LA CRISE BOURSIERE N'EST PAS LA CRISE ECONOMIQUE
25 nov. 2008Nous vivons une période de tourments et d’inquiétudes diverses liés à l’incertitude du lendemain. Certains craignent pour l’effondrement de leurs portefeuilles boursiers, d’autres s’inquiètent de la faillite de leur banque et donc de leurs dépôts financiers, des entrepreneurs révisent tous les jours leurs prévisions de croissance, les grands groupes d’entreprises s’inquiètent de l’effondrement de leurs ventes sur les marchés internationaux et de la baisse drastique de leurs chiffres d’affaires et commencent à comprimer leurs coûts, les salariés ont une peur quotidienne pour leurs emplois, les ménages serrent de plus en plus leurs budgets pour assurent les lendemains incertains, etc. Le monde entier est devenu un énorme village pris de panique où chacun s’inquiète pour sa vie, tellement l’épidémie de la crise est violente.
Mais quelle est la réalité de cette crise pour mieux la contrôler et éviter des amalgames qui déstabilisent les riches et assomment les plus pauvres ? Les axes de contagion de cette épidémie sont pourtant clairs : Une crise boursière qui s’est répandue sur les marchés financiers pour affecter les banques. Celles-ci se sont tournées vers les Etats pour se protéger tout en freinant le financement de la consommation et de l’investissement, donc affectant ainsi la croissance. Et comme ce phénomène est mondial, en raison de l’énorme étendue du réseau bancaire et l’interdépendance des économies à travers le monde entier, tous les pays deviennent solidaires dans la crise. Cependant, il n’y a pas de raison aujourd’hui que la Crise Boursière se répercute sur l’économie des biens et des services réels. Essayons de comprendre :
- Les marchés boursiers sont les marchés des spéculations. Des actions, des options, des futures, des indices, et leurs produits complexes dérivés se négocient sur un mode de prévisions supposées de la valeur des entreprises qui les portent et sur la véracité ou non des informations que les porteurs veulent bien fournir. Ainsi on a vu des « boîtes noires » contenant des produits « toxiques » des surprimes d’assurances sur les prêts immobiliers américains se vendre à des prix d’or alors que les faillites des sociétés immobilières qui les avaient vendues et les pauvres qui ne pouvaient plus rembourser leurs crédit devenu trop cher (avec parfois des loyers mensuels supérieurs aux revenus des acquéreurs de leurs maisons d’habitation) s’allongeaient quotidiennement. Sur communication de faux bilans et de faux comptes de résultat des entreprises, les valeurs boursières de certaines entreprises montent alors que les entreprises sont au bord des dépôts de bilan et des faillites. Nous avons connu des bulles spéculatives sur internet et de ce qu’il était convenu d’appeler abusivement « la netéconomie » qui n’a jamais existé de 1999 à 2002, et nous venons de vivre un autre mirage construit sur les bulles spéculatives sur l’immobilier. En effet, comment peut-on faire croire à un pauvre citoyen qu’il peut s’endetter à 10% pour une modeste maison ou un petit appartement, à un prix valant 2 à 3 fois sa valeur au coût de revient à la construction, sous prétexte qu’il va tranquillement payer son logement pendant 50 ans ou 80 ans ? Tout le monde convient que les revenus baissent après la retraite et qu’à 40 ans, personne ne peut garantir un loyer valant 50% du revenu actuel à 80 ans. Mais la bourse intègre ces folies dans ses spéculations à la hausse. Et lorsque les opérateurs sur une place boursière se mettent à spéculer sur les hausses et les baisses d’une autre place financières pour vendre ces spéculations aux banques et aux sociétés financières, nous entrons dans la « folie pure ». On crée des valeurs fictives et on se les échange entre opérateurs, et le plus menteur gagne instantanément. Les principales places boursières mondiales ont donc surévalué les produits fictifs ou réels pour encaisser d’énormes marges au profit des « traders ». Ensuite, les spéculations se sont construites sur des rumeurs et sur les politiques publiques de l’environnement. Il a suffi que les Etats confirment leur volonté de réduire les émissions des gaz à effet de serre et engagent une lutte contre les pollutions atmosphériques pour que les spéculations s’activent sur le pétrole et le gaz. Dès que les Etats ont commencé à encourager les constructions des véhicules « propres » aux biocarburants et aux moteurs électriques, les spéculateurs ont propagé la communication sur la rareté du pétrole par la réduction de sa production. Ils ont donc « artificiellement » créé une forte demande pour la constitution des stocks et le prix du baril de pétrole a grimpé de 60$ à près de 1500$ au cours de la seule année 