gitans-Amiens

Les débuts du XXIème siècle sont marqués par des antagonismes révélateurs d’un malaise profond de nos sociétés humaines, accélérés par la profonde crise de sens, crise des valeurs, crise morale, crise boursière, crise financière, crise de confiance, crise de consommation, crise de croissance économique… crise dans le partage et de l’intégration des communautés dans les sociétés globales.

L’Union Européenne s’est construite par des élargissements progressifs, en partant d’un noyau des antagonistes historiques, l’Allemagne et la France, auxquels se sont joints les partenaires culturels historiques, le Benelux (Belgique, Pays-Bas et Luxembourg) et l’Italie. Les populations se connaissent, partagent souvent, évoluent ensemble. Jusqu’à un ensemble quasi-homogène des quinze Etats, au début des années 2000, les composantes de l’Union Européenne peuvent progresser au même rythme, se dessiner des ambitions communes, se projeter dans des stratégies économiques, sociales, fiscales, industrielles, culturelles, et des relations internationales. L’on pouvait alors légitimement évoquer des compétitions des trois pôles économiques mondiaux : Amérique du Nord, Union Européenne et Extrême-Orient (Japon, Corée du Sud, Chine). Mais à quinze Etats membres, l’Union Européenne était déjà difficile à coordonner malgré les intérêts relativement partagés et convergents. A vingt-sept, cette même Union Européenne tombe en panne. Donc l’intégration européenne doit se trouver un autre modèle de construction. En intégrant les douze nouveaux membres sans discernement et sans contraintes spécifiques imposées à chaque nouvel Etat entrant entre 2004 et 2007, l’Union considérait que l’intégration aller de soi, entre Européens historiques… Et puis les réalités nous ont rattrapés : les niveaux de corruption, les discriminations contre les minorités ethniques, les inégalités socio-économiques de nombreux pays de l’Europe de l’Est se sont révélés. En effet, l’Union Européenne aurait accordé 17 milliards d’Euros à la Roumanie, la Bulgarie, et dans une moindre mesure la Tchéquie, la Hongrie et la Slovaquie pour relever leurs niveaux socio-économiques et intégrer les minorités ethniques constitutives de leurs sociétés respectives : Roms, Tziganes, etc. Aujourd’hui aucun résultat significatif n’est enregistré mais les 17 milliards ont bel et bien disparu ou ont été consommés.

En 2010, la France, par la voix du Président de la République Nicolas Sarkozy, soulève le problème dans le cadre des missions de l’Etat d’assurer la sécurité publique des citoyens. Le démantèlement des camps illégaux sur le territoire n’a rien de raciste : un groupe d’individus, quels qu’ils soient, ne s’installe pas où il veut, quand il veut, y compris sur les propriétés d’autres citoyens, sans payer ni taxe foncière, ni taxe d’habitation, ni location d'espace, et créer des nuisances dans l’environnement sans se faire rappeler à l’ordre. Et lorsque ces mêmes individus en colère attaquent les symboles du pouvoir, colonnes de l’édifice sur lequel est bâtie la République, les pouvoirs publics ne peuvent que réagir énergiquement. Les camps illégaux sont démantelés ; mais les opposants de la gauche –très souvent les plus éloignés des réalités quotidiennes que vivent les citoyens dans leurs communes loin de Paris- s’attaquent aussitôt au Président de la République. Ils confondent dans les mêmes discours protestataires Roms, Tziganes, Gens du voyage, Forains, etc. Mais les personnes qui exercent leurs professions en mobilité et qui louent officiellement leurs espaces pour exercer leur art en toute transparence ne sont nullement inquiétées. Les personnes qui occupent les campements autorisés, dans des structures bien aménagées et mises à disposition par les communes, ne sont nullement inquiétées. Les personnes qui ne se livrent pas à des actes de délinquance, de criminalité organisée, de désordre contre l’environnement, de nuisance dans leur voisinage, quels que soient leurs lieux de vie –sédentaires ou nomades-, ne sont jamais inquiétées. Il est donc du devoir des pouvoir publics de mettre de l’ordre et faire respecter la loi pour assurer la sécurité de tous les citoyens. En démantelant les campements illégaux, les Français s’y trouvant ont été déplacés dans les camps autorisés et les Etrangers ont reçu des propositions : rejoindre les campements autorisés ou retourner dans leurs pays d’origine. Et certains Roms ont souhaité librement et volontairement recevoir 300 Euros de l’Etat et retourner dans leur pays.

