Chers lecteurs,

les analyses menées et publiées sur ce site s'intéressent principalement aux événements en France et en Europe en interaction avec les évolutions du monde actuel.

Néanmoins comme nous l'avions fait pour l'élection du Président des Etats-Unis en 2008, Monsieur Barack Obama, nous nous accordons encore une dérogation pour ce nouvel événement devenu international ; car ce qu'il est convenu d'appeler la "Communuté Internationale" en a fait un événement majeur de la fin de l'année 2010. Aussi, votre serviteur a essayé d'analyser les données de cette crise consécutive à une élection présidentielle en Afrique, en Côte d'Ivoire, en s'appuyant sur les rapports et procès verbaux. Et puisque l'essentiel de tous les organes de la presse internationale ont déclaré et annoncé partout que Monsieur Alassane Ouattara a gagné cette élection, nous fournissons notre étude et des informations à partir de lui. Deux hommes se disputent le pouvoir en Côte d'Ivoire, Monsieur Laurent Gbagbo et Monsieur Alassane Ouattara. Quels sont alors les résultats de cette élection présidentielle ? Et qui a été réellement élu Président de Côte d'Ivoire ? Quelle est la meilleure solution possible pour sortir la Côte d'Ivoire de l'impasse politique actuelle ?

 

I . Les repères

L’élection présidentielle en Côte d’Ivoire née du second tour de l’élection présidentielle du 28 novembre 2010 préoccupe l’ensemble des démocraties dans le monde en général, et l’ensemble des pays africains en particulier. Elle fait néanmoins suite à une crise ouverte dans ce pays depuis l’apparition de la rébellion et la formation d’une armée des Forces Nouvelles installée dans le Nord  de la Côte d’Ivoire. Elle oppose Monsieur Laurent Gbagbo, président de la Côte d’Ivoire depuis l’élection présidentielle d’octobre 2000 à Monsieur Alassane Ouattara qui s’est désormais imposé comme le chef de la rébellion armée en Côte d’Ivoire.

Monsieur Alassane Dramane Ouattara (ADO) est né à Dimbokro de parents mixtes Ivoirien et Voltaïque. Il a fait ses études secondaires à Ouagadougou en Haute-Volta et ses études supérieures aux Etats-Unis. Il est titulaire d’un PhD (doctorat) en Economie. D’avril 1968 à août 1972 : il est économiste au FMI à Washington ; d’août 1973 à  février 1975 : il est chargé de mission au siège de la Banque centrale des États de l'Afrique de l'Ouest (BCEAO) à Paris ; de février 1975 à décembre 1982 : il est conseiller du gouverneur et directeur des études à la BCEAO à Paris puis à Dakar ;  de janvier 1983 à octobre 1984 : il est vice-gouverneur de la BCEAO à Dakar ; de  novembre 1984  à octobre 1988 : il est directeur du département Afrique au FMI à Washington ; d’octobre 1988 à décembre 1990 : il représente la Haute-Volta, devenu Burkina Faso, au poste d’Administrateur à la BCEAO (Banque Centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest)  avant d’en devenir Gouverneur à Dakar.

 En avril 1990, le Président Félix Houphouët-Boigny, confronté à la crise de la vente du Cacao et du Café depuis 1988 et obligé de se plier aux Programme d’Ajustement Structurel (PAS) proposé par le FMI, et dans son élan de « panafricanisme » hérité de l’ère des indépendances africaines des années 50-60, fait appel au candidat proposé et déjà connu par le FMI, M. Alassane Ouattara. C’est également en 1990 que M. Alassane Ouattara fait connaissance intime avec la France en épousant à la mairie de Neuilly-sur-Seine Dominique Novion, gestionnaire des propriétés immobilières de Félix Houphouët-Boigny et Omar Bongo au sein de la société AICI.

En Côte d’Ivoire depuis avril 1990, M. Alassane Ouattara est président du « Comité Interministériel de la Coordination du Programme de Stabilisation et de Relance Economique ».  Après les succès de ce comité dans l’assainissement de la gestion publique, M. Alassane Ouattara est récompensé et nommé au poste de Premier ministre de novembre 1990 à décembre 1993. Dans d’autres démocraties, un conflit d’intérêt aurait été constitué puisque Alassane Ouattara devenu Premier ministre, son épouse continuait de gérer le patrimoine de son patron, le Président Félix Houphouët-Boigny. C’est alors investi de ce pouvoir de Premier ministre, qu’il fait arrêter Laurent Gbagbo qui est condamné à 2 ans de prison le 6/03/1992 pour « trouble à l’ordre public » après d’importantes manifestations contre l’austérité décrétée par M. Alassane Ouattara. Laurent Gbagbo et ses compagnons sont ensuite amnistiés par le Président Félix Houphouët-Boigny en fin juillet 1992 après 6 mois de prison. Le Président Houphouët-Boigny reconnaît donc la demande de démocratie.

