Le Partenariat

Depuis de nombreuses années, l’un des piliers de la santé économique est très défaillant en France : c'est l'économie industrielle. Les conséquences sont immédiates : le déclassement par rapport aux pays comparables. Le chômage touche 11% de la population active en France (personnes actives inscrites à Pôle Emploi et qui recherchent activement du travail, disponibles pour travailler, et n'ayant pas exercé un emploi). Le nombre de chômeurs inscrits est passé à 3.303.200 à la fin de 2013 avec un accroissement de +5,7% par rapport à 2012, qui elle-même avait connu un accroissement de 10% par rapport à 2011. Pour les Jeunes de moins de 25 ans, les femmes s'en sortent mieux avec une baisse -1,3% contre les hommes avec +0,6%. Les personnes de plus de 50 ans au chômage pâtissent de la crise structurelle française et leur nombre s'est accru de +12,3% !  alors que les demandeurs d'emploi entre 25 et 50 ans se sont accrus de +5,1% de nouveaux postulants... Est-ce la faute à l'euro trop fort pour les entreprises françaises ? Les autres pays vertueux de la même zone euro s'en sortent mieux : le taux de chômage de novembre 2013 en Allemagne est de 5,2% ; il est de 4,8% en Autriche ; de 8,4% en Belgique ; de 6,9% aux Pays-Bas. Hors zone euro, il est de 6,9% au Danemark ; de 7,1% au Royaume-Uni ; de 8% en Suède. A la même date, ce taux est de 10,9% en France. Aux Etats-Unis, il est de 6,7%. L'économie française est donc bien malade. Si l’on convient que la santé se mesure sur cinq critères, comme les cinq doigts de la main, la France connaît de sérieuses difficultés sur de nombreuses composantes de l'économie industrielle. L’innovation est en amont de la santé économique et industrielle. Elle passe par des partenariats solides entre les décideurs publics et les acteurs privés, le « private-public partnership », mené dans les centres de recherche des entreprises industrielles, des organismes publics et des universités-grandes écoles. Ce moteur n’est pas en forme et n’a pas encore produit ses résultats, après des réformes engagées notamment par la loi de l’autonomie des universités sous la présidence de N. Sarkozy en 2009, et le renforcement des moyens alloués à la recherche. Les cerveaux français continuent de s’évader vers des cieux plus accueillants et plus ambitieux du monde anglo-saxon, principalement au Royaume-Uni, au Canada et aux Etats-Unis. Les meilleurs cerveaux Etrangers ne viennent plus en France ; d’autres terres proposent de meilleures conditions d'accueil, de respect de leurs talents et d’épanouissement. L'on voit déjà comment la France maltraite les compétences inutilisées, ignorées, discriminées des Noirs et des Maghrébins en France. Ils deviennent, eux aussi, de plus en plus nombreux à suivre le nouveau chemin de l'exil vers les pays anglo-saxons. L’investissement est freiné par la crise économique : faudrait-il rappeler que ce sont des investissements d’aujourd’hui qui produiront des emplois et la croissance de demain ? La production est bloquée par d’importantes capacités disponibles et l’amélioration de la productivité des années 1990. Si les productions antérieures ne sont pas écoulées, il se forme des stocks. Ceux-ci freinent alors de nouvelles productions. L’automobile est un exemple type où tant que les stocks ne sont pas écoulés, on doit ralentir de nouvelles productions. Ce mécanisme se traduit par du chômage partiel, des réductions des effectifs de production ou, comme cela arrive actuellement dans le groupe Peugeot-Citroën, des fermetures d’usines. Pour débloquer la croissance économique et produire des emplois, il convient alors de dynamiser également la production par son aval : la relance de la consommation intérieure et le renforcement du commerce extérieur. La consommation intérieure est conditionnée par le pouvoir d’achat des ménages et la bonne santé des entreprises. Or des entreprises en difficultés diminuent les salaires, licencient tout ou partie des salariés pour cause de rétrécissement des marchés et contribuent ainsi à la baisse générale du pouvoir d’achat des ménages. Elles participent alors de facto à  la chute de la consommation intérieure de leurs propres productions. Pour l'autre maillon de la chaîne, il reste les défis du commerce extérieur pour écouler une partie de la production en vue de participer au redressement de la France face à la concurrence internationale. Mais sur ce chapitre aussi, la France a également perdu la main.

