Depuis le début de notre décennie 2021-2030, nous assistons à des transformations rapides en Afrique. Les différents coups d’Etat enregistrés au Mali, au Burkina Faso, en Guinée, au Tchad, au Niger ou encore au Gabon ne sont que des traductions du réveil de l’Afrique, de la pression des jeunes générations, de la quête de sens dans un mode de plus en plus complexe et de la défense de dignité des Africains sur l’échiquier international. Ce mouvement s’accompagne, à juste titre, de la prise de conscience que les Africains détiennent des richesses naturelles les plus variées, les plus abondantes du monde, et la richesse humaine de sa jeunesse mobilisable rapidement pour atteindre le développement souhaité et très attendu. L’Afrique du Nord a beaucoup progressé sur plusieurs piliers du développement économique au cours des deux dernières décennies. Désormais, l’Afrique subsaharienne doit choisir entre la stagnation et le recul qui en résulte dans un monde en plein mouvement, d’une part, et la bataille décisive pour le développement économique et le progrès social qui en découle, d’autre part, au cours de la présente décennie et de la suivante 2031-2040. Et pour progresser, la première des conquêtes sera la paix et la sécurité sur l’ensemble des territoires.

     I.  Qui assure la sécurité des Etats, des institutions, des peuples et des investissements des Africains en Afrique ?

Pour répondre à cette question, commençons par nous interroger sur la géographie de l’Afrique subsaharienne. Le découpage des États hérité de la volonté des colonisateurs d’atomiser les nations pour mieux les contrôler, et le cas échéant opposer les régions, les appartenances religieuses ou ethno-tribales a constitué le principal frein à la construction des identités nationales post-indépendances. Cette bombe à retardement s’est réveillée dès le milieu des années 1960’s avec la guerre entre le Biafra et le Nigeria. Cette guerre a déjà été décrite dans une publication sur www.nouvelle-dynamique.org, mais les conséquences ont contaminé le Nigeria et les pays voisins. Ce fut d’abord et avant tout une guerre des compagnies pétrolières occidentales pour s’approprier le pétrole du Golfe du Biafra dans le sud-est du Nigeria : les Africains sont alors manipulés, payés, entraînés, équipés et engagés dans la guerre pour s’entretuer : plus d’un million de morts et plus de cent mille combattants tués, avec tout le cortège des famines et des épidémies dans le pays. Le peuple de ce grand pays d’Afrique, le plus peuplé, continue de s’entredéchirer autour des concepts fumeux de l’islamisme radical entretenu par les puissances extérieures derrière des terroristes criminels de Boko Haram. A croire que les Africains se veulent plus musulmans et plus orthodoxes que les Arabo-musulmans qui introduit l’Islam en Afrique par la conquête armée des moines soldats arabes et l’esclavage. Depuis la guerre entre le Biafra, territoires des Igbo, des Em et des Ibibio, principalement chrétiens et le Nigeria du nord, supposé majoritairement musulman, d’autres conflits émaillent le continent. Le Cameroun connaît son éternel conflit des territoires anglophones de l’ouest, à la frontière avec le Nigeria, contre le reste du pays. Cela résulte de la colonisation pendant laquelle l’ouest de ce pays était occupé par les Allemands qui ont dû céder ces terres aux vainqueurs de la 1ère Guerre mondiale, aux termes des résolutions du Congrès de Versailles bannissant l’Allemagne de la colonisation. L’ouest du Cameroun est alors passé sous protectorat britannique. Aussi le Cameroun post-indépendance hérite de ces divisions décidées à Versailles en 1919, près de Paris. Aucun représentant de l’Afrique n’y était convié.

Pour faciliter la compréhension des situations et la visualisation des différentes régions du continent africain, nous proposons la carte suivante présentant les 54 Etats :

Afrique Occidentale : Sénégal, Gambie, Cap Vert, Liberia, Sierra Leone, Guinée Conakry, Guinée Bissau, Togo, Ghana, Côte d'Ivoire, Mali, Burkina Faso, Niger, Nigeria, Bénin ; soit quinze pays.

Afrique du Nord à dominante Arabo-musulmane : Mauritanie, Maroc, Algérie, Tunisie, Libye, Egypte, Soudan ; soit sept pays.

Afrique Orientale : Djibouti, Ethiopie, Erythrée, Somalie, Soudan Sud, Ouganda, Kenya, Tanzanie, Rwanda, Burundi, Îles Seychelles ; soit onze pays.

Afrique Centrale : République démocratique du Congo, Congo, Gabon, Guinée Equatoriale, Sao Tome et Principe, Cameroun, Tchad, République Centrafricaine ; soit huit pays

Afrique Australe : Angola, Zimbabwe, Zambie, Malawi, Mozambique, Îles Comores, Madagascar, Maurice, Afrique du Sud, Botswana, Namibie, Lesotho, Eswatini ; soit treize pays.

