Dans un article récent intitulé : LES NOUVELLES PUISSANCES ECONOMIQUES DES PAYS EMERGENTS : LE MONDE DEVIENT MULTIPOLAIRE publié sur ce même site, le lecteur aura remarqué que l’Économie mondiale n’est plus « pilotée » par les puissances industrielles occidentales « historiques », mais que le monde est devenu « réellement » multipolaire, tant le rythme de la croissance économique mondiale est assuré par les pays émergents (Chine, Inde, Brésil, Turquie, Mexique, Indonésie, etc.). Les marchés se sont élargis sur l’ensemble de la planète : les producteurs des biens et des services comme les consommateurs des diverses offres des marchés sont autant en Asie, en Europe qu’en Amérique. La part dominante des États-Unis dans l’économie mondiale va en diminuant d’année en année. La crise bancaire et financière actuelle révèle la fragilité des économies occidentales et la résistance des économies des pays émergents. Aujourd’hui, pour toute entreprise de quelque espace géographique qu’elle se trouve, le marché est mondial. Celles qui ont cultivé la conquête des marchés internationaux seront les premières entreprises à sortir de la crise actuelle. Nous évoquons ici les acteurs de l’économie réelle, industrielle et des services, en dehors des entreprises financières  qui ont fondé leur puissance sur les spéculations boursières et des produits complexes dont les portefeuilles contenant des actifs à très haut risque, toxiques, invendables, sont à l’origine de la crise bancaire, financière, boursière et de confiance que nous traversons amèrement aujourd’hui.

 

     Dans la situation de crise actuelle, les entreprises ajustent les compétences et les potentiels aux besoins du cœur de leurs activités pour survivre. Elles ont compris qu’il n’existe pas de triptyque « produit-marché-usage », ni « besoin-client-solution » mais bien des analyses segmentées, typologisées, personnalisées qui épousent les flexibilités et les adaptations pour se rapprocher le plus près possible de la réponse au besoin de chaque client. Autrement dit, nous entrons de plus en plus dans la profondeur de la culture du consommateur… et nous faisons réapparaître les notions d’offre personnalisée pour des solutions adaptables et reconfigurables, et de groupe de consommateurs aux comportements quasi-similaires et de partage de pratiques que sont les « tribus » ou les « communautés ». Des entités nées des segmentations marketing qui peuvent s’éloigner des concepts sociologiques et ethnologiques traditionnels. Et pour adresser ces segments de marchés, de plus en plus atomisés, mobiles et exigeants, les entreprises doivent les comprendre pour adapter leurs offres et recourir aux compétences de plus en plus pointues de leurs collaborateurs. Et comme l’étendue des marchés est mondiale et qu’il faudra, pour toutes les entreprises, s’ouvrir au monde pour survivre, les ressources les plus précieuses que sont les hommes et les femmes qui sont à la base de la réussite de toute entreprise, deviennent des enjeux stratégiques dans la bataille. Et comme le monde est devenu multipolaire, il faudra que les entreprises occidentales apprennent à négocier respectueusement avec les entreprises des pays émergents d’Asie, d’Afrique, d’Amérique latine et d’Europe. C’est dans ce contexte que la réussite de la Diversité et de la Pluriculturalité va s’exprimer.

 