 

I. Un déficit du commerce extérieur chronique

Le dernier excédent du commerce extérieur français date de 2002, et il s’élevait à 3,5 milliards d’euros. Les déficits se sont ensuite installés progressivement pour descendre jusqu’à 74 milliards d’euros en 2011, puis s’est légèrement redressé à 67,5 milliards d’euros en 2012. Pour 2013, ce déficit devrait approcher également 70 milliards d’euros. Lorsque l’on analyse les causes structurelles de ce déficit, on relève : la chute de la compétitivité des prix des produits français à l’export. A qualité et fiabilité comparables, les produits français sont plus chers que ceux proposés par nos principaux concurrents occidentaux. L’on ne compare donc pas les produits français avec ceux de nouveaux pays émergents, dont on devrait prendre en compte des conditions de production à la limite de l’inacceptable dans les standards du respect du code du travail et des êtres humains en Occident, ou selon les normes du Bureau International du Travail (BIT). Une autre cause est manifestement le faible nombre d’entreprises exportatrices en France : seulement 100.000 entreprises sont concernées sur plus de 3 millions d’entreprises, soit 1 entreprise sur 30 qui  se lance dans l'export, alors qu'il en faudrait au-moins 1 entreprise sur 10 pour relever les défis internationaux ! Ce faible nombre est également lié au faible nombre d’entreprises industrielles de taille intermédiaire (entre 200 et 2000 emplois), puisque les entreprises françaises se répartissent principalement en quelques dizaines de grands groupes et près de 2,8 millions de petites entreprises appartenant à la catégorie des professionnels. Ensuite, le monde de l’export se limite principalement à l’Europe, puisqu’environ 60% des exportations françaises ne traversent pas l’Europe, déjà mature industriellement et en crise de croissance, alors que les pays en forte croissance sont en Amérique latine, en Afrique et en Asie. Les statistiques émanant du service des douanes françaises indiquent que les échanges extérieurs de la France se répartissent principalement sur vingt-neuf pays retenus. Mais en dehors des exportations particulières du matériel militaires et des armements, la France connaît des déficits bilatéraux avec vingt-et-un des vingt-neuf grands partenaires. Ainsi, en Europe, quinze pays font partie de ces « grands partenaires » : l’Allemagne, la Belgique, l’Espagne, l’Irlande, l’Italie, le Luxembourg, la Norvège, les Pays-Bas, la Pologne, le Portugal, la République Tchèque, le Royaume-Uni, la Russie, la Suède et la Suisse. Sur ces grands partenaires européens, la France n’a réalisé un excédent commercial qu’avec le Royaume-Uni (8,4 milliards d’euros), grâce à des véhicules automobiles, des avions et des vins, et la Suisse (400 millions). Elle accuse un grand déficit extérieur avec les Etats-Unis et le Canada pour ses échanges avec l’Amérique. Au Moyen-Orient et dans le reste de l’Asie, les sept grands partenaires bilatéraux sont la Turquie, l’Arabie saoudite, les Emirats Arabes Unis (EAU), l’Iran, la Chine, le Japon et Taïwan. La France parvient à enregistrer un important excédent annuel avec les EAU (pour 2,5 milliards d’euros) et de légers excédents commerciaux avec l’Iran (450 millions) et la Turquie (250 millions). Enfin en Afrique, la France compte sur cinq grands partenaires : l’Afrique du sud, l’Algérie, la Maroc, la Tunisie et le Nigeria. Mais la France ne réalise l’excédent commercial annuel qu’avec l’Afrique du sud (1,1 milliards d’euros) et le Maroc (400 millions). Alors que le déficit du commerce extérieur n’est que d’environ 100 millions d’euros avec la Tunisie, il monte à 1,7 milliards d’euros avec l’Algérie et à 2,2 milliards avec le Nigeria, notamment en raison des produits pétroliers. Il convient de noter que, hormis l’Afrique du Sud et le Nigeria, respectivement 1ère et 2ème puissances économiques de l’Afrique, les autres pays de l’Afrique subsaharienne ne constituent pas individuellement de grands partenaires économiques pour la France, y compris ses anciennes colonies. Ce constat contribue à recommander vivement la recomposition de ce continent en « espaces économiques régionaux intégrés » pour peser dans l’économie mondialisée. Par ailleurs, les Africains ont aujourd'hui bien compris la différence des traitements avec leurs partenaires : la France des "droits de l'homme et de l'égalité des chances" méprise et humilie encore les millions de Franco-Africains qu'elle a éduqués, formés et diplômés en France, mais que l'on ne retrouve nulle part dans les hautes directions des entreprises, des administrations publiques ou de ses représentations à l'international. En même temps, les entrepreneurs français en contact avec leurs homologues en Afrique se comportent encore comme des colons arrogants vis-à-vis des Africains chez eux en Afrique. Ce n'est donc pas étonnant que les pays africains tournent les regards vers de nouveaux partenaires économiques et industriels en Asie (Japon, Chine, Corée du sud, Indonésie, Inde, EAU...) et en Amérique (USA, Canada, Brésil...). Et les sommets économiques se multiplient avec ces nouveaux partenaires. En Europe, les pays africains font de plus en plus le choix sélectif des pays anglo-saxons et la Scandinavie pour leur apport industriel et culturel ;  l'Europe n'a pas une unité politico-économique intégrée comme les autres puissances historiques ou émergentes, et il n'existe pas d'interlocuteurs identifiés représentant les grands acteurs industriels européens. Quant à la France, en se coupant de ses élites d'origine africaine, elle a perdu la confiance de l'Afrique. Elle ne peut y revenir et réussir efficacement qu'à travers l'Europe.


