Le Parlement français, -Assemblée Nationale et Sénat-, a définitivement voté la loi de Réforme des Retraites en France le 27 octobre 2010. Celle loi sera promulguée par le Président de la République, Nicolas Sarkozy, et mise en application à partir du 1er juillet 2011. Cette loi porte l'âge légal de départ à la retraite de 60 ans à 62 ans à raison de 4 mois par an entre juillet 2011 et janvier 2018 et le paiement de la retraite à taux plein sans décote quelle que soit la durée de cotisation, de 65 ans à 67 ans à raison de 4 mois par an entre juillet 2016 et janvier 2023, pour la grande majorité des Français. Les autres catégories sociales verront également l'âge de départ à la retraité reculé de deux ans.

 

La situation sur les évolutions démographiques en France :

La réforme des retraites est devenue indispensable pour tenir compte des évolutions démographiques, conséquences de l’allongement de la vie, des progrès de la médecine et des conditions de vie en France. En effet, la France Métropolitaine comptait environ 61,3 millions d’habitants en 2007, soit environ 63 millions pour la population totale française. Dans l’hypothèse du maintien du taux de fécondité, du niveau de mortalité et des migrations de populations actuel, la population atteindrait 73,1 millions d’habitants en France Métropolitaine en 2060 selon les projections de l’INSEE aujourd’hui. Dans le même temps, le nombre de personnes de plus de 60 ans passerait de 15,5 millions en 2008 à plus de 25 millions en 2060, soit plus d’un tiers de la population. Et parmi ces populations de plus de 60 ans, la part des personnes âgées de plus de 100 ans passerait de 15.000 personnes au début de 2010 à environ 200.000 personnes en 2060. Ces chiffres indiquent ainsi que la population globale croîtrait de 19% entre 2007 et 2060, mais le nombre de personnes de plus de 60 ans augmenterait de 61% et le nombre de personnes âgées de plus de 100 ans pourrait être multiplié par 13. Contrairement à des affirmations démagogiques des détracteurs de la loi de Réforme de la Retraite, il y a clairement et réellement un problème démographique. Il convient de rappeler que l'horizon des projections de l'INSEE est très proche puisque les premiers retraités à 62 ans en 2060 sont nos enfants de 12 ans aujourd'hui et que ceux qui seront amenés à prendre la retraite à taux plein à 67 ans, quelle que soit leur durée de cotisation, ont aujourd'hui 17 ans. Les démagogues qui poussent les Jeunes dans la rue et sur les barricades pour protester contre la Réforme des Retraites de 2010 devraient d'abord prendre leurs responsabilités en expliquant ces enjeux démographiques qui nous attendent collectivement.

La situation des déséquilibres actuels sur les Retraites :

Les déséquilibres actuels sont dus aux évolutions démographiques, le financement des prestations et l’histoire avantageant certaines catégories. Ainsi, les retraités de la Fonction Publique (nationale, territoriale et hospitalière), non seulement sont payés à 75% des 6 derniers mois (sans les primes), mais représentent 12,1% des salariés qui perçoivent 31,2% des versements de retraites en régime général en 2008. Les retraités bénéficiaires des régimes spéciaux (SNCF, RATP, Air France, EDF, etc.) ne représentent que 4,7% des retraités mais perçoivent 7,7% des versements. Les 54,2% des retraités du secteur privé ont perçu 48,6% des versements mais également des retraites complémentaires améliorant légèrement leurs pensions.  En contrepartie, les retraités du secteur agricole et d’élevage représentent 19% des retraités mais ne perçoivent que 8% des versements payés en 2008. Il n’est donc pas étonnant que le niveau des pensions de retraites soit les plus faibles chez les retraités du secteur agricole. Enfin, plus des deux tiers des cotisants proviennent du secteur privé.