      En France comme dans certains autres pays occidentaux, en dehors des pays anglo-saxons qui ont compris et exploitent au mieux la diversité et la pluriculturalité des ressources humaines, le terrain de la compétition est ouvert. Alors les Français Noirs, Arabes, Asiatiques, etc. vont trouver leur place dans des entreprises qui ont l’ambition de se développer et de réussir. Mais, comme toutes les autres ressources humaines des entreprises, les collaborateurs issus de la Diversité ne sont pas des valeurs d’ajustement légal, des faire-valoir pour l’affichage marketing et de communication ou de nouveaux « tirailleurs sénégalais » de la mondialisation… Ils ont des compétences acquises dans des universités et des grandes Écoles comme leurs camarades « Blancs » et doivent être considérés en tant que tels. Mais ils ont un autre capital à exploiter : leur connaissance des milieux diversifiés et leur pluriculturalité qui pourraient servir dans la conquête de nouveaux espaces économiques. Ils devraient donc faire l’objet d’attention accrue. Et pour défendre leur dignité, ces acteurs « atypiques » de la vie économique, politique, sociale et culturelle devraient mieux se valoriser sur les marchés. Les centres de recherches, les plates-formes de développement, les circuits logistiques et commerciaux, les technocentres des industriels, les services de relation clients, les institutions internationales d'enseignement et les centres de formation, etc. fonctionnent actuellement en "contraintes pluriculturelles" à longueur de réunions et de journées de travail, intégrant les intervenants de plusieurs nationalités et de plusieurs cultures d'origine. Ingénieurs, Gestionnaires, Managers, Médecins, Chercheurs, Professeurs, Commerçants, Créateurs, Artistes, etc. de la Diversité et de la Pluriculturalité, vous avez votre place dans l’espace économique, politique et social en Europe. La crise économique nous amène à des fondamentaux : les choix des modèles économiques des entreprises et de la régulation des États, la moralisation du capitalisme-libéralisme qui fonde sa réussite sur la reconnaissance de la performance des individus dans une économie réelle, et la reconnaissance des compétences humaines pour réussir. En conséquence, les acteurs issus de la Diversité ne doivent pas « subir » les politiques et se considérer comme chanceux lorsque les entreprises « daignent » les prendre, mais devenir de véritables acteurs dans le jeu de la compétition. Les entreprises ont besoin d’eux, de leurs compétences, de leur diversité et de leur pluriculturalité pour conquérir les marchés de plus en plus complexes et surmonter la crise. Tous ces atouts devraient être mis en balance devant les recruteurs ; et si l’entreprise ne vous convient pas ou qu’elle vous discrimine sévèrement en raison de vos origines, dites-vous qu’il y en a d’autres qui vous attendent. Et si les entreprises françaises vous rejettent, traversez les mers et les océans…. Il y a tant et tant d’opportunités dans le monde devenu multipolaire que les compétences issues de la Diversité devraient exploiter et s’épanouir.

 

       Néanmoins, il convient de revenir sur les pré-requis pour réussir :

1°) Se doter d’une qualification professionnelle incontestable : Les institutions occidentales offrent une gamme très large des études et des formations. Il ne suffit pas de sortir son diplôme d’université Bac+5 pour convaincre son futur employeur. Il convient de mettre du contenu « opérationnel », des compétences professionnelles « exploitables » et des savoir-faire réels pour être compétitif sur les marchés des entreprises.  Dans le cadre de l’harmonisation des parcours scolaires en Europe, lisibles à travers le monde, les qualifications doivent correspondre à des niveaux identifiables et reconnus. Cela est vrai pour tous les acteurs des marchés dans le monde.

 

2°) Présenter une maîtrise réelle des langues : la pluriculturalité et la diversité offrent des facilités à ouvrir ses connaissances sur un éventail très large des langues. Au-delà du français et de l’anglais, le nomadisme du 20ème siècle qui se poursuit de nos jours a provoqué l’éclatement des familles. Les acteurs issus de la diversité ont donc les chances de parler plusieurs langues africaines, américaines, asiatiques et européennes. Aussi la diversité dans les entreprises n’est pas qu’une réponse à la demande des politiques publiques d’égalité des chances entre les citoyens, mais également un besoin de mieux s’implanter à l’international. Les partenaires et les clients asiatiques, africains, sud-américains exigeront de plus en plus qu’ils soient écoutés et compris dans leurs propres milieux naturels ; c’est aux entreprises de se rapprocher d’eux et non l’inverse. Le « mythe du colon » est loin derrière nous.  Les collaborateurs issus de la diversité deviennent ainsi un « pont » économique et culturel entre les cultures et les marchés internationaux. L’excellente maîtrise des langues des affaires est un atout considérable pour conquérir les marchés dans le monde.

 

3°) Réussir l’intégration culturelle en Occident ou dans d’autres espaces mondiaux d’accueil : c’est un sujet parfois à polémique entre les acteurs issus de la Diversité.  Contrairement aux idées reçues, celui qui maîtrise bien ses origines, maîtrise bien également son intégration. Un Africain qui ne sait pas encore différencier l’hiver de l’été dans ses costumes traditionnels, qui hurle avec des bruits animalesques dans les foules des transports en commun, qui ne sait pas même dans les couloirs des métros la circulation se fait à droite, qui fait participer à tous les passages du bus ou de la voiture de train ses échanges bruyants au téléphone, qui salit les lieux communs et des transports publics avec toute l’offre du jour et les emballages de McDonald’s, etc. est une personne totalement perdue. L’intégration est la première étape pour partager sa vie avec les autres habitants du territoire d’accueil.