En Afrique de l’Ouest, les tentatives de création d’un ensemble couvrant les anciens empires du Ghana et du Mali, du Sénégal au Niger actuels, et portées par les grandes figures telles que Modibo Keita et Kwame Nkrumah ont rencontré de fortes résistances appuyées par les anciens colonisateurs, et principalement la France. Aujourd’hui encore, le Mali, étendu sur 1,24 million de km², peine à recouvrer la sécurité pour l’ensemble d’une population d’environ 22,360 millions d’habitants de son territoire. Qui a longtemps entretenu la terreur dans le nord du Mali avec des groupes présumés djihadistes ? Qui a décidé de séparer la province autour de Kidal du reste du Mali pour y former et entretenir des groupes rebelles à dessein en vue de déstabiliser tout le Sahel ? Aujourd’hui, les FAMA (Forces Armées Maliennes) se battent de toute leur énergie pour reconquérir définitivement et durablement ces territoires, et asseoir la paix et la sécurité sur l’ensemble du Mali. Ces efforts seront rejoints par ceux du Burkina Faso et du Niger, avec le concours des pays amis, pour enfin restaurer la paix durable sur l’ensemble des territoires du Sahel. Les puissances extérieures entretiennent des rivalités sur la base des antagonismes présumées ethniques et régionales sous le nom générique de « terrorisme au Sahel ». Mais, les nouveaux dirigeants des pays de cette partie de l’Afrique Occidentale sont déterminés à restaurer la paix, sans laquelle aucune avancée vers le développement économique et social ne sera possible. Dans un pays majoritairement musulman, les forces du mal parviennent à opposer les musulmans contre d’autres musulmans dans le même pays ; et quand cela ne fonctionne pas, on recherche les oppositions ethniques, tribales ou encore des Touaregs contre les Noirs. Mais, comment, qui finance, entraîne et renseigne ces groupuscules de combattants manipulés à dessein ? Les opérations menées par la France et ses partenaires européens sous les noms de Serval, puis Barkhane et enfin Takuba se sont relayées depuis le début de l’année 2012 jusqu’à la fin de 2022, sans résultat tangible. L’opération onusienne MINUSMA complétait le dispositif français jusqu’à l’automne 2023 ; mais, aucun progrès significatif vers la paix et la sécurité des populations civiles maliennes n’a été réellement enregistré. Pire encore, parti du nord du Mali, le terrorisme présumé islamique s’est répandu dans les pays voisins au Burkina Faso et au Niger : ces pays partagent une frontière commune, devenu le pivot central du terrorisme au Sahel. Mais, puisque tous les intervenants onusiens et internationaux le savent, qu’ont-ils fait pour alléger la souffrance des populations de ces trois pays pendant plus de dix ans ? Les Africains s’interrogent.

En Afrique Centrale, outre le Cameroun déjà cité, sous le règne ininterrompu de près de quarante années du président Paul Biya, la République du Congo est dirigée de main de fer par Denis Sassou Nguesso depuis 1979, avec un intermède d’un mandat de cinq ans, assuré par feu Pascal Lissouba (1992-1997), qui s’est achevé par une atroce guerre civile ayant ramené son prédécesseur au pouvoir. Comme dans la guerre Biafra-Nigeria, les concessions de l’exploitation du pétrole auront été au centre de cette guerre civile, arbitrée par les puissances occidentales bénéficiaires de ces concessions. Depuis lors, l’insécurité devient récurrente à chaque échéance électorale. Les rivalités politiques ont contaminé les divisions ethniques. En République Centrafricaine, il a fallu couper le cordon ombilical entre ce pays et la France pour une paix relative. Après des épisodes troubles depuis lindépendance de ce pays en 1960, lon a assisté à des alternances entre élections et coups dEtat. Le summum est atteint lorsque Jean-Bedel Bokassa, de capitaine de larmée française à maréchal de Centrafrique et autoproclamé président à vie, se fait couronné empereur Bokassa Ier avec laide bienveillante du président Giscard dEstaing. Déposée en 1979, les crises se succèdent, entre élections et coups dEtat, jusqu’en mars 2013 quand un homme sort de nulle part, entouré des bandes armées Seleka, et s’empare du pouvoir contre François Bozizé. Lopération française Sangaris, décidée par le président François Hollande et atteignant jusquà plus de 2500 hommes dans cet immense territoire de 623.000km² pour une population estimée à environ 6,10 millions dhabitants en 2023, na pas réussi à rétablir la paix dans le pays. Désormais, ce sont les troupes russes et africaines, dont la puissante armée rwandaise, qui assurent la paix dans cet immense pays aussi étendu que la France continentale et les terres des outre-mer réunies. Pour ce faire, la MINUSCA (une force onusienne de sécurisation et de maintien de la paix en Centrafrique) intègre 2.000 hommes du contingent rwandais dans ses troupes, alors que 1.200 autres des Forces Spéciales Rwandaises opèrent dans ce pays dans le cadre des accords bilatéraux de sécurité. Et c’est sûrement dans cette direction que vont se diriger de nombreux Etats africains pour bâtir leur système de défense et de sécurité durable : les forces armées centrafricaines sont formées, entraînées et encadrées par les forces du Rwanda Defense Forces (RDF).

Dans l’est du continent africain, les armes se sont tues entre l’Érythrée et l’Éthiopie après vingt-cinq années de confrontation armée, qui ont débouché sur la séparation entre ces deux pays et la création d’un Etat souverain de l’Érythrée. Aujourd’hui, c’est l’Éthiopie qui fait face à des rebellions imprimant une guerre civile sans fin. Qui pourra garantir la paix sur l’ensemble de cet immense pays de 1,112 million de km² pour une population de plus de 120,5 millions d’habitants ? Manifestement, le jeune Premier ministre, doté d’un prestigieux Prix Nobel de la Paix à peine installé au pouvoir, peine à y parvenir. C’est en grande partie cette insécurité permanente de l’Éthiopie, eu regard à son étendue et sa démographie, qui lui ferme la porte d’accès à l’East African Community (EAC). La paix totale est également devenue un rêve en Somalie où l’Islam est devenu un prétexte savamment orchestré avec les shebbab pour diviser la population, et pour entretenir les conflits armés avec les financements bienveillants des pétromonarchies du Moyen-Orient. Comment ces Africains ne comprennent-ils pas les manipulations organisées en vue de les pousser à s’entretuer comme des bêtes sauvages lâchées dans une fosse pour le plaisir des spectateurs ? Savent-ils qu’il s’agit d’innombrables vies humaines sacrifiées pour rien ? Le Soudan du Sud a combattu le pouvoir oppresseur du Soudan du Nord arabo-musulman pendant plus de trois décennies jusqu’à la sécession et l’accès à l’indépendance de ce nouveau pays. Néanmoins, les conflits armés se sont poursuivis au sein même du Soudan du Sud pour la prise du pouvoir. Cependant, la proximité directe, la taille et la démographie du Soudan du Sud (10,90 millions d’habitants dont plus de 7,0 millions sont menacés d’insécurité alimentaire aigüe) et de la Somalie (637.657 km² pour 17,20 millions d’habitants dont 8,25 millions sont plongés dans une insécurité alimentaire permanente), permettent une prise en charge active de ces pays par l’East African Community (EAC) pour les intégrer au sein de la Communauté et coordonner des actions de la sécurité globale de leurs populations. Bien entendu, les contributions de l’ONU et de ses agences spécialisées assurent les opérations quotidiennes. Quant au Soudan, resté dans le Nord arabo-musulman au sud de l’Égypte, les rivalités entre deux généraux, Abdel Fattah al-Burhane et Mohamed Hamdan Daglo, qui se disputent le pouvoir ont plongé le pays dans une autre guerre civile : les vies humaines, les ponts et les infrastructures de communication autour de la capitale Khartoum sont détruites. A l’issue de ce conflit, le pays aura replongé dans les difficultés d’accès au développement. La paix dans l’ensemble du pays et la sécurité des populations sont les préalables au progrès.