 Situation sur

l'année 2008

Versements de pensions de vieillesse et de veuvage (en 0%)

Nombre de cotisants

(en %)

Nombre de bénéficiaires

(en %)

Régime général (secteur Privé)

 

48,6%

 

68,1%

 

54,2%

Fonction publique

31,2%

17,2%

12,1%

Régimes spéciaux

7,7%

1,8%

4,7%

Régime agricole

8%

4,7%

19,1%

Autres situations

4,5%

8,2%

9,9%

Total en %

100%

100%

100%

Total en valeur

175,8 Milliards d’ €uros

25,7 Millions de personnes

22,5 millions de personnes

Source : Commission des comptes de la Sécurité Sociale, octobre 2009. Les régimes complémentaires pour le secteur privé ont payé un complément de 40 milliards d’Euros pour ARRCO, 20,5 milliards d’Euros pour AGIRC et 1,7 milliards d’Euros pour IRCANTEC.

 

Les apports de la réforme des retraites en 2010 :

La situation financière actuelle résulte des privilèges accordés par l’histoire à certaine catégories de salariés, à une gestion peu rigoureuse pendant de nombreuses années, et une situation financière très difficile en France. Il va donc falloir gérer de façon étanche et rigoureuse les différentes prestations sociales : la CPAM (Assurance maladie), la CNAF (Allocations familiales) mais également la CNAV (Assurance vieillesse) et très rapidement la Caisse Nationale d’Assurance Dépendance due au vieillissement de la population et à la dépendance qui en résulte puisque nous ne pourrons pas gérer des millions de personnes de plus de 80 ans en 2060 sans une attention et une gestion rigoureuse des prestations de la dépendance. Pour autant, la réforme actuelle ne règle pas cette douloureuse question des années 2060. Elle apporte une réponse pour assurer l’équilibre entre les prestations des pensions de retraite et de réversion et leurs financements. En clair, pour la CNAV (Caisse Nationale d’Assurance Vieillesse) déclare un déficit de 30 milliards en fin 2010 et probablement 32 milliards de déficit en juin 2011. Donc, la Réforme s’attache à combler ce déficit sur la période de huit ans entre juin 2011 et janvier 2018.  Si l’on considère qu’environ 1,6% de personnes supplémentaires devraient  prendre la retraite chaque année au rythme actuel entre 2010 et 2020, passant de 15,5 millions à 18 millions, le report de 4 mois supplémentaires chaque année pourrait économiser 2,9 milliards d’euros au départ pour atteindre 3,2 milliards d’euros en 2018 soit une économie de 27,4 milliards d’Euros, au taux de croissance de la population des personnes de plus de 60 ans selon les données de l’INSEE. A ce rythme, à la fin de 2018, le déficit comptable accumulé jusqu’au début de 2011 serait totalement apuré si l'on y ajoute les gains de trésorerie générés par le maintien de 50% des séniors de plus de 55 ans en activité productive. Néanmoins, nous savons que 10% des pensions de retraites sont actuellement payées par la dette, cela représente environ 18 milliards d'Euros aujourd'hui. Il faudra alors que ces pensions soient progressivement également payées par les cotisations et non par l'emprunt. En attendant, l’accroissement significatif de l’emploi des jeunes et le maintien plus massif des séniors pour financer intégralement les prestations des retraites, il faudra partager l’effort entre la dette et les nouvelles taxes. Pour ne pas alourdir les charges fiscales et sociales qui pèsent déjà fortement sur les salariés et les entreprises en France, le Gouvernement a choisi de recourir à des majorations sur les taxes ciblées des hauts revenus (majoration de la taxe sur la dernière tranche de l’impôt sur les hauts revenus), des plus-values mobilières et immobilières, des stock-options et des retraites chapeaux de certains dirigeants d’entreprises, et enfin d’aligner et payer les taux de cotisations du secteur public de 7,85% sur celui du secteur privé de 10,55% sur la période de 2010 à 2020 pour rétablir l'équité. Le régime sera ainsi équilibré et assaini à l’horizon 2020, pour repartir sur de nouvelles bases de saine gestion pour une garantie de la retraite par répartition pour tous, dans un souci d’équité, de partage de l’effort, de solidarité nationale et de cohésion sociale.