2008 ! Pourtant, les producteurs de pétrole n’ont rien changé, ni à la qualité de production, ni à la quantité produite, ni aux techniques de production du pétrole. La psychose s’est chargée de créer le prix du pétrole sur les marchés boursiers et les consommateurs en ont gravement souffert. Etait-ce une crise économique ? Non. Sur l’immobilier, les sociétés de construction immobilière sont très attentives au discours des pouvoirs publics. La demande de plus en plus accrue du logement au début des années 1990 et la baisse des taux d’intérêt au début des années 2000 ont créé une tension croissante sur la demande immobilière. Mécaniquement, la loi de l’offre et de la demande, intégrant la rareté des logements, notamment dans de grandes zones urbaines, s’est chargée de réguler le prix des logements. Pendant ces spéculations immobilières, le coût de revient à la construction est resté au niveau de l’inflation –donc inférieur à 1,5% par an- alors que les prix des logements se sont accrus de plus de 10% par an en moyenne. Il en est de même pour les produits agricoles et les matières premières, dont les prix ont brutalement augmenté à la seule rumeur sur leur rareté supposée en raison de la conversion d’une partie de la production du blé, du maïs, du colza, des pommes de terre, etc. en biocarburants. Spéculant sur la faim dans le monde, sur la demande de plus en plus accrue des pays émergents, notamment la Chine, l’Inde, le Brésil, le Mexique et l’Indonésie, et sur la rareté du pétrole, du gaz, des matières premières et des produits alimentaires, ceux-ci ont vu leurs prix grimper brutalement jusqu’à plus de 400% ! Dans les pays pauvres du monde, certains pouvoirs publics ont cru découvrir le marché de l’or dans des exportations agricoles en détournant l’agriculture vivrière vers l’agriculture industrielle, précipitant eux-mêmes la faim dans leurs propres pays. Depuis le début des années 2000, le monde vit dans de gigantesques spéculations boursières qui ont aveuglé les banquiers. Ceux-ci ont détourné une partie de leurs activités traditionnelles (financement de la consommation, de l’investissement, des exportations, de la création des activités économiques et sociales) vers les marchés boursiers plus rapidement rémunérateurs. Ils sont donc, à des niveaux variables, créé des filiales ou développé des activités internes de « banque de marchés ». La mondialisation a piloté le reste. La crise boursière basée sur l’effondrement des valeurs spéculatives s’est propagée naturellement comme le feu de paille dans les « banques de marchés ». Il est entendu que la valeur du coût du pétrole, de l’immobilier, du blé, des matières premières diverses... n’a pas changé ; c’est le prix de vente plusieurs fois surévalué qui a brutalement baissé, entraînant la chute des spéculations sur les places financières et les banques qui les avaient investies. Ce sont ces survaleurs qui ont provoqué la crise boursière et financière, absorbant une part importante des avoirs des banques.
Les Etats sont donc intervenus pour poser des digues à l’aval, c'est-à-dire au financement des dépôts des banques pour qu’elles poursuivent leurs métiers principaux : le financement de l’économie réelle et non sur les spéculations boursières qui demeurent toujours opaques et très risquées. Mais dès lors que les activités de banque de détail et banque de dépôts qui financent l’économie réelle sont assainies, nous ne devrions plus craindre une crise économique. Pour cela, les Etats ont une double arme pour contrôler les acteurs économiques et les banques pour prévenir contre les mauvaises pratiques spéculatives du passé.
- Au niveau des acteurs économiques : les promoteurs immobiliers, les constructeurs automobiles, les producteurs agricoles, etc. devraient être soumis au contrôle de leurs coûts de revient et sur la formation de leur prix de vente. Le consommateur sera ainsi informé et achètera en connaissance de cause sur un marché toujours en libre concurrence. Lorsque le coût de revient unitaire d’une maison ou d’un appartement est de 200€, le consommateur informé pourra intelligemment négocier son prix d’acquisition. Cette démarche est donc valable pour tous les biens de consommation ou d’investissement de forte valeur marchande.
- Au niveau des banques et des sociétés financières : l’Etat doit pouvoir accéder aux données relatives au crédit accordé par les banques et responsabiliser les banquiers dans la gestion de la demande. Dès que les critères c’accès au crédit (consommation, investissement, création) sont clairs et équitables pour tous, aucune banque ne devrait refuser un crédit aux acteurs économiques. La relance par la consommation et l’investissement devrait être garantie dans touts les économies.