En Europe, premier partenaire économique de la France, la situation ne s'arrange pas non plus. Le déficit commercial bilatéral sur une année glissante en novembre 2013 évolue de 1,1 milliard d’euro avec le Portugal ; 1,2 milliard avec la Suède ; 1,3 milliard avec la Pologne ; 2,2 milliards avec la Tchéquie ; 3 milliards avec l’Espagne ; 3,7 milliards avec la Norvège (en raison des importations du pétrole brut et des produits de raffinage norvégiens) ; 4,1 milliards avec les Pays-Bas ; 4,2 milliards avec l’Irlande ; 5 milliards avec la Belgique ; 6 milliards avec l’Italie ; jusqu’à 15 milliards avec l’Allemagne. Et ce n'est pas la faute à l'euro, puisque le Portugal, l'Espagne, les Pays-Bas, la Belgique, l'Italie et l'Allemagne avec lesquels elle entretient cet important déficit commercial font partie de la même zone euro. Les déficits bilatéraux sont également constatés avec les autres grands partenaires dans le monde. Il est de 6 milliards d’euros avec les Etats-Unis, de 4 milliards avec le Canada, de 2,7 milliards avec la Russie et l’Arabie Saoudite, de 1,3 milliard avec le Japon et de 700 millions avec Taiwan. Mais la France enregistre son plus gros déficit commercial bilatéral avec la Chine pour environ 26 milliards d’euros. Et la situation ne peut que se dégrader puisque les choix économiques et industriels chinois exigeant un partenaire local majoritaire dans le capital avec un investisseur étranger lui garantissent le contrôle des affaires et des technologies. Après ses premiers pas sur la lune en 2013, le développement de son industrie aéronautique, automobile, ferroviaire, spatial, des télécommunications et d'armement, la Chine devient de plus en plus un concurrent frontal des pays industrialisés occidentaux par ses exportations sur leurs propres marchés intérieurs et vers les pays émergents. La France ne peut donc plus conquérir les marchés internationaux seule, elle a besoin de partenaires européens, et notamment de son premier grand voisin.