La situation prévisible après 2020 :

Aujourd’hui les syndicats et les détracteurs de la réforme des retraites avancent l’injustice en évoquant la situation des carrières courtes, des personnes ayant commencé la vie active à entre 14 ans et 18 ans. A parti des années 70, les Français ont commencé à poursuivre de plus en plus longtemps les études et les formations professionnelles diverses, d’une part parce que les spécialisations des métiers exigeait de plus en plus de connaissances et de savoir-faire acquis à l’école ou dans des centres de formation ; d’autre part parce que la crise économique due aux deux chocs pétroliers des années 70 a brutalement accru le chômage faisant plus que doubler le nombre de chômeurs de 700.000 personnes en 1974 à plus de 1.500.000 en 1981. Aujourd’hui, le nombre de personnes concernées par les carrières longues seraient d’environ 90.000 et ce nombre ne dépassera pas 50.000 en 2020. En revanche, après 2020, la France sera confrontée à une nouvelle vague de « vieux pauvres durables » de personnes atteignant l’âge de la retraite et ne pouvant pas justifie 25 annuités dans le secteur privé. Frappées par les crises successives des chocs pétroliers des années 70, des turbulences financières par des années 80, de la dépression du tertiaire des années 90, du dégonflement de la bulle spéculative internet des débuts des années 2000 et de la crise mondiale de 2008-2010, de nombreuses personnes auront passé une grande part de leur vie active au chômage. Par ailleurs, à la reprise de chaque cycle de travail, elles auront été confrontées à de très faibles salaires de remise en selle pour le retour à l’emploi. En faisant la moyenne des 25 meilleures années, on se retrouvera à niveau salaire de référence de moins de 1000 €uros et donc la pension de retraite du régime général se situera au niveau du seuil de pauvreté que les diverses caisses de retraite complémentaire ne pourront pas relever dignement. Une réforme juste devrait alors être envisagée pour ne retenir que 10 meilleures années de la vie active et/ou relever le niveau du taux plein à 60%. C’est donc dire qu’après 2020, les caisses de retraites devront être suffisamment excédentaires pour venir en aide aux « nombreux retraités pauvres » structurels qui auront été des victimes des carrières courtes. La solution de solidarité nationale durable réside donc dans le plus fort taux d’emploi possible de tous les actifs pour entretenir une caisse de retraite excédentaire pour garantir une pension de retraite permettant à chacun de vivre dignement. A cet effet, il conviendra d’encourager par des incitations à l’emploi des familles et des personnes qui se contentent de vivre des prestations sociales telles que les parents se constituent des familles nombreuses pour bénéficier du seul revenu d’allocations familiales. Les enfants, peu scolarisés et peu formés, prennent le relai et vivent des allocations sociales et de chômage telles qu’ils ne pourront pas contribuer aux prestations de vieillesse de leurs parents. C’est un cercle vicieux de l’assistanat et de la dépendance à la société qu’il faut briser dans les mentalités installées. Il ne suffit pas que la population s'accroisse pour la prospérité d'une Nation, il faut également que les Actifs travaillent pour que la solidarité intergénérationnelle par la répartition soit maintenue et que le partage des richesses ait un sens. Et comme le partage du travail n'a aucun sens en économie, c'est l'accroissement de l'activité qui produit du travail. Enfin, les pouvoirs publics par le moyen de la fiscalité appropriée, les salariés et les employeurs devront apporter des contributions à la constitution d’une Caisse Nationale d’Assurance Dépendance pour faire face au complément des obligations des prises en charge des aînés, de plus en plus nombreux et de plus en plus démunis face aux difficultés de la vie. Plus de 200.000 personnes seraient centenaires en 2060 contre 15.000 en 2010, et c’est la collectivité qui sera aux côtés des familles pour les prendre en charge. Les défis du financement de la société sont donc encore devant nous.

Par Emmanuel Nkunzumwami

Auteur de la Nouvelle Dynamique Politique en France, Editions L'harmattan.

Courriel : emmankunz@gmail.com ; emmankunz@orange.fr ;

 

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