longue tradition de relation culturelle avec l’Afrique francophone mais elle a longtemps privilégié les pouvoirs corrompus et inefficients pour mieux les dominer. Sur le front social et politique, les discriminations socio-ethniques continuent : combien de Français "Afro-Européens" (Français Noirs) dans les instances politiques en France, dans les comités de direction des entreprises, dans les évolutions professionnelles... Combien de Noirs sont injustement et lourdement condamnés dans les Tribunaux où la présompton de culpabilité pèse sur eux sans qu'ils soient entendus alors que la France devrait privilégier la présomption d'innocence pour tous les prévenus, combien de Noirs sont relégués dans les quartiers économiquement et socialement fragiles où le taux de chômage approche 45% parmi les Jeunes, combien de Noirs vieillissent au bas niveau de l'échelle sociale dans les emplois malgré les capacités démontrées et les niveaux d'études universitaires ou de grandes Ecoles très élevés !
Aujourd’hui, la France doit ouvrir les horizons sur l’ensemble du monde et sur l'ensemble de ses habitants pour évoluer dans la mondialisation, accepter et accompagner des évolutions démocratiques en Afrique et dans le reste du monde, s’interdire de décider à la place des Africains ou d'autres peuples qui aspirent à leur libération des dictatures en leur imposant les dirigeants. Sur le territoire national, affirmer ses valeurs et son identité historico-culturelle : la France est une nation indivisible, démocratique, sociale, laïque. Nul ne peut imposer ses désirs, ses choix vestimentaires ou alimentaires, ses traditions propres et ses pratiques publiques du culte, sa foi et ses convictions communautaires à la Nation. Refuser le communautarisme qui divise la nation sur des bases religieuses et sociales, affirmer la reconnaissance des compétences et des valeurs contributives de chacun à la nation en combattant les discriminations socio-ethniques, s’inscrire dans des valeurs économiques sociales-libérales pour récompenser ceux qui travaillent et réussissent, et aider ceux qui éprouvent des difficultés et rencontrent des obstacles dans leur intégration sociale, réguler les redistributions des richesses produites, contrôler l’exécution et l’efficacité des politiques publiques, assurer l'égalité et l'équité de tous les Citoyens de la République devant la Justice rendue au nom du Peuple Français… fondent les valeurs communes de la Nation Française. Ce sont les avantages compétitifs de la France si elle veut bien les exercer. Dans la compétition mondiale en marche, la nation doit être attractive, accueillante, travailleuse et ferme sur ses valeurs fondamentales pour que chacun y trouve sa juste place et contribue à sa croissance.
Emmanuel Nkunzumwami
Auteur de la Nouvelle Dynamique Politique en France, Editions l’Harmattan
Chroniqueur sur la Radio Africa n°1 et sur France Bleu Picardie.