La République Démocratique du Congo (RDC) a adhéré à l’East African Community, emmenant également ses problèmes d’insécurité des populations dans les provinces orientales du Kivu Nord et Kivu Sud. Nous avons déjà évoqué la situation sur www.nouvelle-dynamique.org. Ce pays est un immense territoire étendu sur 2,345 millions de km² avec une population estimée à 102 millions d’habitants en 2023, dont 6,7 millions sont gravement menacés d’insécurité alimentaire dans les seules provinces orientales des deux Kivu, en raison notamment de violents confits armés récurrents. Mais, les Forces armées de la RDC (FARDC), avec l’appui de la mission onusienne de la MINUSCO, ne parviennent pas à assurer la sécurité des populations de ces provinces. Au sein de la galaxie des groupes armés opérant dans ces provinces, les forces combattantes du M23 ont décidé de faire face à l’incapacité des FARDC à assurer la paix dans cette région et la sécurité des populations, dont une partie est persécutée en raison de sa langue kinyarwanda héritée de ses ancêtres installés sur ces terres bien avant la brève période de colonisation allemande de la fin du XIXème siècle au Rwanda.

En Afrique Australe, c’est principalement le Mozambique qui a été secoué par le terrorisme islamique, et qui a bénéficié de l’intervention de l’Armée Rwandaise (RDF-Rwanda Defense Forces) pour parvenir à recouvrer l’intégralité de son territoire. Aujourd'hui, la paix et la sécurité de la grande région de Cabo Delgado sont assurées par les troupes de l’Armée Rwandaise. C’est une véritable invitation adressée aux dirigeants des différents Etats africains qu’ils se réveillent pour assurer la paix et la sécurité dans leurs pays respectifs, ou le cas échéant, mettre en commun leurs ressources pour y parvenir.

Aujourd’hui, les Africains ont parfaitement compris que la sécurité de leurs territoires, des populations, de leurs institutions et des investissements de développement dans leurs pays relèvent de leurs pleines responsabilités. C’est le premier des piliers du développement économique et social d’une nation. Ils constatent que les interventions coordonnées des forces régionales sont parfois laborieuses, quand elles ne sont pas manipulées par les puissances extérieures pour leurs propres intérêts, comme cela s’est produit en Côte d’Ivoire ou récemment encore au Niger. Le Mozambique, attaqué et assiégé par des groupes terroristes islamiques occupant la province de Cabo Delgado dans le nord-est du pays en 2021, est secouru par le Rwanda. Cette intervention parfaitement réussie démontre que les Africains sont tout à fait capables d’assurer la sécurité dans leurs territoires. Au-delà de cet engagement remarqué du Rwanda au Mozambique, instruit par la tragédie du génocide contre les Tutsi, perpétré en 1994 sous les yeux impassibles des Nations unies, son armée est fortement mobilisée contre toutes les formes des violences armées et de terrorisme. Elle a combattu et arrêté le génocide ; la paix et la sécurité globale font désormais partie de son ADN. Cependant, chaque Communauté Économique Régionale (CER) devrait être capable de mobiliser une force armée pour assurer la paix et la sécurité sur ses territoires géographiques. Pour que cette paix soit durable, il conviendra de revoir et comprendre les causes profondes de ces insécurités. En Afrique Orientale, le combat contre les divisions introduites par la colonisation, ainsi que les efforts de rapprochement des populations deviennent des éléments clés. Aussi, un grand territoire comprenant le Rwanda, le Burundi, le Kivu Nord et le Kivu Sud aurait l’avantage de réunir ces peuples très proches pour partager les efforts de sécurité, un développement harmonieux autour des partages culturels et économiques. L’expérience reconnue du Rwanda pourrait servir dans la sécurisation de tout ce territoire. En effet, chaque pays membre de l’EAC ayant le devoir impérieux d’assurer la paix et la sécurité sur son territoire, condition première pour bâtir un développement solide dans la durée, l’introduction du Soudan du Sud et de la Somalie, minés par de longues guerres civiles, constitue un défi pour l’ensemble des pays membres de la CER. Aussi, il est indispensable de consolider ces attributs au sein d’un territoire de fortes proximités démographiques historiques pour asseoir une paix durable au sein des populations du Rwanda, du Burundi et des provinces du Kivu Nord et Kivu Sud, afin de libérer ensuite les ressources pour sécuriser les autres pays en forte souffrance. De même, la RDC sera délestée de ses difficultés à assurer la paix et la sécurité dans les provinces de l’est pour se consacrer à la valorisation de ses immenses ressources, afin d’accélérer son développement économique et social, remettre sa précieuse jeunesse au travail productif et sortir les populations de la misère.