Lors de la conférence de presse du 14 janvier 2014, le président François Hollande a fixé comme objectif de comparer les progressions économiques et sociales à celles de l’Allemagne, son principal partenaire au sein de la zone euro et de l’Union européenne. A structure industrielle comparable, la France a commencé à décrocher sur l’activité industrielle dans son PIB depuis le début des années 1980. La diminution de la part de l’industrie dans le PIB français est plus rapide que dans presque tous les autres pays européens. La part de l’industrie, hors constructions et bâtiments, dans la valeur ajoutée totale est ainsi passée de 18% en 2000 à une valeur proche de 12,5% en 2011. Elle place la France au 15ème rang des 17 pays de la zone euro. La France se place donc largement derrière l’Italie (18,6%), la Suède (21,2%) et bien entendu loin derrière le champion européen, l’Allemagne, avec 26,2%. Elle a ainsi perdu plus de 2 millions d’emplois industriels en 30 ans, et l’on sait que les emplois massifs industriels ne peuvent pas être compensés par des emplois de services, plus volatiles et souvent plus spécialisés, requérant des compétences spécifiques et une main d'oeuvre plus qualifiée et peu nombreuse que dans l'industrie. Pourtant la France exporte : entre octobre 2012 et octobre 2013, la France a exporté les avions et les engins spatiaux pour 50,7 milliards d’euros, représentant 11,1% des 427,2 milliards du total des exportations françaises. Les préparations pharmaceutiques (26,9 milliards), les véhicules automobiles (22,7 milliards), les composants et accessoires pour automobiles (12,9 milliards). Le secteur de l’automobile pèse donc presque autant que le secteur des aéronefs dans les exportations. Viennent ensuite l’industrie du luxe : les parfumeries et la maroquinerie totalisent 15,4 milliards. Les autres exportations sont nettement plus en retrait : composant électroniques (7 Mrds €), les équipements de communication (4,5 Mrds €), les matériels de distribution et de commande électrique, les moteurs, les générateurs et les transformateurs électriques totalisent seulement 7,9 Mrds €. D'autres exportations présentent de faibles contributions en valeur. Globalement le volume des exportations reste trop faible au regard de ses compétiteurs internationaux et de ses importantes importations. Sur une année, la France de 65,95 millions d’habitants en 2013 n’a pas encore atteint 450 milliards d’exportations. De l’autre côté du Rhin, l’Allemagne de 81,15 millions d’habitants exporte pour plus de 1000 milliards d’euros. En effet, pour réaliser des excédents du commerce extérieur, il faut d’abord accroître les exportations et éventuellement maintenir ou réduire des importations. Ainsi avec plus de 1000 milliards d’euros d’exportations, l’Allemagne a pu réaliser 188,1 milliards d'euros d’excédent commercial à la fin de 2012, soit plus de 245 milliards de dollars, dépassant son record d’excédent commercial de 158,7 milliards d’euros en 2011. Au cours de la même période, le déficit de la France a été de 74 milliards d’euro en 2011 pour s’améliorer à 67,5 milliards d’euros en 2012. Il convient de noter également que, en pleine crise économique et financière internationale, la croissance allemande était passée de 1,2% en 2010 à 2,7% en 2011 pour fléchir à 1,3% en 2012. Quant à la croissance française, elle sera passée de 1,7% en 2011 à 0% en 2012. La croisance, comme la richesse de la nation, est d'abord créée par les entreprises du secteur marchand. Le pari de rattraper le niveau relatif de l’Allemagne est donc très difficile pour la France.

 

II. Le rattrapage industriel indispensable de la France

Les composantes de l’économie industrielle qui en assurent la croissance demeurent, pour rappel et dans l’ordre de la chaîne de valeur : l’innovation, l’investissement, la production, la consommation et les exportations, comme les cinq doigts de la main. Le cercle vertueux de cette chaîne est la création de la valeur qui se réinjecte dans la chaîne pour participer à la croissance, l’emploi, l’augmentation du pouvoir d’achat par l’accroissement des revenus, l’investissement massif et la consommation. Il est illusoire de mener des politiques de redistribution des richesses qui se détruisent progressivement, ou de se projeter dans l’accroissement de la consommation et de l’investissement lorsque les revenus individualisés et le pouvoir d’achat baissent. Ce sont donc des entreprises du secteur marchand qui créent des richesses des nations. Toute la question politique repose sur la redistribution des bénéfices dégagés entre l’entreprise (autofinancement de la croissance, de l'innovation et de nouveaux investissements), les propriétaires (actionnaires), l’Etat (impôts, taxes et cotisations sociales) et les salariés (créateurs collectifs de la richesse des entreprises). Le président Nicolas Sarkozy avait envisagé la révision de la redistribution équitable du tiers entre l’entreprise, les actionnaires et les salariés, après le paiement des obligations fiscales et sociales à l’Etat et à la sécurité sociale. Le président François Hollande pourrait légitimement reprendre cet objectif qui s’inscrit dans la philosophie de l’économie social-libérale : réduire les impôts, taxes et cotisations qui pèsent lourdement dans les charges des entreprises, et négocier les redistributions par le dialogue social sur l'objectif de la répartition au tiers des bénéfices après impôts pour relancer l'investissement privé et la consommation. L’Etat actuel de la France, en comparaison avec l’Allemagne, requiert un effort important pour remonter la pente : le chômage ne descend pas au dessous de 11% (contre 6,5% en Allemagne en corrigeant les bas salaires au niveau minimum du smic français), le déficit du commerce extérieur de 70 milliards d’euros en 2013 (contre un excédent d’environ 190 milliards d’euros en Allemagne), une croissance économique de 0,4% en 2013 (contre 0,9% en Allemagne). Aussi, lors des vœux de nouvel An 2014, le président François Hollande en a pris conscience en proposant de changer de braquet. Il s’est affirmé politiquement « social-démocrate », mais il engage une politique économique « social-libérale ». Ne rejoint-il pas l’hypothèse de l’ancien président Valéry Giscard d’Estaing qui assumait que la France se gouverne au Centre. Centre droit pour la droite et Centre gauche pour la gauche, mais toujours au Centre. Ainsi, le 31 décembre 2013, François Hollande assume :


