Le Partenariat

 

Le Partenariat entre l'Europe et l'Afrique est-il possible ?

Après des siècles d'esclavage et de traite négrière, de colonisation, de prédation des ressources africaines au profit des pays occidentaux, le temps est venu d'ouvrir une nouvelle page pour la survie même de l'Europe et de l'Afrique, sous la pression de la mondialisation. C'est le temps apaisé du partenariat intelligent entre l'Europe et l'Afrique. L'article ci-dessous expose les ressources et les besoins des uns et des autres sur lesquelles l'Afrique et l'Europe pourront bâtir prioritairement leur partenariat.

 

I.  Cinq ressources des pays industrialisés de l’Union européenne utiles à l’Afrique :

-      Le Savoir-faire technologique et industriel : C’est un continuum de savoirs et d’innovations qui s’est accéléré au cours des 19ème et 20ème siècles, autant en Europe occidentale qu’aux Etats-Unis et au Canada qui en constituent des prolongements culturels historiques. C’est ce gisement de savoir-faire, des savoirs, des connaissances et des innovations que les acteurs économiques des pays émergents ont capté à leur profit et qui fait la fortune de la Chine, de l’Inde, du Brésil, et tous les autres pays émergents qui appliquent ces connaissances acquises en occident dans l’exploitation des ressources en Afrique.

-      La Maîtrise de l’espace et de l’urbanisation : L’industrialisation en Europe et en Amérique du nord s’est accompagnée de la maitrise de l’aménagement des territoires, des espaces urbains, des espaces ruraux et des équipements collectifs publics. L’Afrique a besoin de ces savoirs pour les appliquer avec discernement et intelligence à ses contextes géographiques et culturels.

-      La Maturité et l’expérience du développement : Les pas européens et d’Amérique du nord ont développé et enrichi l’usage des moyens sanitaires et médicaux ; ils ont amélioré les moyens de productions alimentaires et la qualité de l’alimentation pour prévenir toutes formes de famines. Ils ont inventé et développé les infrastructures de communication (aérienne, ferroviaire, autoroutière, fluviale) et des technologies de l’information. Le niveau d’éducation et de la recherche assure l’expertise dans de nombreux domaine et accessible à un grand nombre pour les progrès technologique, économique, sociaux et culturels.

-      La Capacité et la stratégie de gestion des investissements de développement : La crise internationale qui secoue les économies dans le monde n’empêche pas les nations industrialisées de poursuivre leur croissance grâce aux innovations multiples. La recherche et l’innovation technologique et industrielle, le choix des allocations d’investissements productifs à moyen et long terme, l’optimisation des productions industrielles, la capacité de négociation et de projection à l’international dont les grandes nations (Allemagne, Chine, Etats-Unis, Canada, etc.) tirent profit jusqu’à 188 milliards d’euros d’excédents commerciaux pour l’Allemagne en 2013 pendant que la France accuse structurellement les déficits jusqu’à 65 milliards d’euros la même année, le pouvoir d’achat pour la consommation, la capacité et la qualité des infrastructures de communication, sont autant d’expérience utile à l’Afrique.

-      La gestion de la sécurité publique, de la bonne gouvernance et de l’Etat de droit :les pays européens ont franchi le cap des guerres civiles, des coups d’Etat, des conflits inter-Etats, grâce notamment à la création et le développement de l’Union européenne. En Europe occidentale, les démocraties politiques sont « mûres » et les alternances au pouvoir s’effectuent par la volonté des peuples, sans heurts et sans manifestations violentes des perdants aux élections. Les forces militaires, de gendarmerie et de police sont soumises au pouvoir exécutif, exercé par un président ou par un chef de gouvernement (pour les monarchies) élu au suffrage universel. Le pouvoir législatif est réel et obéit aux règles démocratiques d’alternance à travers des élections libres et transparentes. Enfin, l’autorité judiciaire est indépendante (du moins dans l’esprit des textes constitutionnels et des lois) et elle assure le contrôle de la régularité et de la conformité de tous les citoyens aux lois de la nation. C’est une expérience de vie démocratique qui pourrait inspirer les Etats africains.