Une solution comparable est en construction entre le Mali, le Burkina Faso et le Niger pour mettre en commun leurs ressources économiques, militaires et de sécurité globale pour l’ensemble de leurs populations. En mutualisant leurs ressources pour combattre les groupes terroristes partout sur leurs territoires respectifs, ils atteindront rapidement les résultats tant attendus depuis plusieurs années contre l’insécurité. Enfin, la CEDEAO (Communauté Économique Régionale (CER) de l’Afrique Occidentale), ayant montré ses défaillances, ses divisions et sa fragilité face aux manipulations des puissances extérieures pour détruire l’un des pays membres, le Niger, comme elle l’avait tenté également sans succès contre le Mali au seul motif de survenue des coups d’État, elle aura besoin d’une restructuration profonde et d’un nouveau socle des valeurs pour s’inscrire dans la sécurité globale des pays de cette région. En attendant cette refondation de la CEDEAO, les pays fortement meurtris et engagés dans la paix et la sécurité de leurs territoires, pourront recevoir des renforts des autres pays également engagés de l’EAC et de la SADC. Ce n’est ni l’ONU, ni les pays occidentaux, ni les autres pays intéressés par les prédations des ressources naturelles du continent, sans aucun intérêt premier pour la sécurité et la paix, qui assureront ces attributs précieux pour les Africains. Cependant, les partenariats militaires venant de différents pays du monde, à l’initiative des Africains eux-mêmes qui en définiront les roadmaps, les objectifs et la durée attendue des missions, pourront significativement contribuer à assurer une paix et une sécurité durables en vue de réussir le développement de l’Afrique Subsaharienne.

II.   De la Souveraineté internationale des Etats et de la liberté de choix des partenaires au développement

Le temps de l’Afrique des soumis, des assistés serviles et des exécutants des décisions prises pour elle mais sans elle, est révolu. C’est en substance les messages délivrés par de nombreux nouveaux chefs d’État africains à la 78ème Assemblée générale des Nations Unies à New York au cours de l’été 2023. Un dirigeant d’une puissance étrangère, la France, les États-Unis ou toute autre puissance industrialisée, ne peut pas dire : « je mets en garde l’Afrique contre la Russie, en remplacement de la France ». Comme si les Africains étaient des enfants mineurs qui ont besoin d’un tuteur, des incapables qui ont besoin d’un guide pour trouver le chemin de leur avenir. C’est d’abord une démonstration d’ignorance de considérer l’Afrique comme un seul pays, comme une commune sous le contrôle de la France. C’est ensuite une marque de mépris de considérer que les Africains sont incapables de comprendre et exprimer leurs besoins, puis de décider librement de leur avenir. Il est vrai que l’on a entendu certains chefs d’État africains se plaindre auprès du président Emmanuel Macron des agressions présumées de leur voisin. L’on a vu quelques politiciens en mal de repère et de crédibilité en France venir asséner des leçons de gouvernance dans des pays africains, avec pour expérience les candidatures aux élections présidentielles perdues et des mandats occupés en France. Les Africains devraient leur rappeler que la France et sa dynamique historique ne ressemble pas à un pays africain dans sa culture, son histoire et ses difficultés à bâtir le développement. L’on a entendu les remous des dirigeants asservis au sein de la CEDEAO, en tête desquels se dressait le président de la Côte d’Ivoire suivi de celui du Nigeria, avec un appui timide des présidents du Ghana et du Sénégal, et sur injonction insistante de la France, appeler à la mobilisation générale pour aller bombarder et détruire le Niger, au prétexte que le nouveau régime militaire issu d’un coup d’État, avait arraché le pouvoir à l’ami et serviteur fidèle de la France, Monsieur Mohamed Bazoum. Sur les cinq coups d’États récents en Afrique : le Mali, le Burkina Faso, la Guinée, le Tchad, le Gabon, seul le Niger était la cible des frappes militaires de la France, utilisant la main de la CEDEAO pour les exécuter. Sont-ils réellement démocratiquement élus ces présidents africains qui organisaient la destruction du Niger ? Et si, comme en Occident, on avait organisé un sondage de la population, aurait-on relevé une majorité des peuples africains de ces pays demandant des frappes militaires sur le Niger pour remettre Mohamed Bazoum au pouvoir ? La réponse est clairement, non ! Les populations du sud du Niger ont des parentés avec celles du Nigeria et du Bénin, pays dont les dirigeants étaient en première ligne pour aller détruire le Niger des parents de leurs propres populations. Inimaginable ! Enfin, le couloir des pays dirigés par des régimes issus des coups d’État s’étend de l’Atlantique au Tchad, en passant par la Guinée Conakry, le Mali, le Burkina Faso, le Niger et le Tchad. N’est-il pas étrange que ce soit en France que les manifestants réclament de remettre Mohamed Bazoum au pouvoir, alors que les Nigériens et d’autres Originaires d’Afrique résident dans plusieurs pays occidentaux et en Afrique ? L’Uranium seul du Niger exploité pour alimenter les réacteurs de nos centrales nucléaires ne peut pas tout expliquer. La France n’est-elle pas capable de payer cet uranium du Niger, comme elle achète celui du Kazakhstan, de l’Ouzbékistan, de l’Australie ou de la Namibie ? Combien achète-t-elle la tonne d’uranium du Niger par rapport aux prix payé dans les autres pays ? Pourquoi ne serions-nous pas capables de payer le juste prix du marché, négocié dans l’intérêt des deux parties, pour rester en bons termes avec nos partenaires africains ? Comment la France a-t-elle été si aveugle pour croiser le bras de fer avec les nouvelles autorités du Niger en enjambant les conventions internationales contre un pays souverains ? Malgré toutes les têtes pensantes de notre diplomatie, le président Emmanuel Macron avait exigé que l’ambassadeur de France au Niger soit maintenu sur place dans ses fonctions diplomatiques contre la volonté des nouveaux dirigeants du Niger, et donc contre la Convention de Vienne du 18 avril 1961 et entrée en vigueur le 24 avril 1964, qui régit les relations diplomatiques entre les États souverains. En effet, l’article 9 de cette Convention stipule que :

« 1. L’État accréditaire peut, à tout moment et sans avoir à motiver sa décision, informer l’État accréditant que le chef ou tout autre membre du personnel diplomatique de la mission est persona non grata ou que tout autre membre du personnel de la mission n’est pas acceptable. L’État accréditant rappellera alors la personne en cause ou mettra fin à ses fonctions auprès de la mission, selon le cas. Une personne peut être déclarée non grata ou non acceptable avant d’arriver sur le territoire de l’État accréditaire.