Quant à l'Union Européenne, en intégrant la Roumanie, la Bulgarie, la Hongrie, la Slovaquie notamment, elle n’ignorait pas cette question « très ancienne » de l’intégration de leurs minorités ethniques. En accordant 17 milliards à ces Etats pour moderniser leurs situations socio-économiques et intégrer ces minorités ethniques, la Commission européenne et le Parlement Européen ont manqué à leur devoir de contrôle de l’usage des fonds prélevés de l’impôt des Citoyens Européens. En pointant du doigt le Président Nicolas Sarkozy et son gouvernement sur l’expulsion des Roms squattant des camps illégaux, la Commission Européenne a voulu se décharger de ses responsabilités sur le contrôle du fonctionnement et de la gestion sociale des Etats de l’Union. La France, comme les autres pays plus économiquement avancés de l’Union Européenne, ne peut accepter de payer pour l’intégration des minorités dans leurs pays d’origine et récupérer ensuite ces mêmes minorités dans les faubourgs de ses villes, à côté des déchetteries et vivant dans des conditions inhumaines et totalement inacceptables sur son territoire. Sur ce sujet, les positions des dirigeants de la Commission Européenne sont dénouées de fondement et les comparaisons avec les tragédies de la seconde guerre mondiale sont une honte intellectuelle. Que les Citoyens français se révoltent ensuite contre les positions de l’Union Européenne sur les Roms en général et que les autres Citoyens européens accueillant les Roms sur leurs territoires développent un racisme contre ces minorités ethniques européennes, c’est la manifestation de l’échec de l’intégration européenne. Et cet échec d’intégration socio-économique au sein de l’Union Européenne, doublée d’une crise économique généralisée dans des pays industrialisés, alimente déjà les discours de l’extrême-droite en Europe occidentale et révèle l’incapacité des instances communautaires à gérer de lourds contentieux des questions sociales et de sécurité publique en Europe. Et c’est toute la question des compétences européennes qui est posée et la tentation naturelle des Etats puissants de l’Union à reprendre la main sur des problèmes d’intérêt national.

Mais au niveau de la France, l’échec d’intégration de la diversité socio-ethnique se pose ouvertement. Nous sommes loin du modèle américain où les immigrés nés hors des USA ont pu se construire, trouver leur place et contribuer au rayonnement des Etats-Unis. De nombreux prix nobel, des Secrétaires d'Etat (H. Kissinger, M. Albright, General C. Powel, etc.), un juge latino-américain à la Cour Suprême, de nombreux officiers de l'Armée,  des Maires des grandes villes et un Gouverneur (A. Schwartzeneger), de Grands chefs d'entreprise... sont nés hors des Etats-Unis mais en font la fierté aujourd'hui. Cinquante ans après les indépendances africaines, la France en est à la troisième génération des Citoyens français issus de l’immigration noire-africaine et maghrébine.  Cependant, de nombreuses populations issues de ces immigrations successives restent « communautarisées » et « ghettoïsées » dans des conditions de vie honteuses. Les habitudes ancestrales demeurent : des structures familiales inadaptées aux conditions de vie actuelles lorsque une dizaine de membres d’une même famille se retrouvent dans un appartement de 30 m², avec des revenus provenant principalement de l’aide sociale –l’enfant devient un instrument de revenu pour certaines familles sur le territoire français- impliquant des conditions d’éducation et de scolarité précaires. L’échec d’intégration sociale et culturelle se répercute sur l’échec scolaire et l’échec d’intégration socio-économique des enfants de parents issus de l’immigration. Par ailleurs, certaines populations arabo-musulmanes se réfugient dans l’islam radical en exhibant des ports vestimentaires qu’ils ne pourraient même pas oser sortir dans leurs pays d’origine au Maghreb. Communautarisées et ghettoïsées, ces populations tentent de revendiquer leur identité à travers le seul outil public qui leur reste : les signes ostentatoires attribués à l’Islam, même si la majorité d’entre elles n’ont jamais mis les pieds dans une mosquée et, encore moins, n’ont jamais lu une seule ligne du Coran ! Mais qu’apportent les pouvoirs publics à ce problème ? que proposent les leaders d’opinion que sont les syndicats, les partis politiques -notamment les responsables politiques des partis de gauche ayant longtemps traité ces problèmes avec complaisance, paternalisme et hypocrisie- et la presse ? A côté des populations « mal intégrées » ou « non intégrées » vivent les Noirs français qui ont réussi les études, qui ont suivi ouvertement le chemin de l’intégration, qui ont apporté des réalisations économiques en France. Mais pourquoi ne les voit-on jamais dans les organigrammes des partis politiques, dans les administrations, et dans les entreprises.

