Que faut-il retenir des progrès réalisés par les pays africains depuis les années des indépendances. Les évolutions sont très contrastées. En effet, comme cela est largement exposé dans  la dernière publication d’Emmanuel Nkunzumwami : « La Relance de l’Afrique » (Ed. L’Harmattan, 2017),

les années 1960-2000 auront été des années très difficiles pour le continent africain. Les guerres civiles violentes (guerre de sécession au  Nigeria contre Biafra, au Congo Léopoldville contre le Katanga, Liberia, Sierra Leone, Burundi), les accessions très compliquées à des indépendances, y compris par les guerres meurtrières comme en Algérie, en Angola et au Mozambique ; les coups d’État qui ont déstabilisé les nations telles qu’au Nigeria, Mali, Centrafrique, Ouganda, etc.), jusqu’au crime contre l’Humanité le plus horrible, la guerre civile au Rwanda de 1990 à 1994, se terminant par le génocide en 1994. L’Afrique a connu des reconstructions extrêmement erratiques et très laborieuses. Or nous assumons qu’il ne peut y avoir de développement sans les fondamentaux : 1°) la paix et la sécurité des frontières, des territoires, des populations et des institutions du pays. En effet, un pays en guerres permanentes est un pays en déconstruction progressive et en voie d'extinction. Des populations décimées sont une lourde perte de ressources pour la nation. Des populations en déplacements continuels et en émigrations vers les territoires de paix, ne participent pas au progrès du pays pendant ces mouvements. Une population maintenue dans une insécurité physique et une terreur permanente ne participe pas à la construction économique efficace, car elle vit dans un climat constant de lutte pour la survie. Un pays frappé d’instabilité institutionnelle, par des coups d’État ou des renversements trop fréquents de régimes politiques et des perturbations régulières des institutions, n’attire pas les investisseurs nationaux et internationaux pour relever les défis économiques, et bâtir les fondamentaux du développement. 2°) la sécurité alimentaire, sanitaire, environnementale. La malnutrition ou la sous-alimentation chronique participe à l’accroissement de la mortalité dans le pays. C'est un terreau favorable au développement des pandémies, car les corps affaiblis perdent la capacité immunitaire. La sécurité alimentaire est indispensable à l’équilibre sanitaire et au bien-être de la population dans un pays. Il est totalement incompréhensible qu’un pays entièrement installé dans une géographie de forêt dense, de savane herbeuse, recevant des précipitations régulières, avec des sols richement fertiles, puisse connaître des famines à répétition ou une population soumise à l’aide alimentaire internationale pour plus de 50% des habitants. Ce sont donc tous les peuples africains qu’il convient de mobiliser pour produire leur alimentation, sans attendre les compléments éventuels des gouvernements pour pallier des caprices climatiques. Les coopérations trop lâches à l’intérieur des communautés économiques régionales (CER) ou entre régions africaines, le manque d’infrastructures ou de leur entretien pour la circulation des productions et des marchandises, exposent certains pays à des famines récurrentes en raison des sécheresses excessives et longues pendant que d’autres pays présentent des excédents de productions alimentaires. Ces carences peuvent s’ajouter aux infrastructures médico-sanitaires défaillantes ou insuffisantes qui précarisent la sécurité sanitaire. Et lorsque s’y ajoutent les insuffisances de l’assainissement dans les agglomérations, doublées de « bidonvilles » devenues des lieux de concentration bactérienne et virale, sources des épidémies diverses, et de mouroirs à ciel ouvert dépourvus des conditions élémentaires d’hygiène, certains dirigeants africains entretiennent ainsi toutes les conditions de la régression des humains. Il est grand temps de se ressaisir et de lancer de vrais programmes concrets de développement. 3°) l’éducation scolaire, la formation professionnelle et les capacités de recherche et de développement dans divers domaines, et des innovations dans de nombreux secteurs, y compris administratifs, environnementaux, scientifiques, médicaux, technologiques. Il n’est nul besoin d’expliquer l’importance de l’éducation dans l’émancipation des peuples, l’amélioration des conditions de vie des habitants, l’appropriation des savoirs et des savoir-faire pour développer l’économie industrielle, des services, des innovations et des transactions numériques.