2. Si l’État accréditant refuse d’exécuter, ou n’exécute pas dans un délai raisonnable, les obligations qui lui incombent aux termes du paragraphe 1 du présent article, l’État accréditaire peut refuser de reconnaître à la personne en cause la qualité de membre de la mission ».

L’article 11 précise également que :

« 1. À défaut d’accord explicite sur l’effectif de la mission, l’État accréditaire peut exiger que cet effectif soit maintenu dans les limites de ce qu’il considère comme raisonnable et normal, eu égard aux circonstances et conditions qui règnent dans cet État et aux besoins de la mission en cause.

 2. L’État accréditaire peut également, dans les mêmes limites et sans discrimination, refuser d’admettre des fonctionnaires d’une certaine catégorie ».

Dans le cas d’espèce, l’Etat accréditant est la France et l’Etat accréditaire est le Niger. Il est donc clair que, le Niger étant un pays indépendant et souverain, signataire de la Convention de Vienne au même titre que la France, aucun autre Etat, ni même la France ou une autre puissance quelle qu’elle soit, ne peut lui imposer un ambassadeur (article 9 de la Convention de Vienne). De même, le Niger est en droit d’exiger le nombre optimum des effectifs de l’ambassade étrangère sur son territoire. Il n’appartient donc pas à la France, aussi puissante soit-elle, d’imposer son ambassadeur et des effectifs de son ambassade, ni au Niger, ni dans aucun autre pays souverain (articles 9 et 11 de la Convention de Vienne). Il en est de même de tout symbole de souveraineté d’un Etat étranger, que ce soit la monnaie ou l’armée. Le monde a changé, l’Afrique compte aujourd’hui 54 Etats souverains qui entendent exercer pleinement leur indépendance et leur souveraineté internationale sans contrainte et sans tutelle des puissances étrangères.

III. De lévolution des Etats africains dans le monde

Il n’est pas d’avenir sans analyse du passé et du présent pour définir la trajectoire. De tous les peuples du monde, celui de l’Afrique est celui qui a le plus subi des humiliations, des barbaries et des atrocités sur le temps long, de la traite négrière arabe, puis arabo-musulmane depuis l’antiquité à la colonisation européenne jusqu’au milieu du XXème siècle. Le peuple hébreu puis juif a également souffert depuis la servitude en Égypte selon la Bible jusqu’à la Shoah au cours de la Seconde Guerre mondiale, sur une longue période de plusieurs millénaires. Ces souffrances sont alors subies et imposées de l’extérieur. Néanmoins, l’Europe aussi a traversé des barbaries extrêmes perpétrées par des Européens contre d’autres Européens. Il n’est nul objet d’ouvrir ici la compétition des mémoires et des souffrances, mais de mieux comprendre notre histoire du monde et les parcours des uns et des autres.