A ces cinq domaines de ressources des pays de l’Union européenne, l’on peut associer les domaines de ressources naturelles dont l’Afrique peut être fière mais qu'elle ne parvient pas encore à valoriser :

        

II.  Cinq principales ressources naturelles et humaines des pays africains :

- Les terres agricoles fertiles : les zones côtières en Afrique occidentale, d’immenses terres continentales au centre, au sud et dans l’est du continent, en dehors des terres désertiques du Sahara et du Kalahari sont d’autant d’opportunité pour des productions alimentaires à grande échelle pour nourrir jusqu’à 7 milliards d’humains sur notre terre.

- les ressources forestières : l’Afrique contient toutes les espèces de bois, souvent rares, notamment en Afrique centrale. Tous les pays de la zone équatoriale de l’Afrique en sont dotés.

- les ressources énergétiques : il ne devrait pas y avoir de problèmes de production, de transport et de distribution d’énergie en Afrique, un continent aux multiples chutes et sources hydrauliques, posé sur d’immenses gisements de gaz et de pétrole et où le soleil fait partie des décors de la  nature en abondance. Cependant, dans la majorité des pays africains, on enregistre de 5 à 10% de la population accédant à l’électricité. Une véritable honte !

- les ressources minières : tous minerais confondus, le continent africain renferme plus de 50% des réserves mondiales. Pour certains minerais précieux (cobalt, coltan, chrome, etc, l’Afrique en contient en exclusivité mondiale ou représente plus de 80% des réserves mondiales. Mais, c’est en Afrique que l’on dénombre le plus grand nombre de pays dont les habitants disposent de moins de 1$ de ressources par jour et où les populations meurent encore de faim dans la misère absolue.

- Les ressources humaines : en 2012, l’Afrique contenait plus de 1 milliard d’humains, dont plus de 45% ont moins de 15 ans. En 2050, la population totale pourrait dépasser le double, soit 2 milliards d’humains, pendant que l’Europe vieillit et se dépeuple. Mais, jeune, mal éduquée, abandonnée à elle-même, la population jeune de l’Afrique présente d’énormes besoins de prise en charge. Ce sont des politiques publiques volontaristes des Etats qui peuvent y répondre.

A ces énormes ressources disponibles sur l’ensemble du continent africain, on constate également d’énormes handicaps liés aux mauvais choix politiques et au manque de vision dans de nombreux Etats :

- Pas de valorisation de ces ressources en Afrique pour l’intérêt des Africains eux-mêmes.

- Economies de prédation par les Dirigeants africains, les acteurs politiques et économiques européens, les nouveaux conquérants des Emergents.  Les ressources naturelles du continent sont devenues des sources de conflits et des causes de guerres futures dans le monde.

- Pas de filières industrielles constituées performantes permettant d’espérer la naissance et le développement des économies industrielles qui garantiront le progrès. De plus, l’exploitation et la valorisation des ressources en Afrique requièrent les capacités techniques, et les connaissances technologiques que ne maîtrisent pas encore les Etats. Enfin, la taille des pays et leurs ressources humaines sont un handicap pour optimiser ces valorisations.

- Pas de stratégies coordonnées de développement : au regard du paragraphe précédent, c’est au niveau des régions (et non des sous-régions, une notion coloniale de dénigrement que les Africains ont repris comme des perroquets) que les mises en commun des stratégies de développement doivent être pensées et exécutées.

- Mauvaise gouvernance sur la majorité des Etats africains : la démocratie numérique à base ethnique ou régionaliste sert de paravent contre les critiques de l’occident. Les élections reflètent plus les dominations ethniques ou militaires ou régionalistes que des victoires des projets politiques et des ambitions nationales de développement des leaders politiques. Les corruptions se sont érigées en modèle de gestion publique et en conséquence, les redistributions économiques et le développement des pôles de développement économiques ont été sacrifiées au profit des confits armés de revendication menés par de multiples rébellions.

Au regard de ces handicaps qui freinent structurellement l’avenir de nombreux Etats africains, les solutions doivent être principalement, fondamentalement et profondément africaines. Pour ne pas se tromper de trajectoire, les pays africains doivent d'abord repenser leurs espaces géographiques et intensifier les coopérations intra-régionales.