Le 9 décembre 1993, le Président Félix Houphouët-Boigny meurt. L’intérim est assuré par la président de l’Assemblée nationale, conformément à la constitution alors qu’Alassane Ouattara, premier et dernier Premier ministre du Président Félix Houphouët-Boigny s’était déjà unilatéralement proclamé « président par intérim » de la Cote d’Ivoire. Les tentatives de prise illégale de pouvoir présidentiel datent alors de décembre 1993. Mais c’est Monsieur Henri Konan Bédié qui assure l’intérim jusqu’en octobre 1995. Il nomme Daniel Kablan Dunkan qui remplace Alassane Dramane Ouattara au poste de Premier ministre et celui-ci est rappelé par son ancien employeur, le FMI, au poste de Directeur Général Adjoint de mai 1994 à juillet 1999. Le 8/12/1994, la révision du « code électoral » est adoptée : elle impose « la preuve de l’ascendance ivoirienne » à tout candidat à l’élection. Monsieur Laurent Gbagbo conduit un boycott contre cette constitution qui s’oppose aux élections démocratiques ouvertes au-delà du PDCI (Parti Démocratique de Côte d’Ivoire, fondé par Félix Houphouët-Boigny) représenté par le Président Henri Konan Bédié. Après les désordres politiques nés de « l’Ivoirité » introduite par H. Konan Bédié, celui-ci est élu Président le 22 octobre 1995 sans concurrent véritable, tandis qu’Alassane Ouattara est interdit de se présenter à cette élection au motif du doute sur sa nationalité ivoirienne. Il se réfugie alors en France.  Mais, Henri Konan Bédié continue de « tripatouiller » la Constitution qui lui permettrait de se maintenir au pouvoir au-delà de 75 ans. C’est dans ce contexte qu’il est alors destitué par le Général Robert Guéi le 24/12/1999 et Alassane Dramane Ouattara rentre en Côte d’Ivoire pour constituer un gouvernement entre le Général Robert Guéi et le RDR.

L’alliance Robert Guéi et Alassane Ouattara (RDR) se heurte cependant à une nouvelle révision de la Constitution ivoirienne du 23/07/2000 de Robert Guéi qui dispose que « ne peut se présenter à l’élection présidentielle qu’un citoyen ivoirien, né de parents eux-mêmes ivoiriens ».  Alassane Ouattara  est donc disqualifié à nouveau et ne peut même pas se présenter aux élections législatives de 2001 qui suivent l’élection présidentielle. C’est dans ce climat qu’a lieu l’élection présidentielle en octobre 2000 à laquelle Alassane Ouattara et Henri Konan Bédié sont interdits de prendre part. Le RDR, présidé alors par Alassane Ouattara depuis 1999 à son retour d’exil en France, boycotte violemment les élections législatives. L’élection présidentielle se déroule dans « conditions calamiteuses » comme le confesse Laurent Gbagbo qui en sort vainqueur mais c’est Robert Guéi, le grand perdant de cette élection, qui se maintient au pouvoir. Après de longues manifestations de tous les partis politiques, sous la coordination du FPI (Front Populaire Ivoirien de Laurent Gbagbo), Laurent Gbagbo est rétabli dans son droit et accède à la présidence de la Côte d’Ivoire en janvier 2001. Il tente alors de rétablir l’ordre public et la démocratie en Côte d’Ivoire, à travers d’importantes réformes politiques et constitutionnelles.

Le 19/09/2002, une tentative de Coup d’Etat organisé par le RDR d’Alassane Ouattara éclate simultanément à Abidjan, à Bouaké et à Korhogo et échoue de très peu. Les insurgés se retirent sur Bouaké qui devient désormais la capitale de la rébellion ivoirienne. Les militaires de la rébellion prennent l’appellation des « Forces Nouvelles » et exécutent des centaines des militaires des FANCI (Forces Armées Nationales de Côte d’Ivoire) au stade de Bouaké. En représailles, environ 300 personnes sont également exécutées par les FANCI. La Côte d’Ivoire est désormais coupée en deux : le Burkina Faso entraîne, arme et soutient les Rebelles et l’Afrique du Sud aide les FANCI contre la rébellion. Néanmoins, les Rebelles saccagent la BCEAO de Bouake d’où ils emportent 1 milliard de FCFA (1,5M€).

