Par Emmanuel Nkunzumwami
Auteur de « La Nouvelle Dynamique Politique en France »,
Editions L’Harmattan, Paris, Décembre 2007.

Les débats s’ouvrent actuellement sur la mise en œuvre du Projet Présidentiel autour de certains sujets à caractère économique et social. Le 29 mai au Havre, le Président de la République a bien insisté qu’ « il ne laissera personne dénaturer son projet présidentiel ». A nous tous maintenant de lui donner corps par la mise en œuvre.

  L’objectif « économique » est toujours et encore de redresser la France. Dès lors, nous pouvons étudier tous les leviers de la relance économique pour répondre aux attentes des Français. Parmi tous les mécanismes à mettre en mouvement, trois leviers paraissent indispensables : relancer la consommation intérieure, stimuler les investissements des ménages et des entreprises, et renforcer les exportations. Les créateurs massifs d’emplois sont dans le secteur privé, donc des entreprises. Quant à l’État et les collectivités publiques, ils se chargent d’effectuer des recrutements d’ajustement et les déploiements d’effectifs dans des activités et des services déficitaires pour dégonfler les services surchargés et, de ce fait, peu productifs. La relance de l’emploi est donc prioritairement de la responsabilité des entreprises. D’où les pré requis de la mise en route de tous les leviers de la relance économique durable.

  La déduction des intérêts d’emprunt pour l’acquisition de la résidence principale est tranchée, et participe à la relance de la consommation et de l’investissement des ménages. Il reste à définir les plafonds par rapport aux revenus (ou des plafonds absolus) et la durée d’application (au moins sur la législature qui s’ouvre dès le 26 juin 2007… une belle date anniversaire !). Quant aux modalités, ils seraient déduits du montant imposable au vu des montants en jeu et le niveau moyen de l’impôt des français. Dans tous les cas, ce sera du revenu supplémentaire à injecter dans la consommation et dans les investissements d’équipements. Néanmoins, ceux qui n’ont pas encore effectué la démarche d’acquérir leur résidence principale risquent de se heurter à deux difficultés supplémentaires : la hausse des taux d’intérêts par les banques prévue en juin 2007 et la hausse des prix de l’immobilier par les professionnels qui aimeraient se faire une part du gâteau fiscal. Dans le premier cas, la décision appartient à la Banque Centrale Européenne (BCE) indépendante des pouvoirs politiques des États membres de la Zone Euro. Et nous retrouvons une des difficultés dans l’articulation entre les politiques économiques et sociales des États membres, et les politiques monétaires de la BCE… Car si les deux hausses se cumulaient, elles risqueraient d’anéantir significativement une partie des efforts des Français.

  Soyons clairs entre citoyens :

  Si pour l’acquisition d’une résidence principale coûtant 400.000€ au taux d’intérêt actuel de 4,5%, le plafond soit ramené à 15.000€, le contribuable serait amené à faire un effort de 3.000€ seulement de sa poche. Mais si le plafond est maintenu à 15.000€ par le gouvernement, mais que les banques décident de relever leurs taux d’intérêt à 5,5% (soit 1 point de plus) et que les professionnels de l’immobilier nous fassent des folies de 10% d’augmentation, le prix d’achat de la même résidence monte à 440.000€ (une augmentation légère dans ce secteur soumis à des spéculations souvent inhumaines !), le contribuable sortira de sa poche 9.200€ au lieu de 3.000€, en plus des 10% de plus de l’amortissement du capital qui passe de 400.000€ à 440.000€ sans que rien ne change sur la résidence négociée à l’achat, soit 2000€ qui s’ajoutent à la dépense de l’année si l'emprunt est amorti sur 20 ans, la durée courante actuelle. Pour le contribuable, ces effets mécaniques risqueraient de lui coûter 8.200€ de plus perdus la première année de son acquisition malgré les efforts du Gouvernement. Ce serait autant d’argent perdus pour la consommation et l’équipement du ménage, utiles à la relance de l’économie. Il en ressort que la déduction des intérêts pour l’acquisition de la résidence principale devrait s’accompagner d’un effort important du gouvernement auprès des professionnels de l’Immobilier et des banques pour ne pas nous créer une inflation sur les prix et sur les taux d’intérêts. C’est une mise en garde indispensable à la réussite de l’opération pour le bien de notre économie. Avant le lancement de cette mécanique, le gouvernement devrait effectuer un référentiel des taux d’intérêt et de l’indice de l’immobilier pour éclairer les citoyens. Ces indications permettraient aux acquéreurs de mieux négocier leurs taux d’intérêts et leurs achats pour ne pas subir des hausses qui anéantissent leurs efforts. Enfin, l’État et les organismes de défenses des consommateurs devraient monter rapidement au créneau pour dénoncer les « fraudeurs et les profiteurs » tentés de piéger les clients. C’est un devoir de santé économique du pays et de comportement citoyen responsable. Enfin, pour les foyers non imposables engagés dans cette opération d’acquisition immobilière, l’Etat pourrait faire un geste pour amortir le surcoût de la vie dû au paiement des intérêts d’emprunt, dont le calcul reste à l’appréciation du gouvernement, en tenant compte du montant annuel de l’ancien loyer et du surcoût lié au paiement des intérêts sur l’acquisition.