III.  Deux Solutions africaines pour le développement économique et social :

-      Constituer des espaces économiques régionaux pour atteindre les tailles critiques de négociations internationales avec les grandes nations (Chine, Inde, Brésil, Mexique, Indonésie, USA, etc.) et avec l’Union européenne (500 millions d’humains, 10.000 milliards d’euros de richesse mesurée en produit intérieur brut). L’Union européenne est l’espace économique le plus riche du monde. Elle dispose d'une capacité réelle de négociation avec les autres grandes puissances du monde : les Etats-Unis (1ère puissance économique mondiale et 320 millions d'habitants), la Chine (2ème puissance économique mondiale et 1,34 milliards d'habitants), le Japon (3ème puissance économique mondiale et 127 millions d'habitants). Avec le bénéfice des relations historiques multiséculaires avec l'Europe, et en s'organisant à travers des espaces régionaux plus solides et plus viables, l’Afrique pourrait y gagner dans la coopération et le partenariat pour son développement.

-      Coordonner les stratégies économiques, industrielles, monétaires, sociales et de défense au niveau régional. Cinq espaces régionaux de solidarité, et donc cinq régions de coopération monétaire sous la forme des « monnaies uniques de référence » qui évolueront vers des « monnaies communes régionales ». C’est à ces conditions que les pays pourront utilement valoriser leurs ressources pour l’intérêt de leurs peuples, en mettant en commun l’exploitation des ressources dominantes régionales. Ces ressources sont connues et bien identifiées.

Pour se développer, les pays africains doivent clairement analyser leurs forces/faiblesses et les menaces qui les attendent, définir leurs propres priorités, leurs secteurs de développement et les résultats attendus, clarifier les vrais projets avant d’appeler les Européens au partenariat.


IV.  Cinq Secteurs prioritaires de coopération avec l’Europe :

- L’Education, la formation professionnelle et la recherche (tous domaines) qui s’accompagnent de la sécurité physique, alimentaire, sanitaire et énergétique.

- Les Infrastructures de communication (aériennes, ferroviaires, routières, fluviales) et les expertises de ces infrastructures par des agences mixtes afro-européennes. A ces infrastructures physiques s’ajoutent les moyens des technologies de l’information et de la communication digitale.

- L’Aménagement du territoire et la déconcentration des populations des capitales vers les régions, par la création des pôles économiques régionaux. Les travaux d’assainissements accompagnent une nouvelle urbanisation stratégiquement pensée et maîtrisée.

- La Formation de la Force de réaction rapide pour la paix et la sécurité des Etats et des peuples. Il n’y a pas de développement sans sécurité et sans paix durables.

- La Valorisation des ressources en Afrique par la création des chaînes industrielles de transformation et de fabrication de produits finis. C’est la création de la valeur ajoutée industrielle qui valorisera les ressources africaines et permettra l’ouverture sur les marchés internationaux  aux espaces régionaux solides. La respectabilité des Africains, le pouvoir de négociation avec les partenaires et le maintien des populations en Afrique contre l’émigration vers l’Occident dépendront des capacités des pays africains à maîtriser leur développement économique et social pour tous les peuples d’Afrique.

 

V. Conclusion

L’Europe est vieillissante, sans ressources naturelles, dotées de technologies industrielles et d’importantes capacités financières qui assurent le maintien de son développement. A l’opposé, l’Afrique est un continent très jeune, doté d’immenses ressources naturelles mais qui manque de capacités technologiques et d’importants moyens financiers pour les valoriser afin d’accéder au développement. Les deux continents ont partagé une partie de leur histoire liée par les souffrances des uns et l’exploitation des autres depuis le XVIème siècle. Ce passé a créé un rapprochement des cultures et des échanges denses. Les deux continents sont donc aujourd’hui totalement complémentaires. Pour réussir dans la mondialisation, dont le rythme est imprimé par les pays émergents d’Asie et d’Amérique latine, le partenariat économique et industriel entre l’Europe et l’Afrique est la meilleure clé pour réussir.

 

Voir également l'article publié le 1/04/2014 dans Géopolitique africaine :

link

http://www.geopolitique-africaine.com/ensemble-dans-un-monde-globalise

 emmanuel-1

Emmanuel Nkunzumwami

Analyste politique et économique

Fondateur de Neres Conseil

Auteur de « Le Partenariat Europe-Afrique dans la mondialisation », Editions L’Harmattan, 2013

Chroniqueur sur Radio Africa n°1


Retour à l'accueil