Pourquoi les « hiérarques Blancs » dans des entreprises françaises continuent d’ignorer autant, au XXIème siècle, les Français Noirs en France. Du racisme pur et dur des années de la colonisation, les sociétés occidentales avaient évolué vers l’intégration progressive en passant par les discriminations passives. Même dans les milieux intellectuels, le racisme devient une expression politique : ainsi, Emmanuel Todd, intellectuel de gauche connu, s’en prend ouvertement sur la chaîne de télévision publique France 3, dans l’émission « ce soir ou jamais » pour proférer des injures publiques sans retenue contre Nicolas Sarkozy en le traitant de « ce machin à la Présidence de la République » comme s’il désignait un vulgaire objet sans valeur. Cet individu ne respecte même plus la fonction présidentielle. De nombreux militants du Front national n’ont pas manqué de se souvenir que Nicolas Sarkozy est d’origine hongroise et n'oublieront pas de s'en servir lors des prochains scrutins ! Qu’aurait donc été la violence de ses propos si, d’aventure, le président Français avait été d’origine africaine, comme Barack Obama aux Etats-Unis ? Aujourd’hui, c’est souvent, dans des entreprises et sous prétexte de la crise économique actuelle, que l’on enregistre violemment le retour au racisme radical. Les Noirs qui ne progressent jamais dans les responsabilités, souvent mis au placard ou licenciés pour non soumission à l'arbitraire raciste, confinés à des activités subalternes malgré de hauts niveaux de formation et de compétence universitaires ou de grandes Ecoles. En 2008, un DRH d’une grande entreprise nationale du CAC40 à Paris convoque par un mail urgent un Noir Français, cadre supérieur, pour lui demander d’aller « renouveler sa carte de séjour d'Etranger sous peine de révocation de son emploi », oubliant volontairement que ce Français Noir avait déjà déposé la copie de sa carte nationale d’identité française à la DRH de la même entreprise dix ans auparavant, au moment de son embauche. Cette entreprise, prétendant conquérir les marchés internationaux en Afrique et dans le Reste du monde, et ce DRH ont osé publier un message qui reflète la réalité quotidienne que vivent une grande majorité des Noirs en France : une discrimnation et un étouffement contre les Noirs qui pourraient émerger ! Mais l'Afrique n' a pas encore les moyens de rétorsion que présentent la Chine, l'Inde ou le Brésil. La France se coupe ainsi de ses "ambassadeurs culturels" et renforce son rejet au profit des pays anglo-saxons plus accueillants et prompts à valoriser les compétences. La langue française seule, sans les évolutions économiques et sociales qui la soutiennent, ne suffira pas à lier l'Afrique à la France. Cet échec d’intégration, entretenu par une minorité d’Européens blancs et amplifié par les populations qui tournent le dos à l’intégration car elles se sentent rejetées sans appel, alimente les extrêmes en France et en Afrique.

Il est totalement regrettable que ceux qui se proclament justiciers au nom d’Al Qaeda du Maghreb Islamique (Aqmi) prennent des otages des Français sous prétexte que la France vient de voter une loi contre le port du voile intégral dans l’espace public. L’Islam de préconise nullement les prises d’otages et les assassinats ciblés comme moyen de propagation de la Foi, jamais. Ces discours et ces comportements n’aident nullement les populations musulmanes communautarisées et ghettoïsées en France à s’intégrer et créent un terreau de renforcement du Front national et de l’extrême-droite en Europe. En contrepartie, les pouvoirs publics ont le devoir d’apporter des solutions énergiques pour lutter contre le retour d’un racisme radical en France. Un artifice juridique en France permet de parler et défendre l’intégration et la diversité en désignant les Femmes. Mais la Société sait parfaitement que le racisme et les discriminations socio-ethniques frappent prioritairement les Citoyens d’origine socio-ethnique extérieure à la France traditionnelle. Nous avons vivement souhaité que les entreprises et les administrations publient les données sur la répartition des responsabilités des salariés issus de la Diversité socio-ethnique en France, nous les attendons toujours. Dès le début de 2011, la France entre dans les turbulences électorales : élections cantonales en mars 2011, élection présidentielle en avril- mai 2012 et élections législatives en juin 2012. Nous allons pouvoir mesurer le chemin parcouru à l’issue des résultats de ces élections, par la diversité des élus des Conseils généraux en 2011 et la coloration de l’Assemblée nationale en juin 2012. Aucun responsable politique ne pourra encore oser nous dire, comme en 2007 : « j’ai réservé cette circonscription au fils d’un ami » comme si ladite circonscription et les électeurs lui appartenaient en propre. Ce responsable politique a finalement perdu la circonscription pour son ami et la mairie !  Cependant pour que la Diversité apparaisse, cela dépendra également de l’implication politique et sociale réelle des Français issus de la Diversité dans l'espace public car l’intégration est une négociation à deux : celui qui frappe à la porte et celui qui ouvre pour l’accueillir et lui faire une place.

Emmanuel Nkunzumwami

auteur de "La Nouvelle Dynamique Politique en France" aux Editions L'Harmattan.

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