Ces trois piliers fondamentaux sont renforcés par trois autres, tout aussi indispensables : 4°) l’accès à l’énergie. Les sources énergétiques peuvent être thermiques, hydroélectriques, solaires  ou d’autres ressources naturelles renouvelables ou alternatives. L’accès à l’électricité est devenu indispensable pour des civilisations modernes, pour l’accélération ou la consolidation des piliers précédents. En effet, comment développer des centres de santé modernes, avec des installations de la médecine conventionnelle sans électricité. Comment développer les échanges numériques sans énergie pour des réseaux de communication et des équipements terminaux. Comment développer les transports en commun dans des mégalopoles de plus de deux millions d’habitants, si l’on ne peut pas construire des tramways de grande capacité, des trains et des métros. Comment organiser la conservation alimentaire longue, notamment dans des pays chauds, sans résoudre la question de l’énergie. Tous les pays producteurs de pétrole et de gaz détiennent un atout de production de l’énergie thermique. Les pays arides du soleil bénéficient d’une ressource naturelle inépuisable : le soleil. Les technologies des équipements solaires de production d’électricité, ainsi les câbles de transport et les équipements d’amplification se sont développés, avec des rendements énergétiques très élevés. Enfin, l’ensemble des pays des façades océaniques et des régions intertropicales disposent d’importantes chutes d’eaux pour réaliser des barrages de production hydroélectriques à moindres coûts. Tout est disponible en Afrique pour produire, transporter et distribuer l’énergie. L’objectif de 2025 devrait être d’atteindre 80% de population ouverte par l’électricité.  5°) les infrastructures des transports et de communication, comprenant les voies terrestres (routes, autoroutes, chemins de fer), maritimes et aériennes. Les matériels de transport non polluants sont des véhicules électriques (sur lignes électriques ou sur batteries autonomes). Ils sont utilisés pour les transports urbains et interurbains, et requièrent de l’énergie. Mais, pour relier les Pôles économiques régionaux (PER), il faut des infrastructures de liaison inter-territoires. Pour de nombreux pays étendus et peuplés sur une grande partie du territoire national au sein du continent africain (République démocratique du Congo, Soudan, Afrique du Sud, Tanzanie, Mali, Algérie, etc.), les infrastructures variées de transports et adaptées deviennent vitales pour le développement économique et social, ainsi que la constitution des « Pôles économiques régionaux » autonomes. Enfin, 6°) l’industrialisation et les transformations industrielles des ressources naturelles de l’Afrique en Afrique. L’on sait que ce pilier requiert les savoirs et les savoir-faire solides. Mais, il se construit en auto-alimentation : ce sont les exigences de la transformation des ressources intérieures du continent qui entraînent l’ambition de maîtriser les chaînes industrielles de traitement, et ce sont ces pratiques industrielles qui alimentent les formations et les savoir-faire pour les améliorer, les adapter et mieux les exploiter pour l’intérêt des nations et des peuples africains. Mieux encore, les coopérations et les partenariats internationaux puisent leurs performances dans les savoir-faire locaux. Ceux-ci participent au développement économique qui élève les niveaux de revenus des populations locales. Plusieurs voies sont offertes aux Africains : les partenariats industriels pour apprendre les fondamentaux de l’industrialisation et produire les biens d’équipements en Afrique (Aciers, automobile, agroalimentaire, raffineries de pétrole, oléoducs et gazoducs, etc.). Les fonderies industrielles et l’intégration verticale pour produire des matériaux de construction (bâtiments, travaux publics, mécanique, etc.). Les usines autonomes de transformations agricoles, agroalimentaires, chimiques, textiles et pharmaceutiques. Les partenariats avec les puissances industrielles extérieures devraient aboutir à la création et au développement des productions africaines, en vue de maîtriser les ressources et leurs transformations, accroître les savoir-faire et l’appropriation des technologies industrielles, et développer de l’emploi et le revenu pour les jeunes africains sur le continent. Ces piliers sont indispensables à la construction du développement économique et social, et à la lutte contre toutes les misères, les guerres et la désespérance des populations en Afrique. Les ressources du continent : agricoles, forestières, minières, pétrolières, gazières et humaines... sont recensées pays par pays, dans cet ouvrage. Le Partenariat Europe-Afrique dans la mondialisation.