- Au niveau des Marchés Boursiers et des Marchés Financiers : le capitalisme est le système qui offre les perspectives de chance d'épanouissement par la liberté d'entreprendre à chacun selon ses capacités. Cependant, pour qu'il se développe avec un maximum d'équité, il doit s'accompagner des régulations économiques et sociales par les Etats. C'est donc le Modèle Social-Libéral qui permet ces ajustements pour que des millions d'êtres humains ne soient abandonnés sur la route de la vie. Il est en effet inadmissible que des millions de riches retraités des pays occidentaux rassemblent leurs fortunes dans les fonds de pensions, gérés par des Fonds d'Investissements ou des Fonds Spéculatifs pour exiger des rendements de 40% à 60% annuels à des entreprises opérant sur des marchés évoluant de 2% à 5%. Qui peut décemment et honnêtement faire croire qu'avec une croissance du chiffre d'affaires de 2% à 5% au mieux, on peut dégager un bénéfice net de 40% de ce chiffre d'affaires sans une réduction "mortelle" des charges. Or on ne peut pas toucher aux matières premières ou aux marchandises entrant dans le circuit de production, sinon c'est la qualité des produits finis qui en souffre et ferait chuter les ventes ; on ne peut pas toucher aux achats d'équipements, aux amortissements et provisions participant aux futures investissements pour assurer la pérénité des entreprises et donc à leur contribution au développement du pays ; il ne reste plus que le poste de charges salariales à réduire. Donc licencier pour répondre aux impératifs de gains financiers au profit des seuls "actionnaires gourmands". C'est proprement criminel, anti-économique et anti-social car on ramène l'économie de l'entreprise à la satisfaction des intérêts particuliers d'une seule partie des acteurs et au rendement à très court terme ; ce qui est contraire à la définition même de l'entreprise. Les conséquences sont immédiates : impossibilité aux dirigeants de satisfaire ces exigences de rendements financiers, mises en faillites des entreprises de gestion saine, et licenciements massifs des employés. Les tentations de bonheur matériel des riches retraités entraînent les malheurs des millions de familles de salariés licenciés par des exigences boursières. Et la crise boursière rend tout le monde perdant. Il convient de rappeler que des entreprises sont créées pour produire de la richesse à moyen et long termes, distribuer équitablement cette richesse à ses acteurs (salariés, dirigeants, actionnaires, organismes sociaux, banques, Etat), contribuer au développement économique du pays et aux équilibres sociaux de ses habitants. Les évolutions boursières doivent refléter au mieux les valeurs économiques des entreprises. Les rendements excessifs des valeurs boursières cachent souvent des irrégularités de gestion des entreprises et constituent des moteurs des déséquilibres économiques au profit des Fonds Spéculatifs et des "traders" attirés par l'appât du gain facile par des rémunarations indécentes. Il faut donc encadrer les rémunérations des Fonds, plafonner les salaires des Dirigeants d'entreprises et des Traders sur les marchés boursiers et lutter efficacement contre la criminalité financière, les corruptions massives et les mouvements de fonds de source douteuse. Pour ce faire, un contrôle des mouvements de fonds gérés dans des paradis fiscaux réduirait des risques de crise de liquidités. Une "Organisation Mondiale des Echanges Financiers" (WOFE) devrait être instituée pour effectuer des contrôles financiers et boursiers afin de prévenir des déséquilibres tels que ceux qui ont provoqué l'actuelle crise boursière et financière.
Des informations tendancieuses pour entretenir la psychose de la crise demeurent cependant. Des milieux d’extrême-gauche se sont saisis de la crise du capitalisme pour tirer sur l’ambulance. En effet, ils entretiennent la confusion entre les milliards d’Euros évaporés sur les marchés boursiers qui ne sont que des survaleurs spéculatives ne correspondant pas à des valeurs physiques réelles et les consommations de santé qui correspondent financièrement à de la destruction de la valeur car l’argent est consommé effectivement (même si nous savons que plus de la moitié des médicaments prescrits en France finissent leur vie dans les placards), avec les interventions financières des Etats pour soutenir les banques dans la continuité de leurs missions économiques. En effet, les fonds mobilisés par les Etats pour soutenir les banques sont de plusieurs sources mais ne sont pas des ponctions sur les budgets publics. Pour soutenir la construction immobilière en France, l’Etat mobilise les dépôts sur les livrets A, les compte épargnes logement, les collectes de 1% logement et tous les fonds collectés et gérés par des organismes divers dans le but du logement. Il ne s’agit donc pas de débiter les comptes du Trésor Public au profit des promoteurs immobiliers. Quant au soutien aux banques, l’Etat a bien différencié les 40 milliards d’Euros pour les recapitalisations pour les banques sous capitalisées pour faire face à leur survie et les 320 milliards destinés à financer l’activité « première » des banques comme indiquée ci-dessus. Il s’agit donc des garanties de l’Etat pour que les banque puissent accéder au crédit puisque les banques ne se faisant plus confiance entre elles ou ne disposant plus de liquidités, avaient cessé de se prêter mutuellement de l’argent comme elles le font habituellement. L’Etat emprunte de l’argent à la Banque Centrale à un taux privilégié (inférieur à 4%) et revend cet argent aux banques commerciales à un taux élevé (environ 8%) avec l’obligation de rembourser à l’horizon de quatre ans au plus tard. Pour les recapitalisations, l’Etat devient actionnaire pour quelques années, le temps de la remontée des activités bancaires, puis se retire en empochant les dividendes, la récupération de son capital et des plus-values éventuelle. Ce sont des opérations habituelles et connues qu’exerce l’Etat pour soutenir des entreprises stratégiques dans le domaine industriel. Rappelons ici que l’Etat ne perd jamais tout puisqu’il garde le privilège de premier ordre en cas d’éventuelle faillite pour récupérer l’ensemble des actifs de l’entreprise ou de la banque en cas de liquidation.
