En ce mois de mai 2020, de nombreux pays, dont les peuples sont relativement fatigués du confinement, s’organisent ou se projettent dans le "déconfinement". Les raisons sont multiples, mais les enjeux dépassent également les décisions de tel ou tel pays. La globalisation des échanges entre les nations est devenue aussi celle de la pandémie du covid-19.

     Sur le plan sanitaire, les situations variées appellent des analyses spécifiques à chaque cas. Néanmoins, les points communs se rejoignent. Pendant plus de cinquante jours de confinement, les malades souffrant des pathologies lourdes ont été priés d’attendre la libération des lits d’hôpitaux réquisitionnés pour recevoir les malades du covid-19. Les fortes tensions dans la réanimation, le suivi attentif des malades de ce virus, les soins particuliers que requièrent l’attention contre la contamination au covid-19 et le cas particulier de chaque patient dans les hôpitaux, les urgences à traiter rapidement les malades de plus en plus nombreux, tous ces bouleversements n’étaient pas compatibles avec la médecine régulière et le temps habituellement consacré aux malades de longue durée. Suivis par leurs médecins traitants qui se partagent entre les hôpitaux pour participer à la lutte contre le covid-19 et la pratique en cabinet, certains ont pu connaître la détérioration de leurs conditions de santé. Ce sont des personnes fragiles qui sont en première ligne pour contracter le virus du covid-19 s’ils sortent du confinement. Ensuite, confinés pendant une très longue période, nos corps ont été mis à l’abri des agressions virales et bactériennes habituelles. Ils n’ont donc pas lutté avec nos anticorps. Serons-nous tous capables de vaincre le covid-19 en sortant de notre « cachette » du confinement ? Enfin, la propagation qui produit de nouveaux cas testés positifs au coronavirus se poursuit. En cette première semaine de mai 2020, de nombreux pays ont connu le regain de progression des contaminations sans que les capacités de traitement ne s’améliorent. Il se pose une question cruciale aux dirigeants : faut-il « déconfiner » toute la population et en même temps, dans l’incertitude de la propagation des contaminations du virus et ses conséquences sur la maladie, en plus du regain de la mortalité ? Doit-on se réserver la possibilité de « reconfiner » tout ou partie du pays si la mortalité brutale reprend ? Comment s’assurer que tous les habitants ont facilement et rapidement accès aux masques efficaces, au gel ou la solution hydroalcoolique, aux soins en cas de besoins ? Comment organiser partout la circulation des personnes en respectant les distances minimales de distanciation physique ?

     Sur le plan économique, l’outil de production non stratégique pour les nations et les activités régulières d’accroissement de la richesse nationale ont été mis à l’arrêt. Certaines entreprises ne pourront pas se relever des faillites par défaut de clients, d’autres devront vivre  à la limite de flottaison pendant plusieurs mois, voire quelques années, et enfin d’autres devront se délester d’une partie de leurs personnels. Le chômage total ou partiel ne pourra pas longtemps rester à la charge des budgets publics, car ceux-ci ont aussi besoin d’être régulièrement alimentés par les actifs, par la consommation, les cotisations, la part des impôts et taxes, et les investissements privés. Mais, comme l’activité a été longtemps à l’arrêt et que de nombreux acteurs économiques ne retrouveront ni le travail, ni le revenu pour leur part de contribution au budget de la nation, celui-ci sera en souffrance. Ou plus exactement, les États devront emprunter pour faire face à la demande sociale. Mais, qui dit emprunter, dit également alourdir la dette publique et la charge des intérêts, et donc la demande à des citoyens pour participer au remboursement de cette dette. Mais que faire si les revenus des citoyens diminuent ? Faire payer les plus riches pour régler la facture de la péréquation de l’intervention sociale publique et le fonctionnement régulier de l’État, tout en maintenant l’investissement public et les interventions régulières pour soutenir l’activité économique en difficulté ? En effet, la France, comme de nombreux pays industrialisés, va affronter la panne sévère de plusieurs moteurs de l'économie. Cela est vrai pour tous les pays qui auront fait le choix du confinement total de plusieurs semaines.