      Le temps des quarante années de la traversée du désert politique, entre 1960 et 2000, aura été très douloureux dans de nombreux pays africains. Les analyses comparatives africaines ont donc eu lieu à compter des années 2000 jusqu’en 2016. C’est le temps de préparation de la Relance de l’Afrique. Que pouvons-nous tirer de cette période pour chacun des pays africains. L’Union africaine compte 54 pays, totalisant globalement 1,208 milliard d’habitants sur une superficie totale de 30,18 millions de km². Cependant, le continent compte de nombreux pays sous-peuplés, avec moins de cinq millions d’habitants, l’équivalent de nombreuses métropoles urbaines dans le monde. Aussi, nous retenons les trente-huit pays de plus de cinq millions d’habitants, soit 70% de l’ensemble des pays africains. Ces trente-huit pays totalisent 1.179 millions d’habitants (soit 98% de la population du continent africain) sur une étendue de 27.21 millions de km² (soit 90% de la superficie des terres de l’Afrique). Notre étude se poursuit sur ces populations importantes du continent.

     En Afrique Centrale, nous nous intéressons plus particulièrement à quatre grands pays : le Congo, la République démocratique du Congo, le Tchad et la République Centrafricaine. Cette dernière est la plus frappée par la contre-performance. La progression économique de 1% est trop faible face à l’évolution démographique de 2,4% en 2014. Mais, le pays ayant sombré dans le chaos et la guerre civile depuis mars 2013, les données des indicateurs économiques et sociodémographiques ne deviennent que des approximations depuis 2014. Néanmoins, l’effondrement de l’économie a suivi celui des institutions politiques. Aussi, l’indice de fécondité de 4,5 enfants par femme restitue les données de 2013, de même que le taux de mortalité de 9,5%, qui reste le record le plus élevé de tous les grands pays de l’Afrique. La guerre civile et les difficultés de reconstruction de ce vaste pays de 622.984 km² (plus étendu que la France métropolitaine) pour 5,3 millions d’habitants environ, ne facilitent pas le recueil des données fiables. En 2011, le taux d’alphabétisation était de 57% ; il a dû s’effondrer depuis que le chaos s’est installé dans le pays. D’autant que le faible taux de scolarisation de 71% dans le primaire ne peut améliorer significativement l’analphabétisme dans ce pays. Ce taux s’effondre à 28% de jeunes dans la poursuite de la scolarité dans le second cycle du second degré. Et comme l’éducation est un des piliers fondamentaux du développement, la Centrafrique en est encore très loin. C’est le pays le plus fragile de l’Afrique centrale. L’on retrouve le Tchad proche de la Centrafrique, mais il s’en détache par une relance de la croissance à 7%, même si la démographie poursuit une évolution de 3,5% par an. Cette pression est la conséquence d’un indice de fécondité très élevé de 7 enfants par femme, qui se répercute sur la mortalité infantile de 8,8% alors que le pays n’est pas en situation de guerre civile comme la Centrafrique voisine. Ces deux indicateurs sont corrélés avec le plus faible niveau d’alphabétisation de 35%. Le rattrapage par l’éducation des jeunes prendra du temps : la scolarisation primaire ne reçoit que 79% des enfants, et elle tombe à 44% dans le second cycle du second degré. Plus de la moitié des jeunes n’a donc même pas le niveau complet du second degré. Mais, la situation du Tchad est comparable à celle de la République démocratique du Congo. Il faudrait alors appliquer le même traitement à ces deux pays. Mais, la croissance de ce dernier pays est meilleure, avec 9% en 2016. Contrairement à la Centrafrique et au Tchad, les données statistiques de la République démocratique du Congo sont plus récentes (2016) et en très nette progression. L’indice de fécondité reste très élevé à 6,5 enfants par femme, et il se répercute dans une forte mortalité infantile de 8,9%. C’est donc tout le dispositif qu’il faudrait revoir, de l’alimentation infantile, l’information aux parents et au suivi médico-sanitaire dans le pays. Ce dispositif est accessible grâce à un niveau d’alphabétisation de 64% en 2015 et une progression sensible du niveau de scolarisation pour 83% des enfants dans le primaire et 74% de jeunes dans le premier cycle du second degré. Le Tchad et la RDC ont retrouvé un haut