4°) Accepter le challenge de la Flexibilité et de l'Adaptabilité : depuis la fin des années 1970, après ce qu'il a été convenu d'appeler "le deuxième choc pétrolier", nous avons changé de siècle sur le plan économique et professionnel. Désormais, les savoirs, les compétences et les expériences professionnelles sont adaptables et réutilisables d'un domaine à un autre.  L'important devient alors les fondements des connaissances : la finance, les constructions mécaniques, l'électronique, la comptabilité, les sciences fondamentales, etc. Ensuite, le candidat est appelé à s'appuyer sur ses savoir-faire dans un métier pour les transformer sur un autre métier, moyennant une formation sur quelques fondamentaux de son nouveau métier. Ainsi aujourd'hui, les informaticiens dans des entreprises n'ont pas tous fait des écoles d'ingénieurs en informatique mais se sont formés à ce métier après avoir exercé en biologie, en chimie, en métiers littéraires et des sciences sociales, ou simplement en autodidactes. Un comptable dans une entreprise des télécommunications peut avoir commencé sa vie dans l'off-shore de l'exploration pétrolière ou dans des carrières des mines.  De nombreux traders à la Bourse de la City à Londres ou à New York ont fait leur début comme assistants en sociologie, professeur d'histoire ou psychologues avant de se reconvertir dans la finance... De même, l'internationalisation de l'économie conduit de nombreux acteurs à changer régulièrement de continents, de pays ou de zones culturelles, avec ou sans changement de métier. La plupart des acteurs atteindront la retraite après avoir parcouru plusieurs fois la terre et changé de métiers tous les cinq ans. C'est l'adaptabilité. Enfin, certaines compétences et profils rares valent de l'or, indépendamment de la couleur de peau et des origines socio-ethniques des personnes qui les portent. A chacun de négocier sa valeur sur le marché... Il est ouvert à toutes et à tous, et à tous les prix. La bataille des talents est ouverte ; et avant de se lancer, consulter l'état des rémunérations sur le marché permet de poser des repères dans les négociations et de refuser les discriminations.

5°) Défendre sa dignité et se battre pour réussir : la mendicité est la dernière étape vers la mort dans la décadence des humains. La passivité et la résignation sont d’énormes freins à l’effort et des alliés objectifs de l’échec. Les acteurs issus de la diversité portent la responsabilité partielle de leur réussite par la motivation et par l’effort d’intégration. Il leur appartient alors de défendre leur position concurrentielle, de défendre leur valeur, de refuser les entreprises esclavagistes et les traitements dégradants et de jouer la carte des compétences et des performances « reconnues » pour négocier leur reconnaissance dans l’espace économique, politique et social. Entrer dans l’entreprise par défaut de mieux, sans d’autres ambitions que d’assurer le quotidien alimentaire, c’est condamner son propre avenir et celui de sa famille. S’autolimiter dans le confinement d’un espace géographique, économique ou culturel, par peur d’affronter d’autres univers et d’y faire valoir ses compétences, c’est condamner son épanouissement et sa réussite dans des espaces qui reconnaissent les valeurs de la performance et de la motivation. Il n’est pas nécessaire de passer par l’École Polytechnique pour être un bon financier, un bon économiste ou un bon ingénieur. Il n’est pas nécessaire de passer par les études des mathématiques fondamentales approfondies pour exercer son métier dans une banque et dans la finance…. La motivation à la réussite est le moteur de l’épanouissement et une boussole dans les orientations professionnelles. Et si l’espace économique de l’exercice de votre métier et de vos talents ne vous convient pas, il ne faut pas hésiter à en changer… et profiter de la multipolarité économique du monde pour réussir sa propre vie et celle de ses proches. La bataille des talents et des compétences est ouverte sur l’ensemble des entreprises de tous les pays ; lorsque les acteurs issus de la diversité présentent les compétences et les qualifications requises, en plus des atouts irremplaçables de la pluriculturalité, ils devraient lever la tête et s’imposer face aux recruteurs. Et si les entreprises françaises boudent, vous trouverez mieux hors de France. Il appartient aux acteurs économiques et politiques français de réfléchir sur les stratégies permettant de profiter au maximum des compétences de la diversité et de la pluriculturalité de ses ressortissants, avant qu’ils n’aillent faire valoir leurs talents sous des cieux plus cléments. Et tant pis pour le commerce extérieur et sur la performance des petites et moyennes entreprises qui y perdront la main-d’œuvre qualifiée et disponible. Et pour ceux qui veulent réussir, de nombreux clubs et cabinets de conseils existent pour aider à construire leur réussite ici ou ailleurs. Au besoin, vous pouvez écrire à emmankunz@orange.fr. Et pour tous, pendant et après la crise bancaire et financière, les affaires continuent. Bonne Réussite à Tous.

par Emmanuel Nkunzumwami
Auteur de "La Nouvelle Dynamique Politique en France", Editions L'Harmattan, novembre 2007.

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