1. La fin de la crise économique et bancaire est réglée par l’accord sur la régulation bancaire qui responsabilise les banques entre elles en cas de défaillance, sans porter préjudice aux citoyens clients ou épargnants de ces banques. C’est la protection des citoyens européens contre la rapacité des institutions financières et bancaires. Cependant, convenons que cette réforme était déjà annoncée par l'ancien président Nicolas Sarkozy.


2. Un combat contre l’insécurité et pour l’éducation de la jeunesse. Cette dernière est un des leviers pour former les Jeunes pour les emplois d’aujourd’hui et de demain, notamment en renforçant la formation professionnelle adaptée aux besoins actuels des entreprises.


3. L’annonce un « pacte de solidarité pour les entreprises » les invitant à la réduction des charges qui pèsent dans leur faible compétitivité sur les marchés internationaux, en contrepartie des embauches et du dialogue social.


4. L’engagement d’une réforme sur la sécurisation de l’emploi, attachée à l’individu et non à son statut, pour lui assurer la formation professionnelle tout au long de la vie, pour lui faciliter l’insertion professionnelle en cas de difficulté ou de défaillance de l’entreprise employeur. L’on sait que la difficulté en France, ce n’est pas tant de quitter un emploi qui ne convient pas au salarié, mais d’en trouver un autre. Aussi, un grand nombre de salariés sont obligés de rester dans un emploi générateur des souffrances graves par défaut d’en trouver un autre ou de s’assurer de leur sécurité de réinsertion professionnelle.

 

5. La gestion publique assainie par la volonté politique forte : réduire les dépenses publiques pour réduire significativement les déficits publics. Et pour relancer la croissance en France, l’investissement et la compétitivité des entreprises, la consommation des ménages, il engage la réduction des impôts. Cet effort est accompagné par la simplification administrative pour les entreprises et les citoyens qui veulent entreprendre. Il a donc conscience que les entreprises du secteur marchand et les ménages sont les principaux acteurs de la croissance économique et industrielle.


6. L’engagement résolu de la France dans la transition énergétique, en suivant le modèle allemand. Il invite les Français à stimuler les industries vertes et l’isolation des logements, notamment. Il réaffirme que la France devrait réduire sa dépendance à l’énergie nucléaire à 50% de l’énergie consommée à l’horizon 2025.


7. Le constat que la France possède des atouts qu’elle n’exploite pas suffisamment : l’innovation industrielle et la création existent mais ne se transforment pas suffisamment en industrie productive, le domaine des transports avec les matériels et la densification/diversification des moyens de transport, l’agriculture parmi les plus avancée du monde, l’industrie du numérique, les créations culturelles, etc. sont autant des atouts que la France n’exploite pas sur son sol et dans le monde.


8. Les lourdeurs de l’administration des territoires en France sont devenues insupportables pour les finances publiques et pour les citoyens. En effet, depuis que le Président Charles de Gaulle a lancé le chantier de la décentralisation en 1968, la France ne bouge pas sur ce sujet. 36000 communes, des milliers d’intercommunalités (communautés d’agglomérations, communautés de commune, intercommunalités, etc.), 96 départements en France continentale, 22 régions se retrouvent souvent sur les mêmes compétences et se font concurrence. Le Président François Hollande, comme son prédécesseur Nicolas Sarkozy, veut s’attaquer à ce « mille-feuilles » territorial pour le réduire. La question se pose ainsi sur la réduction du nombre de départements et de régions, comme cela avait été proposé et même voté pour la fusion entre les élus départementaux et les élus régionaux sous la présidence précédente de Nicolas Sarkozy.