Lorsque le général Napoléon Bonaparte, fraichement couronné empereur le 2 décembre 1804, lance les guerres de conquête à partir de l’Espagne dès 1805, personne ne l’attendait en Russie en 1814, en traversant et en conquérant de nombreux territoires en Europe. Il n’a été arrêté que parce que sa Grande Armée est battue en Russie. Napoléon est alors exilé à l’île d’Elbe, et l’Europe se réunit au Congrès de Vienne, de novembre 2014 au 9 juin 1815, pour refaire les frontières des pays en Europe, et déclamer l’intangibilité de celles-ci. Cependant, Napoléon sort de son exil dans lîle dElbe, parvient à troubler la fête et à réunir ses généraux ; il convie ses vainqueurs layant exilé à un vrai corps à corps le 18 juin 1815 à Waterloo, en Belgique. Il perd la bataille face à larmée commandée un général anglais, A. Wellesley, 1er duc de Wellington, dans une coalition européenne avec les Prussiens. Cest ainsi que Napoléon Ier est capturé, puis exilé à nouveau, mais désormais plus loin de lEurope dans lîle britannique de Sainte-Hélène. Lempire de Napoléon Bonaparte est définitivement défait et la France en garde une dent contre les Prussiens. Et en 1870, la France provoque la Prusse en duel ; elle est battue par la puissante armée prussienne sous le Chancelier Otto Von Bismarck, ministre-président de Prusse (1873-1890). Elle perd l’Alsace et la Moselle, désormais rattachées à la Prusse et doit payer des dommages de guerre à la Prusse. La frontière entre la France et la Prusse est modifiée. Convoquée par le même Bismarck à la conférence de Berlin (1884-1885), l’Europe doit stabiliser ses territoires de conquête en Afrique ; néanmoins, aucun représentant des royaumes africains n’est invité pour donner son avis sur le partage de l’Afrique. C’est la première différence entre le Congrès de Vienne (1815) et la Conférence de Berlin (1884-1885). L’Afrique ne s’appartient plus, puisque ses maîtres en Europe (France, Allemagne, Royaume-Uni, Belgique, Portugal) décident tous seuls de son avenir, pour leurs propres intérêts en Europe. Un pays dominant arbitre pour les autres nations européennes et s’impose pour le contrôle de l’application des décisions de Berlin. C’est la deuxième différence. Mais, il ne résout pas les rancœurs entre les Etats européens. En 1914, un prétexte tombe opportunément avec l’assassinat d’un archiduc à Sarajevo pour déclencher le Première Guerre mondiale : c’est encore la France et la Prusse qui se dressent en première ligne. Le contentieux sur la perte de l’Alsace et la Moselle, en plus de l’humiliation de la France par la Prusse avec la prise en otage de l’empereur Napoléon III capturé près de Metz (en Moselle) n’est donc pas fermé. L’Europe perdra plus de dix millions de vies humaines dans cette sanglante guerre entre 1914 et 1918. En 1916, une armée sud-africaine est décimée à Longueval, entre le 14 et le 20 juillet, dans la Somme en France. De nombreux Africains y perdent leurs vies ; un mémorial sud-africain permet de constater des noms sur les victimes. Lors des commémorations du centenaire de la 1ère Guerre mondiale et de la bataille de la Somme en juillet 2016, le président Jacob Zuma, accompagné des principaux membres du gouvernement et des chefs d’États majors des armées sud-africaines y a été accueilli par le Secrétaire d’État aux Anciens combattants et à la Mémoire, en lieu et place du président de la République française, du Premier ministre et même du ministre de la Défense. Votre serviteur était présent à ces cérémonies. A lissue de cette "Grande Guerre", l’Allemagne, anciennement la Prusse, est vaincue grâce à l’intervention décisive des Etats-Unis et de la Russie (en pleine révolution bolchévique qui engendrera l’Union des Républiques Socialistes et Soviétiques). L’armistice est signé le 11 novembre 1918 à 11 heures, dans le wagon français à la clairière de Rotonde, à Compiègne en France. La France pousse l’avantage jusqu’au bout en convoquant le Congrès à Versailles en 1919 pour régler la question de l’Allemagne. Celle-ci perd l’Alsace et la Moselle, ainsi que d’autres territoires à l’est, mais elle doit également sortir de l’Afrique. Ses frontières sont donc modifiées en Europe et ses anciennes colonies sont attribuées aux vainqueurs européens, la France et le Royaume-Uni. L’empire Ottoman, allié de l’Allemagne, est également défait. Enfin, le Congrès de Versailles (1919) décide la création d’une instance internationale de régulation de la paix et la sécurité dans le monde : c’est la Société des Nations (SDN), ancêtre de l’Organisation des Nations Unies (ONU). La colère change désormais de camp : l’Allemagne ne supporte pas l’humiliation, et sous le chancelier Adolphe Hitler, elle se réveille d’abord sur le prétexte monté contre les Juifs, veut récupérer ses territoires perdus des Sudètes en Slovaquie, attaque la Pologne et déclenche la Seconde Guerre mondiale dès 1939, soit vingt années seulement après la signature des actes du Congrès de Versailles. La France, sous l’autorité du maréchal Philippe Pétain, signe la capitulation et l’Allemagne exige à son tour qu’elle soit signée dans le même wagon de l’armistice à la clairière de Rotonde. Mais, dès le 18 juin 1940, un homme sort de l’ombre : c’est le général Charles de Gaulle. Il demande la poursuite des combats jusqu’à la victoire contre l’Allemagne nazie d’Adolphe Hitler. Il s’appuie sur la puissance militaire du Royaume-Uni et sur les combattants mobilisés en Afrique pour mener les batailles. Désormais, c’est encore l’engagement de l’URSS (sous Joseph Staline) et des États-Unis (sous Franklin D. Roosevelt) dans cette terrible guerre, qui déterminera la victoire contre l’Allemagne nazie, avec le concours de la Résistance et des combattants du général de Gaulle pour la victoire en France. Cette nouvelle barbarie aura emporté plus de cinquante millions de vies humaines, dont près de six millions de Juifs exterminés parce quils étaient Juifs, par la folie dune poignée dindividus autour du chancelier Adolphe Hitler en Allemagne. A la guerre sest alors superposé le génocide contre les Juifs, des Européens massacrant dautres Européens. La France, sous lautorité du maréchal Philippe Pétain et de nombreux collabos avec les Nazis, se distingue particulièrement dans les convois des Juifs vers les camps dextermination. Notons qu’aucun armistice n’a été signé pour mettre fin à la Seconde Guerre mondiale. La SDN (Société des Nations) a été totalement incapable d'empêcher cette guerre.

Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale en 1945, le monde a évolué. La SDN est remplacée par l’Organisation des Nations Unies (ONU), supposée plus efficace pour imposer la paix dans le monde. Cependant, elle n’a pas réussi à s’opposer aux différentes et nombreuses guerres dans le monde jusqu’à ce jour. Les foyers des violences armées ont été nombreux en Asie, en Afrique... et même aujourd’hui en Europe. Le temps de la fin des colonies en Afrique a démarré à la fin des années 1950 pour s’achever au début des années 1990 par la Namibie, qui s’est libérée de l’Afrique du Sud avec la fin de l’apartheid, sans compter la sécession entre le Soudan et le Soudan du Sud intervenue le 9 juillet 2011. Ce dernier est donc le plus jeune État indépendant. Dès lors que tous les pays africains sont devenus indépendants et souverains, quelle va devenir leur perspective hors du champ colonial ? L’Afrique nouvelle va devoir se réorganiser en toute autonomie et en toute souveraineté. Le Royaume-Uni (ancienne puissance tutélaire des pays anglophones du continent), puis le Portugal (pour la Mozambique, l’Angola, Sao Tome et Principe, la Guinée Bissau et le Cap Vert) n’ont plus de mainmise sur leurs anciennes colonies. La Belgique a perdu son autorité et son influence sur le Rwanda, le Burundi et la République démocratique du Congo. Mais, la France a longtemps verrouillé les relations avec ses anciennes colonies à travers les accords secrets de défense, la monnaie (le Franc CFA qui a évolué dans la sémantique du Franc des Colonies Françaises d’Afrique à celui de la Communauté financière africaine pour la CEDEAO -XOF- et celui de la Coopération financière africaine pour la CEEAC -XAF. Les deux monnaies n’ayant pas le même cours et n’étant pas convertibles entre elles, même si elles sont émises par la France et pour le même objectif initial. Il convient de rappeler que le FCFA est une création issue de la Seconde Guerre mondiale, une relique et une conséquence collatérale de cette Seconde Guerre mondiale sur l’Afrique. Les coups d’Etat récents au sein des pays francophones africains traduisent les changements d’époque et la volonté de se libérer de la tutelle française pour les habitants de ces pays. C’est donc un mouvement de fond dans la durée. Les nouveaux dirigeants sont déterminés à couper le cordon ombilical politique. Que reprochent-ils donc à leur ancienne tutelle, la France ?