Devant les difficultés de réconciliation entre Ivoiriens, face aux désordres politiques introduits par « l’Ivoirité », soumis à des tragédies de la guerre civile, confronté à la plus grande crise politique, économique et institutionnelle de la Côte d’Ivoire, le Président Laurent Gbagbo fait modifier l’article 35  de la Constitution qui dispose désormais que « pour être éligible à l’élection, le candidat doit être né de père OU de mère ivoirien ».   « Il doit être âgé de 40 ans au moins et 75 ans au plus ».

Mais qui sont les militaires de Rébellion ? Et que veulent-ils ? Quelques milliers de soldats, issus en majorité des FANCI dont ils sont exclus depuis le « Coup d’Etat » de Robert Guéi en 1999, et des autres tentatives ultérieures, renforcés par les miliciens venus du Libéria et d’autres Etats voisins, entraînés au camp militaire de Pô au Burkina Faso et au Mali. Leur Objectif ? Ils demandent le départ de Laurent Gbagbo ; veulent prendre la pouvoir par la Force ; exigent de distribuer la nationalité ivoirienne à tous les habitants de la Côte d’Ivoire (on estime que  40% des habitants en Côte d’Ivoire sont d’origine étrangère) ; veulent abroger l’article 35 de la Constitution et accorder le droit de vote et d’éligibilité à tous les habitants de la Côte d’Ivoire. Ils s’allient paradoxalement pour la circonstance à Henri Konan Bédié (pourtant le père de l’Ivoirité et de l’article 35 de la constitution contesté par cette même rébellion) et avec les héritiers politiques de Robert Guéi. Le 2 décembre 2010 : Alassane Ouattara se proclame illégalement vainqueur de l'élection présidentielle après l’annonce dans l’Hôtel du Golf des résultats provisoires par le président de la Commission Electorale Indépendante (CEI).

 

II. La situation électorale :

L’élection présidentielle en Côte d’Ivoire prévoit deux tours. Au premier tour, 14 candidats sont validés par le Conseil Constitutionnel sur 20 déclarations. Le Président Laurent Gbagbo signe les décrets autorisant les dérogations à l’article 35 de la constitution : ainsi Henri Konan Bédié peut se présenter alors qu’il a déjà 76 ans à l’ouverture du scrutin, mais aussi la loi autorise également Monsieur Alassane Dramane Ouattara à se présenter alors qu’il en avait toujours été empêché par « le doute sur sa nationalité ivoirienne » en 1995 et en 2000. L’élection présidentielle d’octobre 2005 n’a pas pu avoir lieu pour raison de guerre civile et de partition du pays (c’est un cas de force majeur). Le premier tour de l’élection présidentielle a donc lieu le 31 octobre 2010 et de nombreux candidats profitent de l’ouverture démocratique et constitutionnelle pour se présenter. L’objectif est de créer dans le pays une véritable démocratie et des droits démocratiques ouverts à tous les Citoyens de Côte d’Ivoire. Il est donc difficile, en pareille circonstance, d’accuser le Président Laurent Gbagbo de dictature. De même, il n’est pas intellectuellement défendable, ni matériellement justifié qu’on ait pu le traiter de dictateur quand il a été élu et installé dans la fonction présidentielle en janvier 2001, puis frappé d’une série de tentatives de coup d’Etat et d’une longue guerre civile dès septembre 2002.

Par le décret n°2010-238 du 9 septembre 2010, le nombre définitif de cartes nationales d’identité autorisant les citoyens à voter s’élève à 5 750 720 et définit le nombre d’inscrits sur les listes électorales. A l’issue du premier tour, Laurent Gbagbo obtient : 1.756.504 voix (soit 38,05%) ; Alassane Ouattara : 1.481.091 voix (soit 32,08%) ; Henri Konan Bédié (1.165.532 (soit 25,24%) ; Albert Mabri : 118.671 voix (soit 2,27%). Les dix autres candidats n’atteignent même pas 0,4% et ne totalisent que 2,08%. Taux de participation général : 83,73% et le nombre de voix exprimées s’élève à 4 617 821. Ces résultats deviennent la base de toutes les projections des deux candidats retenus pour le second tour de cette élection. Désormais la lutte s’ouvre pour les voix d’Henri Konan Bédié et d’Albert Mabri courtisées par les deux candidats en lice pour le second tour.

