Les Français, puis les Néerlandais (Pays-Bas), ont rejeté massivement le Projet Constitutionnel pour l'Europe qui leur était présenté en mai et juin 2005. La traduction de ce rejet a été diversement analysée en raison des groupes divers et des raisons diverses qui se sont manifestés contre ce projet.
Il semble néanmoins que les raisons objectives peuvent être relevées. Depuis 1957 lors de la mise en place du Traité de Rome, l'Europe voulue par la France et l'Allemagne était une construction d'un "REVE DE PAIX" en Europe. Les coopérations se sont construites autours des enjeux majeures en rapport avec les besoins vitaux du moment : Reconstruire l'Europe détruite par la Deuxième Guerre Mondiale requiert des matériaux, au premier rang desquels arrive l'Acier. Ensuite, il fallait faire face à l'énergie en bâtissant des stratégies d'approvisionnement. Le choix français et allemand des centrales nucléaires comme source d'énergie "Propre" est un choix vital et politique pour s'affranchir de la dépendance du Pétrole et des caprices des producteurs comme des marchés eux-mêmes, et du charbon qui pouvait épuiser les mines à court terme en même temps que ce charbon constitue une première source de pollution atmosphérique. Néanmoins pour démarrer la Nouvelle Europe du Rêve de Paix, la CECA (Communauté Economique du Charbon et de l'Acier) est mise sur pied. Petit à petit, on a construit une Europe Economique pour la mise en commun des ressources et l'abolition des taxes douanières pour créer une nouvelle dynamique de croissance. Au cours des années 70, une autre idée est née : l'Union Economique et Monétaire (UEM). Cependant, cette union suppose plusieurs pré-requis : les stratégies des cours de changes entre les monnaies des pays membres, l'harmonisation des politiques économiques au sein de la Communauté Economique Européenne de l'époque (CEE), l'ajustement des politiques sociales et fiscales, la libre circulation des personnes, des biens et des services. L'élargissement de l'Europe, sous l'impulsion de la France et de l'Allemagne, vers le Royaume-Uni, vers les pays de l'Europe du Sud (Portugal, Espagne, Grèce) et vers l'Europe du Nord (les pays scandinave et l'Irlande) auxquels s'est adjointe l'Autriche, avait pour mission de renforcer la puissance économique européenne face aux Etats-Unis et au Japon. Le passage des Six premiers pays fondateurs de la Communauté Economique Européenne (France, Allemagne, Italie, Belgique, Pays-Bas et Luxembourg) à l'Europe des Douze après l'arrivée du Royaume-Uni, l'Espagne, le Portugal, l'Irlande, le Danemark et la Grèce était naturel, s'agissant des pays traditionnellement et habituellement évoluant avec les pays fondateurs. Il n'y avait donc pas de ruptures des grands équilibres, d'autant que les pays de l'Europe du Sud étaient eux-mêmes entrés en période de restructuration économique et contribuaient à la croissance de l'Europe agricole qui manquait à l'Europe du Nord. L'achèvement de la construction d'un ensemble cohérent s'est réalisé avec l'intégration des pays scandinaves et de l'Autriche. Avec cette Europe des Douze, puis des Quinze, on aurait pu réfléchir à un modèle de construction plus achevée pour mieux asseoir les ambitions de l'Union Economique et Monétaire. Le Traité de Maastricht était, de ce point de vue, une première étape qui aurait dû se poursuivre à périmètre constant. A ce stade, les "Européens historiques" que sont les européens des Douze puis des Quinze membres étaient en droit de demander :
1°) que tout élargissement futur apportant des éléments hétérogènes sur le plan économique et social soit soumis à l'arbitrage des peuples de l'Union Européenne (voie référendaire ou parlementaire).
2°) que les ambitions initiales de l'Europe, du "REVE DE PAIX" et du "REVE DE PUISSANCE ECONOMIQUE ET DU MIEUX ETRE" en Europe soient redéfinies et adoptées. IL NE PEUT Y AVOIR DE CONSTRUCTION HARMONIEUSE DE L'EUROPE SANS LE REVE.
3°) que soient définies clairement les FRONTIERES CULTURELLES ET GEOGRAPHIQUES DE L'EUROPE ainsi que les conditions claires de leur extension.
Que fallait-il donc, pour redonner du Rêve aux peuples d'Europe avant de nouvelles aventures d'élargissement et de construction politique à travers le Traité Constitutionnel avorté ?