Les nouveaux dirigeants africains souhaitent répondre efficacement à la demande de développement économique et social de leurs pays respectifs pour se mettre en phase avec la pression de la jeunesse. Ils constatent que leurs ressources naturelles, exploitées depuis les temps coloniaux par la France jusqu’à ce jour, ne leur permettent pas d’atteindre un niveau de développement conforme à leurs richesses. En effet, au-delà de la capitale, les espaces et les structures urbaines demeurent rudimentaires, l’accès à l’électricité demeure un rêve chimérique et les infrastructures de communication et de transports deviennent défaillantes ou inexistantes. De nombreux piliers du développement sont en grande souffrance. Ils reprochent à la France d’avoir enfermé ces pays dans des accords secrets de défense qui les obligent à s’adresser uniquement à celle-ci pour s’approvisionner en moyens de défense et pour toute opération de sécurité des territoires. Or la France a montré ses faiblesses et ses limites face au terrorisme qui gangrène le Sahel, comme dans la lutte contre les incursions des groupes armés en Centrafrique. Ils considèrent que la France s’est imposée comme le principal, et parfois l’unique, partenaire économique pour la vente de leurs matières premières brutes à des prix souvent inférieurs à ceux du marché. Les recettes de ces produits bruts à prix de vente cassés ne permettent donc pas d’acquérir les produits finis issus des mêmes matières premières : ils demandent alors qu’une part importante de la valeur ajoutée industrielle soit réalisée par les industries de transformations en Afrique pour créer des emplois et du revenu pour les Africains, créer de la valeur ajoutée industrielle et donc de la richesse dans les pays africains et apprendre aux Africains à acquérir, maîtriser et améliorer les processus industriels. Enfin, les Africains soumis au FCFA imposé par la France, voudraient se libérer de ses contraintes et gérer eux-mêmes leur propre monnaie. Il leur apparaît qu’ils appartiennent à la zone euro par procuration, puisque la parité fixe « euro/FCFA » est fixée par celle du « franc français/FCFA ». Le renchérissement de l’euro pénalise de facto les importations, alors que la balance commerciale déficitaire des économies de la zone CFA maintient les pays dans la misère. Aussi, ces pays principalement importateurs de produits manufacturés chers en Occident se tournent progressivement vers l’Asie à la recherche des produits presque équivalents à petits prix. La France devrait alors l’entendre et changer de paradigme vis-à-vis de ses anciennes colonies d’Afrique.

L’arrogance tant et tant décriée des dirigeants comme des industriels français vis-à-vis de l’Afrique devrait céder au pragmatisme et au respect des Africains et de leur souveraineté internationale. Ensuite, les partenariats reviendront. La France détient les savoir-faire indéniables dans tous les domaines. Sur l’ensemble des piliers du développement économique, les capacités françaises sont indéniables. Elle maîtrise la production, le transport et la distribution de l’électricité quelles que soient les sources de production (thermique, hydroélectrique, solaire, nucléaire, énergies renouvelables). Les infrastructures et les matériels de communication (chemins de fer, routes et autoroutes, les voies navigables, les équipements aéroportuaires, les ouvrages d’art complexes, les matériels roulants, le TGV, les aéronefs civiles et militaires, les transports urbains) ainsi que les infrastructures et les équipements des télécommunications (fibre optique, satellite, réseaux mobiles 4G et 5G), les infrastructures hospitalières (hôpitaux, équipements, produits pharmaceutiques spécifiques, prise en charge des patients, organisation générale des parcours de santé, etc.) et la création des industries diverses qui répondent à la transformation et la valorisation des ressources naturelles en Afrique… Les champs des coopérations sont donc immenses. Mais, les dirigeants politiques et les producteurs du savoir-faire industriel français doivent changer de logiciel pour s’adapter aux nouvelles exigences vitales des Africains et à la concurrence internationale. Derrière, les besoins exprimés par les Africains eux-mêmes pour leurs pays, il y a un véhicule historique et un support culturel indéniable : la langue française. C’est une richesse pour les Africains de maitriser les langues des anciens colonisateurs, et c’est un immense avantage au niveau international de maîtriser l’anglais, le russe, le chinois à côté du socle français et des langues africaines qu’il conviendra de développer. Le rejet de la France politique peut s’imprimer dans un élan épidermique de colère et de déceptions provoquées par les dirigeants français. Mais l’héritage culturel et linguistique ne s’éteint pas comme un feu de paille. Il n’y a pas d’animosité entre les peuples africains, d’une part, et le peuple français comprenant de nombreux Originaires d’Afrique, d’autre part. Cela aussi, les dirigeants français doivent le comprendre. Le barycentre de la francophonie s’est déplacé vers l’Afrique. Aussi, l’éducation scolaire de la jeunesse des pays francophones et les communications interafricaines se poursuivront en français, si le climat de confiance avec la France est restauré.  Pour ce faire, les pays doivent tous restaurer la sécurité des territoires et des populations pour reconstruire l’éducation ambitieuse de tous les jeunes et accroître les ressources alimentaires vers l’autosuffisance en produits de base. Les analyses de situations entre l’Afrique et le reste du monde ont été présentées dans un ouvrage bien connu dans le monde universitaire, des dirigeants et des chercheurs : Le Partenariat Europe-Afrique dans la mondialisation.