  Ensuite viennent les heures supplémentaires « non chargées » et « non taxées ». De nombreux spécialistes nous préviennent que cela sera compliqué et ne bénéficierait pas à l’emploi. Le gouvernement devrait accroitre un effort d’information aux acteurs économiques intéressés. D’une part, cette mesure ne concernera sûrement pas les très grandes entreprises qui, au contraire des petites et moyennes entreprises, disposent des manœuvres plus grandes pour accroître la capacité de production sans recourir aux heures supplémentaires, notamment à travers des outils de production et des réservoirs d’intérimaires, mais également parce que les très grandes entreprises en France sont structurellement en sureffectif.  Tout accroissement d’activité est résorbée potentiellement par les effectifs existant dans ces entreprises sans recourir aux heures supplémentaires. Mais pour les petites et moyennes entreprises, soit environ 2.600.000 entreprises de moins de 10 salariés en France et environ 250.000 entreprises moyennes, le recours aux heures supplémentaires pour faire face à l’accroissement conjoncturelle d’activité est une pratique courante. Néanmoins, la hausse des salaires attendues pour accompagner le retour de la croissance économique au deuxième semestre 2007, les allègements fiscaux promis (déduction des intérêts d’emprunts pour l’achat de résidence principale) et le paiement des heures supplémentaires défiscalisées et non chargées apportent du revenu supplémentaire à la situation actuelle et permettront de créer une nouvelle dynamique de la consommation et de l’investissement en équipements des ménages. Ce qui apportera de l’accroissement structurel de la production, si nous décidons d’orienter nos consommations et nos investissements sur des produits français, du moins dans leur grande part. Ce qui constituait des heures supplémentaires conjoncturelles deviendrait des heures supplémentaires structurelles pour un nombre d’années de croissance soutenue, et donc des heures appelant des ressources humaines nouvelles par des recrutements. Ce cercle vertueux de la hausse des revenus =>consommation+investissement =>croissance de la production =>croissance de l’emploi/diminution du chômage =>accroissement des cotisations sociales et des impôts et taxes à travers de nouveaux revenus et de nouveaux cotisants =>Réduction des déficits et de la dette, est tout à fait envisageable dès 2008.

   Néanmoins, comme en direction des banques et des professionnels de l’immobilier, le Gouvernement devra surveiller de très près les mécanismes de mise en œuvre des heures supplémentaires non chargées et non taxées et leurs conséquences sur le revenu, la production et l’emploi dans les entreprises. L’autocontrôle des entreprises est une grave utopie comme nous l’avons constaté des « patrons-voyous » qui ont encaissé des subventions pour les créations ou les sauvegardes d’emplois et qui ont immédiatement délocalisé leurs entreprises en empochant les subventions sans créer d’emploi et sans payer d’impôts…

  Pour cela, la durée légale de 35 heures comme un minimum de temps complet est un socle pour effectuer correctement les contrôles. Les heures supplémentaires non chargées et non taxées devraient être plafonnées : selon le niveau de pénibilité, un maximum de 45 heures à 50 heures hebdomadaires serait une excellente mesure. Au-delà de cette durée maximale, le gain financier pour les salariés risquerait d’accroître les accidents du travail et le transfert de la charge des entreprises sur la sécurité sociale, anéantissant ainsi les efforts de redressement des comptes sociaux par des augmentations de cotisations liées à l’accroissement de nouveaux emplois. De même, la relance de la production pourrait s’accompagner de la consolidation des emplois existants, soit des temps partiels en temps complets pour ceux qui le peuvent, soit des contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée pour ceux qui le désirent et la transformation des exédents des heures supplémentaires au-delà des plafonds en nouveaux emplois.

  Enfin, la relance de l’économie ne pourra se faire durablement sans un effort dans les exportations. La France dispose d’excellents atouts mondialement reconnus dans les hautes technologies (matériaux, électronique de défense, aéronautique, télécommunications, équipements ferroviaires, transports, etc.) et dans la recherche et développement. La consommation intérieure seule ne pourra pas résorber nos productions industrielles et des services. Il faut donc que nos entreprises championnes se mobilisent, comme leurs homologues européennes, pour les exportations. Nous ne pouvons plus nous contenter d’afficher structurellement les déficits du commerce extérieur de plus de 22 milliards d’euros lorsque notre partenaire historique, l’Allemagne affiche des excédents de plus 138 milliards d’euros alors que nous avons la même monnaie (l’euro), les mêmes difficultés énergétiques (nous importons tous le pétrole) et une structure économique très proche. Nous ne pourrons pas réduire notre dette publique si le taux de croissance globale de notre production intérieure brute patine en queue de peloton de la zone euro, autour de 2%, alors que les autres puissances économiques industrialisées « historiques » comparables à la France ambitionnent les taux entre 2,5% et 4%  (3,6% de croissance aux Etats-Unis en 2006 !) et que les pays émergeants qui nous reprennent les marchés dans le Monde tournent entre 8% et 10% de croissance.

  En conclusion, la défiscalisation des intérêts d’emprunts pour l’acquisition de résidence principale et les heures supplémentaires non chargées et non taxées sont une bonne mesure pour la relance de l’économie par la consommation et l’investissement des ménages, à condition que les banques et les professionnels de l’immobilier ne provoquent pas des hausses intempestives des taux d’intérêts et des prix d’acquisition des logements, et que les entreprises ne trichent pas sur l’attribution et la comptabilisation des heures supplémentaires. Le renforcement de la présence française dans le monde à travers les exportations est une nécessité vitale pour la France. Nous avons tous y gagner, l’État pour la croissance économique, les recettes supplémentaires pour la sécurité sociale et  la réduction de la dette, et la réduction du chômage ; et les citoyens pour l’accroissement du revenu en vue de la consommation, l’investissement et le mieux-être.

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