1°) Nous avons construit dans la paix une MONNAIE unique : L'EURO, sans l'harmonisation des politiques économiques qui la soutiennent. Et Nous en sommes fiers car l'Euro est une grande réussite monétaire en temps de paix dans l'histoire du Monde. Elle s'impose progressivement comme un Monnaie de transactions internationales, un challenger du dollar. Mais, malgré la monnaie unique, l'Allemagne est devenue depuis 2005 (déjà !) le Premier exportateur du Monde avec des excédents commerciaux historiques pendant que la France creuse le trou des déficits commerciaux, avec la même monnaie. Chaque pays reste donc jaloux de ses choix économiques et industriels. En effet, L'Allemagne brillait dans les Exportations tout en maintenant une forte consommation intérieure alors que la TVA à 16% aurait plutôt favorisé la consommation des biens produits en Allemagne ou importés de l'Union Européenne pour créer une solidarité économique de l'Europe. Depuis le 1er janvier 2007, le taux de TVA en Allemagne a gagné 3 points pour passer à 19% et l'Allemagne continue de parier sur la consommation intérieure comme sur les exportations pour soutenir son économie. Mais cette même Allemagne continue de digérer la réunification que de nombreux observateurs considéraient comme un handicap économique et budgétaire de l'Allemagne unifiée pour des décennies... et un fardeau pour l'Union Européenne. Mais l'Allemagne, sur ce dossier également, a marqué des points. Le pays a engagé des réformes sociales et économiques courageuses sous la chancellerie de Schröder et qui commence à produire ses fruits sur le plan économique. Il convient de souligner que pour les productions allemandes consommées en Allemagne, la hausse des taux est voisine de 2 points car hausse de 3 points sur la TVA est amortie par une baisse de 1 point sur les charges sociales à la production. Pourquoi alors nous maudissons la BCE qui a relevé régulièrement ses taux d'intérêts en 2006 CONTRE LA CONSOMMATION INTERIEURE dans toute la zone Euro, mais qui n'a pas affecté négativement l'économie allemande ? Pourquoi l'Euro devient-il cher en France, alors qu'il favorise les exportations en Allemagne ? Cela nous interroge sur l'ajustement et la solidarité des politiques économiques et industrielles européennes. Par ailleurs, nous ne pouvons lutter à armes égales dans la mondialisation avec nos amis américains alors que le dollars est également une variable d'ajustement des déficits pour financer la consommation et la politique étrangère aux Etats-Unis, pendant que notre Euro ne s'assigne que les missions "de base" de lutte contre l'inflation et de garant du pacte de stabilité (déficit budgétaire inférieur à 3% du PIB) et de croissance. L'Euro est donc privé d'interventions politiques comme le sont le dollar et le yen, et bientôt le Yuan chinois dans la nouvelle offensive commerciale vers les pays du Sud. Il convient donc de nous redéfinir les marges d'actions économiques que nous autorise l'Euro et surtout la coordination des politiques économiques et industrielles, ainsi que des impératifs de recherche et développement au sein de l'Union Européenne. Enfin, comment allons nous coordonner des politiques économiques et monétaires de l'Union et harmoniser nos stratégies lorsque 13 pays constituent l'EuroLand, mais d'autres grands contributeurs économiques de l'Europe que sont le Royaume-Uni, le Danemark et la Norvège ne sont pas dans la zone Euro, et que 11 autres pays qui nous ont rejoints ne remplissent pas encore les critères d'admission pour utiliser notre monnaie... En fait, nous aurions mieux fait d'en faire des "partenaires privilégiés" pendant plusieurs années et ne les intégrer "PLEINEMENT" pays par pays que dès lors que ces nouveaux candidats-membres remplissent totalement les critères pour adopter la monnaie unique et se plier aux contraintes économiques, industrielles, fiscales et sociales de l'Union Européenne PREALABLEMENT définies et acceptées.
2°) L'Europe manque d'ambition et de visibilité de ses politiques sociales et fiscales. En effet, les pays membres sont devenus concurrents entre eux pour attirer les investisseurs d'un pays à l'autre. Nous avons créé une zone franche en Irlande pour relancer l'économie de ce pays. Mais, en fait, était-ce pour quelle durée ??? Quelle contrepartie économique pour l'ensemble de l'U.E.? Un français doté d'un bon investissement intellectuel préfère aller travailler au Royaume-Uni (qui n'est pas membre de l'EuroLand) où les fiscalités du capital et du travail sont les plus souples ! Un employeur a intérêt à installer ses centres de production en Angleterre où le SMIC est à bas prix qu'en France. Un industriel a le choix entre produire dans l'EuroLand ou délocaliser ses productions dans les nouveaux pays de l'Europe de l'Est. Bientôt les délocalisations à l'autre bout du monde à la recherche de la main d'œuvre qualifié et à vil prix se développeront dans les pays de l'Est, membre de l'Union Européenne, mais aussi vers les pays d'Asie, d'Amérique Latine ou d'Afrique, pour ensuite rapatrier les produits dans les pays à haut niveau économique et de consommation pour de meilleures marges financières. Et la TVA alors ? Nous ne pouvons continuer à pratiquer les TVA qui vont du simple au double au sein de l'Union Européenne ? Avant tout mouvement de constitution des frontières constitutionnelles de l'Union Européenne, il conviendra d'abord de s'entendre sur "quel modèle d'Europe économique, industriel, fiscal et social" nous voulons réellement construire.