Cet ouvrage décrit la Traite Négrière transatlantique comme fait historique ayant contribué à la prospérité de lEurope et de lAmérique au détriment de lAfrique. Lon y découvre déjà la force du développement économique et industriel des nouveaux pays émergents et la formation du G20 à partir du G7 (Etats-Unis, Japon, Allemagne, France, Royaume-Uni, Canada et Italie) des 7 pays historiquement plus riches du monde, les BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et South Africa) désignés comme les premiers pays économiquement émergents derrière le G7, et le groupe suivant des AMACITA (Argentine, Mexique, Arabie Saoudite, Corée du Sud, Indonésie, Turquie et Australie). Enfin, lUnion européenne est considérée comme un membre du G20.  Louvrage de 2012 prédit quà lhorizon des années 2021-2023, la redistribution de la richesse mondiale aura bouleversé lordre des pays de tête. Les données de 2022 confirment que la Chine sest installée derrière les Etats-Unis, lInde est passée devant le Royaume-Uni et la France, la Russie est passée devant le Canada et lItalie. Désormais, la France est 7ème puissance économique mondiale derrière le Royaume-Uni, et lItalie est passée à la 10ème place derrière la Russie et le Canada. Aujourdhui, le PIB total des BRIC (Brésil, Russie, Inde et Chine), soit 25.414 milliards US$, est équivalent à celui des Etats-Unis dAmérique, soit 25.463 milliards US$. La puissance économique et industrielle du monde sest désormais déplacée du bloc occidental historique vers les anciens pays émergents. Le Partenariat Europe-Afrique ne pourra pas ignorer ces nouvelles transformations du monde.

IV. Perspective des décennies 2021-2030, puis 2031-2040 et au-delà…

Dans tous les besoins exprimés par les Africains, la France doit accepter d’être challengée. Elle ne pourra jamais s’engager sur tous les terrains du développement attendu en Afrique ; elle doit alors accepter que les Africains puissent recourir à d’autres partenaires, dans des appels d’offres internationaux transparents et des contrôles de qualité des productions. Tous les nouveaux dirigeants africains, des francophones et des autres, ont érigé au sommet des préoccupations majeures la transparence et la rigueur dans la gestion publique, la bataille contre les corruptions et les détournements des ressources publiques et la lutte contre l’impunité des délinquants politiques et économiques. Conjuguées avec la paix et la sécurité globales dans chaque pays, ces luttes devraient accélérer le développement économique qui garantira l’avenir des jeunes en Afrique et la réduction très significative de leurs migrations du désespoir vers l’Europe. Les opposants à ces mutations sont les principaux bénéficiaires des prédations des ressources et des détournements de fonds publics de leurs pays, et qui ont souvent puisé dans les caisses publiques de leurs pays pour aller investir à l’étranger hors du regard de leurs compatriotes. Chaque nation africaine a désormais le devoir de se redéfinir. Elle doit consolider son socle de base porté par l’appartenance nationale. Toutes les composantes traditionnelles, familiales, ethnolinguistiques, ethno-tribales et des identités locales vont progressivement converger vers le renforcement de l’appartenance nationale africaine. Ensuite, l’union faisant la force, les nations africaines de la même région géographique poursuivront le renforcement de leur Communauté Economique Régionale (CER). C’est la maille optimale des mutualisations des projets structurants de développement. En effet, le niveau national est trop faible pour nombre de pays pauvres pour porter de grandes ambitions décrites dans ce document, mais aussi le niveau de l’Union africaine est trop lointain et trop hétérogène pour satisfaire les besoins fondamentaux de chaque Etat membre. En revanche, ce sera au niveau de l’Union africaine que se décideront les coopérations inter-CER, les partenariats Afrique-Europe, Afrique-Amérique, Afrique-Chine, les politiques globales des investissements de développement en Afrique, etc. Les continents traitent avec les continents pour l’harmonisation et l’efficience des projets de développement et leur évaluation. L’Afrique de plus de 1,45 milliard d’habitants joue dans la catégorie démographique et économique de la Chine, de l’Inde ou des Etats-Unis pour leur puissance économique. En conséquence, l’Union africaine devra être représentée par des dirigeants ayant en charge les départements politiques ou économiques de haut niveau, légitimement choisis pour défendre les intérêts de l’Afrique dans les négociations internationales et dont les résultats seront régulièrement évalués en toute transparence. L’Afrique économiquement et industriellement émergente est en marche pour 2040. Après la reconquête de la souveraineté internationale et le renforcement des moyens de défense pour la paix et la sécurité, les Africains vont sengager dans la consolidation des piliers du développement. Léducation solide à travers la décolonisation mentale pour sortir de la logique des diplômes papiers vers la logique des connaissances ; la sécurité alimentaire, médico-sociale et environnementale ; et laccès à lélectricité au plus grand nombre constitueront les premiers socles atteints par une majorité des Etats à lhorizon 2030.  Lindustrialisation par la transformation des ressources naturelles africaines en Afrique, dont limportance est débattue dans les publications indiquées et dans tous les débats actuels africains, saccompagnera du développement des infrastructures de transport pour la décennie 2031-2040. Larrimage à la puissance montante des BRIC et AMACITA pour le financement des projets de développement permettra laccélération de ces programmes. Les coopérations entre les Etats africains et les mutualisations des ressources au sein des CER, ainsi que la pression sur lUnion africaine pour se transformer et devenir un réel outil dintégration économique et politique du continent  saccélèrent. LAfrique veut désormais conquérir sa place et assumer son autonomie dans le nouvel ordre politique mondial. Les jeunes dirigeants portent désormais cette ambition. La crédibilité et la relance de ce continent passeront par cette nouvelle construction.

                                                                        Article mis à jour le 29/11/2023

Emmanuel Nkunzumwami
Ecrivain-Essayiste
Analyste économique et politique

Neres Conseil, France.
Email contact : neres@orange.fr ou emmankunz@gmail.com

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