  9. L’apaisement de la France qui ne croit plus en ses capacités de sécurité des citoyens, qui défie sa justice et dont la laïcité est contestée par certaines communautés religieuses. Le racisme de plus en plus accru et les discriminations qui frappent une partie du corps social, notamment les Noirs et les Maghrébins, fragilisent la sécurité et la laïcité en France et accroissent les replis vers des identités communautaires et religieuses.


10. L’affirmation de la consolidation de l’Europe. L’avenir de la France est dans l’Union européenne et il n’y aura pas d’avenir solide de l’Europe sans la contribution de la France. Aujourd’hui, sur les théâtres d’opération de sécurité du monde et en Afrique, la France s’est retrouvée seule au début des opérations au Mali, puis en Centrafrique. Il n’existe pas d’Armée européenne, capable de se projeter dans des opérations extérieures. Le couple France-Allemagne est indispensable pour bâtir cette Europe, en y intégrant le Royaume-Uni, l’Italie, l’Espagne et le Benelux pour créer un noyau solide de l’armée européenne.

 

 

III. La rupture politique vers le pragmatisme de la politique française

La conférence de presse du 14 janvier 2014 du Président François Hollande annonce une rupture de la pratique politique du parti socialiste connue entre 1981 et 1995 sous la présidence de François Mitterrand. Les temps ont changé et François Hollande a marqué sa place dans les institutions de la Vème République. Il a explicité les vœux du 31 décembre 2013 lors de sa 3ème conférence de presse du 14 janvier 2014. Non seulement, il annonce les ruptures, mais en donne l’ampleur et l’agenda. La France éprouve de réelles difficultés sur la relance de la croissance économique (objectif : 1,7%-2% dès 2015 jusqu’à la fin du quinquennat), à abaisser le chômage (11% à la fin de 2013), au rétablissement des comptes publics (réduction du déficit budgétaire : entre -3,7% et -4,3% du PIB en 2014 et de la dette 94% du PIB en 2014, contre l’objectif respectivement de 0% de déficit budgétaire versus -3% et de 60% d’endettement à la fin du quinquennat en 2017 exigés par l'Union européenne) et à l’équilibre de la balance du commerce extérieur (un déficit de 70 milliards d’euros en 2013). Pour y parvenir, François Hollande a inscrit son agenda et fait ses comptes :


1. Accroître vigoureusement la croissance en 2014 pour retrouver les emplois.

2. Décliner le pacte de responsabilité en quatre phases :


a) L’allègement des charges sur le coût du travail : baisse de 4% de la masse salariale en 2013, puis de 6% en 2014 jusqu’à 0% de cotisations pour les allocations familiales pour les entreprises.  Ainsi, la branche « famille » de la sécurité sociale ne sera plus prise en charge par les entreprises. Ce dispositif d'allègement des charges avait été déjà voté sous la presidence de Nicolas Sarkozy à travers : la défiscalisation des heures supplémentaires non chargées et non taxées (9 millions de salariés en bénéficiaient en 2012 avant d'être abrogée par les Socialistes), la hausse de la TVA à 20,4% contre l'allègement à due concurrence des charges des entreprises pour les rendre compétitives sur les marchés internationaux (les citoyens finançaient ainsi leurs entreprises, et cette loi devait s'appliquer en octobre 2012 et elle a été abrogée en juillet à l'arrivée de la gauche au pouvoir). La réorientation de la politique économique actuelle vers le social-libéralisme rejoint donc celle qui avait été menée par le prédécesseur ; et donc qu'il n'aurait pas fallu abroger pour la reprendre 18 mois plus tard. La gauche ne peut pas redistribuer les richesses qui s'amenuisent de jour en jour, il faut donc d'abord renforcer tous les dispositifs pour les recréer.  


b) La visibilité claire des entreprises sur leur fiscalité, afin de stimuler leur engagement pour l’emploi et programmer sereinement les investissements.


c) La simplification administrative des dix actes clés de l’entreprise.


d) La signature des contreparties nationales des entreprises et dans des branches professionnelles. La méthode privilégie le compromis social et les négociations. Ainsi, tous les acteurs du pacte ‘Etat, entreprises et organisations syndicales’ se donnent un agenda de négociations pour des actions concrètes. C’est le pragmatisme du social-libéral économique François Hollande et qui a affirmé son identité politique « social-démocrate » : assises du pacte fin janvier 2014, conférence sociale pour le printemps, loi de programmation sociale 2015-2017 à l’automne. Les Français attendent donc des résultats concrets pour être rassurés.


