Par Emmanuel Nkunzumwami
Auteur de « La Nouvelle Dynamique Politique en France »,
Editions L’Harmattan, Paris, Décembre 2007.

 

Les tests de discrimination en France ont été réalisés de fin 2005 à mi-2006, sur les bassins d’emploi de Lille, Lyon, Marseille ; Nantes, Paris et Strasbourg, sous l’égide du Bureau International du Travail (BIT) et de la Direction de l’Animation de la Recherche, des Etudes et des Statistiques (DARES) du Ministère français de l’Emploi et de la Cohésion Sociale. Ils ont porté sur des offres d’emploi de basses et moyenne basses qualifications, dans les domaines de l’hôtellerie – restauration, de la vente et du commerce, des services aux entreprises ou aux collectivités, des services à la personne, des transports, de l’accueil et du secrétariat, du bâtiment et des travaux publics, de la santé et de l’action sociale. Ils couvrent donc le spectre large des activités en France.

 

 

Réponse de l’employeur…

 

 

Effectifs

 

 

Pourcentages des réponses

 

  

….Favorisant le candidat majoritaire

 

 

770

 

  

70 %

 

 

….Favorisant le candidat minoritaire

 

  

209

 

 

19%

 

 

…. Avec essai ou embauche des deux

 

  

38

 

 

3,5%

 

 

…. Avec refus de deux candidats

 

 

83

 

 

7,5%

 

 

Ensemble des réponses….

 

 

1100

 

 

100%

 

 

 

 Il apparaît nettement dans cette étude que seulement 11% des employeurs ont traité les candidats de façon égalitaires, alors que 70% ont rejeté les candidats minoritaires (d’origines maghrébine et noire africaine). Sur l’ensemble des tests valides utilisables, les différences de traitement se manifestent massivement dès le contact initial des candidats avec les employeurs. Dans les tests ayant débuté par un appel téléphonique des candidats, une grosse moitié de la discrimination totale s’est manifestée dès la prise de contact. Mais les étapes suivantes connaissent encore des niveaux de discrimination non négligeables, avec près du quart de la discrimination totale enregistré à l’issue des mises en attente et un cinquième à l’issue des entretiens. Les résultats des tests selon les différentes étapes auprès des 1100 employeurs sont résumés ci-dessous :

 

Processus de recrutement

 

 

Appel téléphonique

 

 

Envoi de CV par courrier

 

 

Nombre d’employeurs

 

 

823

 

 

227

 

 

CONTACT INITIAL

 

 

100%

 

 

100%

 

 

En faveur du majoritaire (a)

 

 

40,5%

 

 

69,6%

 

 

En faveur du minoritaire (b)

 

 

12%

 

 

18,1%

 

 

Mise en attente des deux

 

 

24,1%

 

 

5,7%

 

 

Entrevue proposée aux deux

 

 

23,4%

 

 

6,6%

 

 

Discrimination nette (a-b)

 

 

28,5%

 

 

51,5%

 

 

 

 

EN CAS DE MISE EN ATTENTE DES DEUX

 

 

 

 

 24,1%

 

 

 

 

 

 

 

 5,7%

 

 

 

 

 

En faveur du majoritaire (a)

 

 

17,1%

 

 

4%

 

 

En faveur du minoritaire (b)

 

 

5%

 

 

1,3%

 

 

Entrevue proposée aux deux

 

 

2%

 

 

0,4%

 

 

Discrimination nette (a-b)

 

 

12,1%

 

 

2,7%

 

 

 

 

EN CAS D’ENTREVUE PROPOSEE AUX DEUX

 

 

 

 

25,4%

 

 

7%

En faveur du majoritaire (a)

 

 

10,9%

 

 

2,2%

 

 

En faveur du minoritaire (b)

 

 

1,4%

 

 

1,7%

 

 

Essai ou embauche des deux

 

 

3,8%

1,3%

Refus de deux candidats

 

 

9,3%

1,8%

Discrimination nette (a-b)

 

 

9,5%

0,5%

 

 

Discrimination nette cumulée

 

 

 

 

 50,1%

 

 

 

 

54,7%

 

  

 

 

Il apparaît dans ces résultats des instructions éloquentes ci-dessous :

 

 1.     La discrimination à l’encontre des candidats d’origine maghrébine et noire africaine est plus forte lorsque la réponse à une offre d’emploi démarre par l’envoi d’un CV à l’employeur. En effet, près de 70% des employeurs ne sélectionnent que des CV de noms à consonance « française ancienne ». C’est sûrement cette information qui a motivé la mobilisation des pouvoirs publics sur l’utilisation du CV anonyme pour éviter la discrimination sur le nom et l’adresse du candidat ou de la candidate. Néanmoins, le contact par téléphone et le dépôt physique de la candidature sur le lieu de recrutement ne recueillent pas une meilleure position.

 Ces tests sont réalisés, autant en France que dans d’autres pays européens (Allemagne, Belgique, Espagne, Italie, Pays-Bas, Suède) et aux Etats-Unis, en vue d’aider les gouvernements et les partenaires sociaux à approfondir leur connaissance des attitudes discriminatoires sur le marché du travail et pour orienter l’application des solutions efficaces. Les résultats de ces tests ne peuvent être influencés par des réponses socialement correctes puisque les employeurs ne sont pas conscients d’être en situation de tests. Les candidates et les candidats se présentent tout à fait comme n’importe quel autre candidat à l’embauche dans l’entreprise ayant diffusé l’offre.

 

 Pour le testing, chaque offre d’emploi testée a reçue deux candidatures. Il s’agit tantôt de deux jeunes Françaises, tantôt de deux jeunes Français, âgés de 20 à 25 ans, ayant suivi leur scolarité et leur formation dans l’Hexagone et apparaissant tout à fait comparables du point de vue de cette formation, de leurs premières expériences professionnelles, de leur tenue vestimentaire et du niveau d’expression standards et similaires, etc. Les seules différences portent sur les prénoms et les noms, soit évoquant une « origine hexagonale ancienne » comme Julien ou Marion ROCHE, Jérôme ou Emilie MOULIN ; soit évoquant une « origine maghrébine » comme Kader ou Farida LARBI, Farid ou Latifa BOUKHRIT ; soit évoquant une « origine noire africaine » comme Bakari ou Aminata BONGO, Kofi ou Binta TRAORE. Les candidats dont les noms évoquent l’origine noire africaine étaient les seuls noirs.

 

 Suivant les indications fournies dans l’offre d’emploi de l’entreprise, en situation tout à fait réelle, l’enquête a testé chacune des trois modalités de prise de contact : Appel téléphonique, envoi de CV par courrier postal ou électronique, ou présentation  physique sur le lieu de travail avec un CV à déposer. Autant que possible, les tests ont été poussés jusqu’aux entretiens d’embauche proposés par les employeurs. Sur 2440 tests avec 4880 candidatures engagés, 2323 correspondaient à des offres d’emploi valablement testés auprès d’autant d’employeurs différents. Enfin, le résultat significatif retenu selon les normes stricts du BIT (Bureau International du Travail) repose sur 1100 employeurs différents valablement testés.

 

 

  Les réponses observées sont éloquentes :

 Les candidats « d’origine hexagonale ancienne » (blancs) sont appelés « majoritaires » pour cette étude ; les candidats « d’origine « maghrébine » et « noire africaine » sont appelés « minoritaires ».

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