Au Deuxième tour : Le Conseil Constitutionnel accepte la comptabilisation sur : 5.725.721 inscrits après élimination des bureaux de vote ayant participé à la fraude massive, dans la région du Nord. Ci-dessous les constats comparés :

 

1er tour du 31/10/2010 : VALIDES CEI & CC*

2ème tour du 28/11/2010 : VALIDES CC**

Inscrits

5 784 490

Inscrits

5 725 721

Nombre de votants

4 843 353

Nombre de votants

4 081 765

Taux de participation

83,73%

Taux de participation

71,28%

Suffrages blancs ou nuls

    225 532

Suffrages blancs ou nuls

      88 556

Taux de votes blancs/nuls

4,66%

Taux de votes blancs/nuls

2,17%

Suffrages exprimés

4 617 821

Suffrages exprimés

3 993 209

Laurent Gbagbo

1 756 504

Laurent Gbagbo

 2 054 537

 

Soit 38,05% 

 

Soit 51,45%

Alassane Ouattara

1 481 091

Alassane Ouattara

1 938 672

 

soit 32,08%

 

Soit 48,55%

CEI & CC* : les votes sont certifiés et annoncés par la Commission Electorale Indépendantes comme résultats provisoires et validés définitifs par le Conseil Constitutionnel.

CC** : les votes sont validés par le Conseil Constitutionnel, seul habilité par la constitution à valider les résultats définitifs et à proclamer le vainqueur de l’élection présidentielle.

C’est sur les bases des résultats validés en commun entre la CEI et le Conseil constitutionnel que nous allons fonder la suite de notre analyse des résultats. Chaque candidat tente de mobiliser son électorat ainsi que les voix des électeurs d’Henri Konan Bédié et d’Albert Mabri principalement.  Il en résulte alors que :

-        Le taux de participation baisse, passant de 83,73% à 71,28% (environ 70%)

-        Le nombre de suffrages de Laurent Gbagbo progresse de 298 033 voix

-        Le nombre de suffrages d’Alassane Ouattara progresse de 457 581 voix

-       Les alliances Alassane Ouattara-Henri Konan Bédié font penser chez les partisans d’Alassane Ouattara que les voix des électeurs d’Henri Konan Bédié se reporteront intégralement sur Alassane Ouattara au second tour. Ce qui ne s’est jamais produit dans aucune élection dans le monde, d’autant que le clivage encore vif sur « l’ivoirité » entre ces deux hommes date des années 1990, lorsqu’Alassane Ouattara a été écarté de l’élection présidentielle. Toute projection consistant à additionner les pourcentages obtenus au premier tour de Monsieur Alassane Ouattara, Monsieur Henri Konan Bédié et Monsieur Albert Mabri pour annoncer la victoire de Monsieur Alassane Ouattara, bien avant le second tour de cette élection présidentielle, n'est ni statistiquement, ni électoralement, ni politiquement juste. Les électeurs ont d'autres grilles de lecture.

Dans les processus électoraux à deux tours, y compris dans les grandes démocraties éprouvées, il est très fréquent que le taux de participation baisse significativement entre le 1er et le 2ème tour de l’élection présidentielle. Par ailleurs, les reports de voix sont très difficiles à prévoir pour plusieurs facteurs, dont notamment :

-        La baisse du taux de participation n’indique pas quels électeurs se sont détournés des urnes, notamment parmi ceux dont le candidat a été éliminé dès le premier tour et qui préfèrent rester chez eux pour le second tour.

-        De nombreux électeurs ne suivent pas les consignes de vote de leurs leaders éliminés. C’est d’autant plus vrai qu’en Côte d’ivoire, que parmi les électeurs d’Henri Konan Bédié se trouvent de farouches partisans de l’ivoirité qui ne se reconnaissent pas dans la candidature de Monsieur Alassane Ouattara, et qui ont pu se reporter vers la candidature de Monsieur Laurent Gbagbo.

-        On remarque souvent qu’au cours du 1er tour, les électeurs expriment leurs opinions, leur contestation ou manifestent leur protestation contre les grands leaders politiques en s’adressant aux candidats outsiders. Au second tour, ils se reportent alors vers celui qui, à leurs yeux, paraît plus expérimenté, plus crédible ou qui incarne mieux les réformes souhaitées pour leur pays. Une autre partie des électeurs des outsiders qui ne se retrouvent dans les programmes des concurrents du second tour ne se rendent pas aux urnes. Cela explique d'une part la baisse des taux de participation au second tour, et d'importantes fluctuations dans les reports des voix au second tour (comme cela se produit dans d'autres élections présidentielles de toutes les démocraties).

Au cours du scrutin du second tour, les enjeux étaient perçus comme vitaux dans le choix des deux candidats, Laurent Gbagbo et Alassane Ouattara, que les observateurs internationaux ont suivi cette élection avec beaucoup de vigilance.

(A suivre....)

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