- Relancer la reprise économique par la consommation, les investissements et les exportations. Ce point a été largement commenté dans l'ouvrage "la Nouvelle Dynamique Politique en France", édité chez L'Harmattan. Les principaux marchés économiques restent les Etats-Unis, l'Europe (U.E. , Russie, Turquie) et le continent asiatique (Inde, Chine, Japon, Indonésie) auxquels s'ajoutent les moteurs du marché sud-américain (Brésil, Mexique, Argentine). L'économie mondiale devrait maintenant et pour quelques temps encore "oublier les mathématiques et leurs produits dérivés que sont les marchés boursiers et financiers" et ser tourner vers l'économie réelle assise sur la production réelle de biens et des services. Les plans de relance sont partout : Etats-Unis approchera 1000 milliards de dollars (automobile, construction, désendettement des ménages écrasés à plus de 140% de dettes sur leurs revenus), l'Union Européenne prévoit plus de 250 milliards d'Euros en plus des efforts individuels des Etats membres(construction, automobile, aéronautique, etc.), la Chine prévoit plus de 586 milliards de dollars sur deux ans (infrastructures des travaux publics, construction de logements, assurance-maladie, financement de l'éduction, équipements ferroviaires). A l'intérieur des ces espaces économiques va se développer la Consommation pour résorber les stocks existants, fluidifier l'écoulement congestionné par le réflexe de l'épargne et stimuler la production intérieure. D'autre part, la relance par le soutien au renouvellement des gammes de produits industriels, les infrastructures, les constructions de logements, les équipements ferroviaires, les productions d'énergie constitue un moteur puissant pour les Investissements productifs. Et comme ces espaces économiques ne peuvent pas se suffire pour répondre à leurs immenses besoins et que ces marchés sont ouvert, une partie des besoins nationaux (demande intérieure) seront satisfaits par les offres extérieures (exportations). Le rôle des Etats pour réguler ce redémarrage est fondamental. Mais le rôle des consommateurs et des investisseurs dans leurs arbitrages est aussi capital. D'où la compétitivité par les prix devient un nouvel axe de la compétition mondiale, due à la rareté de l'argent et la contraction du crédit. Les vendeurs (équipements, logements, biens de consommation, etc.) vont devoir revoir leurs coûts de revient et serrer leurs marges pour écouler leurs productions. Nous sommes donc un peu loin des préoccupations de la bourse, qui devra se rapprocher de l'économie réelle. Arbitrer sur la valeur de l'entreprise industrielle sur une place boursière, c'est souvent ignorer de quoi sont faits les produits dont on parle... Peut-être que les marchés boursiers et financiers devraient envoyer leurs experts en stage in situ dans les usines sur des chaînes de montage et des ateliers de fabrication pour saisir la réalité économique. Ils comprendraient mieux ainsi que les mathématiques et leurs produits dérivés fictifs ne constituent pas le socle de l'économie et se garderaient bien à l'avenir de plonger le monde entier dans la débâcle en pousuivant leurs délires de gains financiers exhorbitants détachés de toutes réalités économiques.
Il n’y a donc pas de confusion à entretenir entre une crise boursière à l’origine des difficultés économiques conjoncturelles actuelles et la crise économique qui serait à l’origine de la crise de l’offre ou de la demande. Si les banques jouent leur rôle comme elles s’y sont engagées devant l’Etat et financent l’économie avec les moyens et les garanties qu’elles ont reçues, il n’y a aucune raison que nous entrions dans une crise économique puisque la demande existe même si elle s’est refroidie et contractée suite aux rumeurs de crise et que l’offre est abondante. Tout en accompagnant et en contrôlant la stabilisation des marchés boursiers et financiers qui devrait prendre de un à deux trimestres, il revient maintenant aux Etats de stimuler la demande par le contrôle plus serré du crédit des banques pour éviter des congestions de l'économie et relancer les secteurs stratégiques (Automobile, Energie, Construction et Logements, Productions industrielles, etc.) en garantissant les financements d'investissements et en libérant fiscalement l'épargne pour débloquer la consommation.
Par Emmanuel Nkunzumwami,
Auteur de « La Nouvelle Dynamique Politique en France » Editions L’Harmattan, 2007.