niveau de croissance qu’il faudrait traduire en niveau de développement pour améliorer l’éducation, combattre la mortalité infantile de 8,8% et 8,9% à la source multidimensionnelle dans les deux pays. Enfin, le Congo rencontre le déséquilibre entre une forte croissance démographique de 3,7% contre une évolution atone de 2,6% pour son économie, due notamment au défaut d’anticipation de la diversification des activités et des ressources, ainsi que la mauvaise gestion des revenus du pétrole. Néanmoins, une fécondité de 4,7 enfants par femme en 2015 et une baisse de la mortalité infantile à 5,6%, certes très supérieure à une cible de 1% proposée pour les pays africains en 2025, pourraient alléger des efforts, à condition de se doter des stratégie de restauration de la croissance économique se traduisant par du développement réel. Avec une population plus allégée que son voisin de la République démocratique du Congo (RDC), il devrait poursuivre les efforts d’alphabétisation au-delà de 81% et renforcer l’éducation pour atteindre 99% de scolarisation primaire et dans le second degré. Avec une étendue de 341.821 km² pour à peine 5 millions, en plein cœur de la végétation et des terres généreuses de l’Afrique centrale, une bonne gouvernance économique et politique devrait conduire le pays au développement. De même, une stabilité politique et institutionnelle en République démocratique du Congo, accompagnée d’une restauration de la paix et la sécurité sur l’ensemble du territoire, est un préalable indispensable à la construction des piliers du développement économique et social solide et durable. Aussi, la Centrafrique et le Tchad restent les pays dont les indicateurs économiques et sociodémographiques révèlent des situations très fragiles. Pour la République démocratique du Congo, les efforts devraient être exercés sur la réduction de la fécondité pour l’adapter aux capacités réelles du pays, et la répercuter sur la baisse indispensable de la mortalité infantile. Et pour bâtir le développement, le pilier de la paix et la sécurité intérieures est incontournable, dans ce pays comme en République du Congo.

Conclusion

Il apparaît que les indicateurs sociodémographiques des grands pays de l’Afrique Occidentale sont dégradés en général. Si trois pays, le Niger, le Mali et la Guinée, se distinguent par des contre-performances indiquées, et apparaissent comment les pays ayant accusé beaucoup de retard. Le Burkina Faso n’est pas très éloigné de ces trois pays. La Côte d’Ivoire, le Sénégal et le Bénin présentent également des faiblesses qui freinent leur émergence. Tous ces sept grands pays de l’Afrique Occidentale entretiennent des taux d’alphabétisation inférieurs à 60%. Dans les quatre grands pays de l’Afrique Centrale, ce niveau d’alphabétisation se retrouve au Tchad (35%) et en Centrafrique (57%). Ils devront les relever par des efforts importants et constants dans la scolarisation des enfants, et donc dans la réduction des indices de fécondité, pour adapter celle-ci à leurs capacités à prendre en charge 99% d’enfants dans le primaire, et au moins 90% des enfants dans le second degré, avec plusieurs filières adaptées aux potentiels des jeunes et aux besoins des pays. Enfin, l’avenir de la jeunesse est contenu dans la réussite de l’offre d’une alimentation suffisante, de l’encadrement sanitaire, médical et scolaire, des formations professionnelles performantes en vue des emplois dans les pays, afin de lutter contre la désespérance, le désœuvrement devenu l’antichambre de la délinquance et des violences, et les tentations de l’émigration et des drames que l’on connaît en Méditerranée. Il ne pourra y avoir de développement économique et social, si les fondamentaux indiqués dans l’introduction de cette publication sont défaillants dans les pays. La bonne gouvernance politique pour lutter contre la délinquance économique et politique, ainsi que pour la redistribution économique en vue de combattre la pauvreté et de profondes inégalités sociales, devraient constituer des modes de fonctionnement régulier des nations.

Emmanuel Nkunzumwami
Analyste économique et politique
Écrivain - Essayiste
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LES ÉVOLUTIONS COMPARÉES EN AFRIQUE OCCIDENTALE ET EN AFRIQUE CENTRALE
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