3. Réduire la dépense publique en engageant les réformes structurelles de la gestion publique : réduire de 14 milliards d’euros sur les dépenses en 2014 ; 16 milliards en 2015 ; 17 milliards en 2016 et 17 milliards en 2017. Un conseil stratégique de la dépense publique sera constitué pour suivre ces évolutions et valider les efforts accomplis.


4. Réorganiser l’administration des territoires en France. Autour des 13 métropoles constituées sous la présidence de Nicolas Sarkozy, le président François Hollande souhaite réduire le nombre de départements (une métropole se confondant avec un département qui l’englobe). Par ailleurs, les régions seront appelées à se regrouper pour optimiser les allocations de ressources des dotations de l’Etat pour être plus performantes, et se centrer sur les missions recadrées et redéfinies dans le cadre du nouvel acte de décentralisation.


5. Renforcer la cohésion européenne et de la zone euro autour du coupe franco-allemand. Aussi le président François Hollande fixe des objectif de la coopération avec l’Allemagne sur :


a) La convergence économique et sociale entre la France et l’Allemagne ;

b) La coordination de la transition énergétique autour des filières industrielles identifiées et dynamique entre les deux pays ;

c) La constitution de l’Europe de la défense autour du noyau franco-allemand.


Il est clair, après analyse des objectifs politiques et économiques annoncés par le président François  Hollande, que la France industrielle devrait renaître et s’accélérer. La France du général de Gaulle qui avait vu la naissance des industries nucléaire, ferroviaires, aéronautiques, spatiale, et de l’armement est loin derrière nous. Après les « trente glorieuses » de 1945 à 1975 de la reconstruction économique et industrielle de la France consécutive aux destructions qu'elle avait subies à l'issue de la seconde guerre mondiale, la France des « trente laxistes » s’est installée de 1979 à 2008 pendant laquelle l’industrie française s’est délitée au profit de l’économie financière et des services. La crise économique internationale, qui sévit depuis l'été 2007, a fragilisé une économie déjà « fatiguée », « affaiblie » et totalement « déstabilisée ». L’Allemagne démontre aujourd’hui qu’il fallait maintenir le socle économique sur l’industrie, malgré les temps difficiles de cette brutale crise boursière, financière, économique et sociale, en provenance des Etats-Unis et du Royaume-Uni pour se répandre sur le reste du monde industrialisé historique. La croissance économique, les importants excédents commerciaux internationaux, et le niveau bas du chômage en Allemagne sont largement soutenus et maintenus par l’économie industrielle allemande très forte. Pour retrouver le chemin de la croissance au-delà de l’inflation, soit au-delà de 1%, résorber les déficits budgétaires et atteindre l’équilibre des comptes publics, réduire significativement la dette publique jusqu’à 80%, abaisser le niveau du chômage à 7%, accroître les revenus, la France devrait actionner les leviers de la relance de l’industrie, de la bonne gestion publique par la réduction des dépenses publiques, et accompagner les industriels à réussir les exportations pour atteindre l’objectif, relativement à l'Allemagne, de 790 milliards d’euros dès 2014. Dans la même comparaison, elle devrait accroître ses importations de 595 milliards à environ 640 milliards d'euros, pour dégager 150 milliards d'excédents commerciaux extérieurs. Ainsi, le surplus d'exportations et surtout d'importations pourrait être réalisé avec l'Afrique pour reconquérir les marchés en forte croissance. Si la France veut se comparer à l’Allemagne, elle devrait également s’approprier les facteurs-clés de succès de ce pays : la solidité de l'industrie, la qualité éprouvée de ses produits, le dynamisme de son commerce extérieur. Le président français ne peut donc plus se contenter de la redistribution sociale de la richesse qui s’étiole, chère aux Socialistes, mais de lancer une grande ambition industrielle pour créer de l’offre. Il affirme clairement son appartenance politique au courant social-démocrate comme en Allemagne sous Gerhard Shroëder. La rupture avec le passé, c’est maintenant ; car les résultats sont impatiemment attendus demain.

 

Emmanuel Nkunzumwami

Analyste politique et économique

Auteur de « Le partenariat Europe-Afrique dans la mondialisation », Ed. L’Harmattan, 2013.

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