     Sur le plan politique enfin, comment les finances publiques devenues exsangues pourront-elles cohabiter avec l’ambition d’assainir la gestion publique ? Qui va se serrer la ceinture ? Ne devrait-on pas revoir les institutions et élaguer les fonctions non indispensables au bon fonctionnement de la nation ? La France a-t-elle besoin de plus de 30 ministres, avec plusieurs dizaines de membres dans chaque cabinet ministériel ? Le Parlement de 925 membres pour 67 millions d’habitants n’est-il pas pléthorique quand on sait que les collectivités locales ont également leurs parlements : les conseillers communaux et communautaires pour les communes, les conseillers départementaux et les conseillers régionaux ? L’on peut même remettre en cause le coût de la représentativité du Parlement européen, dès lors que tous les pays membres de l’Union européenne paient un lourd tribut dans la mortalité au covid-19 et la chute des économies liée au confinement. LUnion européenne peut-elle survivre en létat aux égoïsmes nationaux observés pendant la crise sanitaire ? Les nationalismes et le populisme ne vont-ils pas se réveiller ?  Les règlements de comptes politiques ne vont-ils pas polluer le débat démocratique et la recherche sereine des responsabilités dans les dysfonctionnements constatés au cours de cette inédite crise sanitaire ?  Le coût politique du covid-19 en Europe et dans les grandes démocraties éprouvées se mesurera aux résultats des prochaines élections et imposera des choix aux dirigeants. Il y aura des remaniements ministériels dans les pays où la gestion de la crise sanitaire n’a pas été exemplaire. Mais, ce sera souvent tout le fonctionnement de la chaîne de décision et la levée des zones d’ombre qu’il faudra revisiter. Les risques politiques peuvent très rapidement bouleverser les paysages nationaux.

     A la veille du déconfinement en France, en Espagne, en Australie et en Italie, l’accélération en Allemagne et en Autriche, des interrogations fortes en Belgique, et l’accroissement des manifestations anti-confinement aux États-Unis, comment se portent les indicateurs que nous suivons depuis le milieu du mois de mars, et calculés tous les trois jours. Il s’agit de la progression des contaminations, la dynamique des guérisons et l’évolution de mortalité. Nous présentons aux lecteurs des graphiques et des tableaux de résultats. Les tableaux ont été enrichis de deux autres indicateurs de relativisation de l’impact de la pandémie par rapport à la population. Il s’agit du taux des guérisons par rapport aux contaminations (guérisons x100/contaminations) et de la mortalité ramenée à un million d’habitants de chaque pays en 2020.

Le tableaux suivants indiquent des situations toujours très variées et en pleine évolution selon les pays, mais une forte concentration de la mortalité se retrouve principalement dans les pays occidentaux.

Tableau des 50 pays du Panel100 dont le nombre de morts est très supérieur à 120 au 6 mai 2020. Dans ces pays, on trouve vingt-deux pays dont le nombre de décès est supérieur à 1000, parmi lesquels douze pays affichent plus de 100 décès pour un million dhabitants. Dans ces derniers pays, la Belgique plafonne à 720 décès pour un million dhabitants, lEspagne connaît 553 décès, lItalie affiche 491, le Royaume-Uni compte 443 et la France est à 385, alors que lAllemagne enregistre 87 et lAutriche en signale 68, au sein de la même Union européenne. Les États-Unis affichent le plus grand nombre de 74.102 morts du covid-19, mais cela représente 224 décès pour un million dhabitants. Quant au taux de guérisons, la Suisse, lAutriche, lAllemagne et la Corée du Sud atteignent plus 82% de ce taux, alors que la France (31%), lItalie (43%) et la Belgique (25%) natteignent même pas 50% de taux de guérison. Le tableau pourrait, à quelques égards, servir de comparatif des politiques publiques vis-à-vis de la lutte contre la propagation du coronavirus covid-19.

Tableau des 50 pays du Panel100 dont le nombre de morts reste bien inférieur à 120 au 6 mai 2020. Un seul pays de ce panel100 atteint 157 morts pour un million dhabitants dans cette partie de ce panel, cest le petit pays du Duché du Luxembourg (625.980 habitants). Le Rwanda connaît une progression des contaminations (271 au 7 mai 2020), mais enregistre dimportants efforts malgré sa forte densité de peuplement et ses ressources très limitées pour soigner les malades. Il na pas encore enregistré de décès du covid-19 sur son territoire.

Les autres pays africains connaissent également une forte progression du coronavirus covid-19 avec des situations variées de succès dans la bataille contre cette pandémie. LAfrique du Nord connaît la dureté de la pandémie comme les pays européens : lAlgérie (23.214 cas positifs testés, 544 décès et seulement 27% de guérisons), le Maroc (5.408 cas positifs, 183 décès et seulement 37% de guérisons). L’Égypte (4.997 cas positifs, 476 décès derrière lAlgérie) enregistre un taux de guérisons de 44% alors que lAfrique du Sud, avec 147 décès présente un succès de 52% de taux de guérisons. LAfrique subsaharienne pourrait détenir ses propres solutions de lutte efficace contre le covid-19.