3°) L'Europe doit être très claire sur ses ambitions géographiques. L'adhésion de la Turquie ne pose pas qu'un problème de définition de l'Identité Européenne, elle pose également les questions de la dimension géographique. En effet, pourquoi un Kurde Turc serait européen et alors que nous refuserions ce statut à son cousin Kurde Irakien, ou Kurde Iranien ou Syrien ? Et si, comme l'affirment de nombreux politiciens, nous partageons une histoire avec la Turquie , alors nous héritons aussi, de par notre identité chrétienne, de l'histoire d'Israël, de la Syrie , du Liban et de la Palestine. Pourquoi ces pays ne seraient-ils donc pas membres de l'Union Européenne ? Et si nous avons construit une civilisation européenne sur les restes de la civilisation romaine, nous le devons aussi à l'Egypte. Donc l'Egypte a aussi vocation à entrer en Union Européenne... Et tout le bassin méditerranéen a des liens historiques et anciens avec l'Europe, notamment Carthage en Tunisie actuel... En poussant plus loin le raisonnement, rappelons-nous régulièrement que les "blancs" d'Amérique sont nos cousins européens émigrés en Amérique depuis son exploration par Christophe Colomb ? Et pourquoi ceux qui le désirent ne seraient-ils pas "européens" ?
Aujourd'hui il y a plusieurs étages "inconciliables" dans notre "Maison Europe" mais les fondation sont encore branlantes. Il y a un fort risque qu'à force de charger la Maison , elle ne finisse par s'écrouler et se détruire avant même que la construction ne soit achevée. En effet, il y a le socle encore chancelant : le pilier des 6 fondateurs : le couple France-Allemagne, le Benelux (Belgique, Netherlands et Luxembourg) et notre sœur l'Italie. Quelles politiques fiscales, industrielles, économiques, sociales, relations internationales,... entretenons-nous pour garantir l'avenir serein et solide de l'Europe ? Avons-nous une politique étrangère harmonisée et les "forces militaires dédiées" pour la faire respecter en cas de besoin ? Quand l'ONU faiblit, les Etats-Unis assurent seuls ou avec l'OTAN la police et la sécurité dans la Monde ; mais sans oublier les intérêts supérieurs de Etats-Unis d'abord. Cela est encore plus vrai et actuel depuis l'effondrement du mûr de Berlin et l'éclatement de l'URSS... Viennent ensuite les autres membres qui partagent avec nous l'avenir de la Monnaie Unique , l'Euro : Autriche, Espagne, Portugal, Grèce, Finlande, Irlande, récemment rejoints par la Slovénie. Soit 13 pays de l'EuroLand. On aurait aimé 12 ou 14 pour les plus superstitieux contre le chiffre 13. Alors dépêchons-nous d'en recruter un 14ème et surtout un 15ème pour avoir plus d'Etats d'EuroLand que le reste de l'Union Européenne... Ce sera la base de notre crédibilité ! Mais en attendant, ce sont les 13 qui font la politique économique et monétaire de l'Europe. Cependant, sans oublier que nos amis de l'Europe du Nord sont toujours avec nous, même s'ils ne partagent pas notre monnaie : Le Royaume-Uni, le Danemark et la Norvège participent également tout autant activement à l'essor économique de l'Europe. On ne peut construire notre monnaie contre eux, mais ils ne sont pas avec nous. Que faire ??? Harmoniser nos politiques économiques, budgétaires et industrielles pour les inciter à nous rejoindre. Mais les politiques sociales et fiscales continuent de diverger ! Ensuite, nous entraînons nos 11 nouveaux entrants à grandir vite pour "sauver" la désintégration de l'Europe. Mais l'on entend déjà des voix qui réclament l'entrée de l'Ukraine, des restes des morceaux de la désintégration de l'ex-Yougoslavie, de la Turquie , des autres pays de l'Europe de l'Est et même des pays du Maghreb... Il ne resterait plus que la Russie pour intégrer l'Union Européenne ! Est-ce raisonnable ? Il me semble que dès maintenant, tout élargissement devrait être soumis au vote démocratique des Peuples de l'Union Européenne, au scrutin uninominal des pays postulants.
Nous les passionnés de l'Europe, mais de l'Europe de nos Rêves de Paix, de Prospérité, de Respect des diversités européennes et d'Efficacité économique, industrielle, sociale et démocratique, nous aimerions d'abord consolider les bases de la "Maison Europe" et d'y faire une place digne avant d'y accueillir d'autres amis qui partageront notre destin commun. Consolidons d'abord les fondations de l'Union Européenne que nous voulons bâtir, déterminons les frontières géographiques et identitaires, bâtissons une Démocratie Européenne et.... enfin cimentons cette "Union Clairement Définie" par une Constitution... et non l'inverse. Sinon, nous risquons l'écroulement de la "Maison Europe" avant que les travaux de construction ne soient achevés.