L'Afrique subsaharienne connaît une mortalité relative encore faible de moins de 10 décès pour un million d'habitants, à lexception des îles Sao Tome et Principe, un pays très pauvre de 219.150 habitants (léquivalent dune petite ville) qui a déjà enregistré trois décès, et le département français de Mayotte où la pandémie est en forte progression avec une mortalité élevée relativement à sa modeste population de 272.815 habitants. La Réunion et Mayotte sont des départements français dans lOcéan Indien, mais proches de Madagascar et des Comores en Afrique, avec lesquels ils échangent. Enfin, ces îles pourraient bénéficier du traitement développé par Madagascar sur la base de lartemisia (si la France le valide).
La santé des populations prime sur les jeux politiques et les luttes de pouvoir dans la métropole et au sein des communautés locales. Pour comprendre les enjeux en Afrique, nous proposons cette lecture :

Les graphiques suivant éclairent sur les résultats atteints selon les politiques choisies par les dirigeants dans la lutte contre la propagation du coronavirus. Dun côté : la France, lItalie, lEspagne et la Belgique. De lautre : lAllemagne, lAutriche et la Suisse.

Sur ces graphiques, on constate que le 3 mai 2020, lévolution des décès était supérieure à celle des contaminations et celle des guérisons en France. Cest un élément singulier français. Aujourdhui, les contaminations dominent les guérisons, même si la mortalité baisse tendanciellement. La situation demeure donc instable. En Italie et en Espagne, les débuts jusquau 25 avril 2020 ont été très laborieux, avec les progressions des contaminations plus fortes que celles des guérisons. Depuis cette date, les évolutions prennent la bonne direction des fortes guérisons par rapport aux contaminations, et donc le résultat se répercute sur la diminution globale de la mortalité. En Belgique, les contaminations diminuent, mais les guérisons ont très largement faibli. En conséquence, la chute des guérisons se répercute sur la hausse de la mortalité, telle que lon peut lobserver au soir du 6 mai 2020. La situation nest donc pas encore maîtrisée. Dans ces quatre pays, les autorités devront rester extrêmement prudentes pendant le déconfinement progressif qui pourrait relancer de fortes progressions des contaminations, sans moyens conséquents de traitement de masse pour accroître les guérisons. Ils pourraient alors retrouver la montée brutale de la maladie, les tensions dans les lits de réanimations à lhôpital et la reprise de la forte mortalité.

Dans ces trois pays, dès les début davril 2020, la stratégie aura été de combattre la progression du virus en réduisant sa propagation, et daccroître les efforts de traitement des malades. Aussi, la mortalité a été relativement maitrisée, comme lon peut le voir également sur le tableau des résultats au 6 mai 2020. Il reste néanmoins encore un important stock de malades dont il conviendra de suivre léventuelle progression de la maladie en Allemagne, notamment après le confinement total quil serait souhaitable de repousser dans le temps.

     Trois pays vivent des situations singulières, et qui requièrent une attention des lecteurs. Ce sont les puissances rivales de lEurope et de la Chine dans le monde : les États-Unis, la Russie et la Turquie. Le virus s’y est durement installé après les pays dEurope Occidentale. Les progressions des contaminations et des guérisons résultent des choix politiques des dirigeants qui pouvaient bénéficier des expériences vécues dans les pays qui les ont précédés dans la lutte et la gestion de cette violente pandémie.

Après une lutte contre la progression des contaminations jusquau 24 avril, la Turquie a réussi linversion entre les contaminations et les guérisons. Les efforts semblent porter de bons résultats, car le pays maintient la maîtrise de la mortalité par des efforts dans les guérisons des personnes contaminées. Les États-Unis ont commencé à sattaquer tardivement à la propagation du virus ; la mortalité reste alors très fluctuante, mais elle est très importante. La Russie connaît réellement le virus au début du mois davril, alors que la France, lAllemagne, la Suisse, lItalie et lEspagne étaient déjà en période de confinement total. Les fortes progressions des contaminations vont continuer de nourrir celle de la mortalité, à moins de capitaliser très rapidement sur le traitement efficace des malades et le confinement pour ralentir la propagation du virus. Dans tous les pays frappés par la pandémie du covid-19, c’est le choix politique qui détermine la suite pour affronter et réussir le défi sanitaire, économique et politique.

La vie et la santé sont nos capitaux les plus précieux et non négociables, pour nous, pour tous nos proches et pour tous ceux que nous portons dans nos cœurs. Protégeons-les !

Emmanuel Nkunzumwami
Écrivain - Essayiste
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