LES DEFIS GEOSTRATEGIQUES ET ECONOMIQUES DE LA CHINE
19 déc. 2011
I. I. La situation géostratégique de la Chine.
La Chine est un immense territoire de 9.598.050 km², soit presque l’équivalent de l’étendue des Etats-Unis d’Amérique (9.629.090 km²) ; mais abrite une population de l’ordre de 1.341,404 millions d’habitants contre seulement 308,746 millions d’habitants aux Etats-Unis. Ces deux immenses pays se classent après la Russie (17.075.400 km² et 141,927 millions d’habitants) et le Canada (9.970.610 km² et seulement 34,483 millions d’habitants) ; mais avant l’Australie (7.682.557 km² et 22,585 millions d’habitants). Le concurrent direct en nombre d’habitants est son voisin, l’Inde (plus petite sur 3.287.263 km², mais avec 1.210,193 millions d’habitants). Néanmoins, la Chine ayant instauré une limitation des naissances depuis plus de 30 années, la croissance annuelle de sa population est de l’ordre de 0,7% alors que celle de l’Inde s’accroit à raison de 1,76% par an. La population de l’Inde pourrait atteindre et dépasser celle de la Chine dans 9,83 ans, soit à l’horizon 2020 avec une population de l’ordre de 1.436,605 millions d’habitants. Cependant les concurrents économiques directs de la Chine sont les Etats-Unis d’Amérique, l’Union Européenne et le Japon dans un une compétition quadripolaire.
La Chine est aujourd’hui : la deuxième puissance économique du monde, le premier exportateur mondial loin devant le Japon et l’Allemagne. La balance commerciale a diminué de 170 à 142 milliards de dollars au Japon et de 189 à 168 milliards de dollars en Allemagne entre 2006 et 2009 alors qu’elle s’est accrue passant de 253 à 297 milliards de dollars en Chine. C’est également la plus grande armée du monde, disposant de la force nucléaire et le deuxième budget militaire après les Etats-Unis. On estime à environ 2,3 millions d’hommes sous les drapeaux en Chine mais ce chiffre tend à diminuer puisque l’on tente de moderniser l’armée. Le budget militaire s’élève officiellement à environ 56 milliards d’euros par année (réellement plus de 150 milliards de dollars en 2009 selon les évaluations du Pentagone). Mais même toujours en très forte augmentation de 17% en 2008 et 15% en 2009, ce chiffre reste environ dix fois moins élevé que celui du budget militaire américain toujours en forte croissance avec son PIB. Les dépenses militaires chinoises représentent 1.4% du PIB chinois, contre 4% pour les États-Unis et environ 2% pour la France et la Grande-Bretagne. ] La Chine possède un nombre important de têtes nucléaires actives (Chine : environ 145 ; Royaume-Uni : moins de 200 ; France : 348 ; États-Unis : 5.113 ; Russie : 5.800). Pour affirmer sa puissance économique et militaire dans le monde, la Chine attache un intérêt de plus en plus grandissant à son économie industrielle, à sa force armée, à sa force de frappe nucléaire et aux innovations technologiques matérialisées par sa puissance aérospatiale et son nouvel avion furtif en concurrence avec les Etats-Unis.
La Chine est entourée de 14 pays voisins, dont certains sont des terres d’élection des intégristes islamiques (Afghanistan, Pakistan), des dernières dictatures de la région (Birmanie, Corée du Nord), des Etats issus de l’éclatement de l’ex-URSS (Russie, Kazakhstan, Tadjikistan, Kirghizistan) et les Etats soutenus depuis longtemps par la Chine dans leurs luttes pour l’Indépendance (Vietnam, Laos, Bhoutan, Népal) et enfin des démocraties indépendantes (l’Inde et la Mongolie). La longueur totale de ses frontières terrestres avec ses voisins est la plus longue au monde sur 22.117 km. La Chine possède également des frontières maritimes avec la Corée du Sud, le Japon et les Philippines. Autant de pays dont les actions et les relations internationales ne peuvent pas laisser la Chine indifférente.
I
L’organisation politique de la Chine emprunte beaucoup à son passé communiste et à sa culture de « démocratie populaire » pour organiser le pouvoir par étages de délégations. A la tête se trouve le tandem composé du Président et du Premier ministre. Depuis 2003, ce tandem dirige la Chine avec un rythme à marche forcée pour assurer la puissance économique et militaire du pays. Six vice-Premiers ministres et 41 ministres complètent le Gouvernement. Les membres du Gouvernement sont tous élus par l’Assemblée Populaire Nationale de 2.979 membres, eux-mêmes élus par les Assemblées Populaires des Collectivités Locales et l’armée pour un mandat de cinq ans. 36 sièges de députés sont dévolus à son dernier territoire de Hong Kong. Même si le Parlement est tenu se réunir au Congrès annuel au complet, 155 députés forment un Comité Permanent chargé de suivre les affaires politiques avec le Gouvernement. Enfin, le Parlement Chinois se compose également de 2.083 membres de la Conférence Politique Nationale constituant la seconde Chambre parlementaire et remplissant un rôle consultatif de Sénat. Dans le fonctionnement pratique, la Chine continue de vivre sous un régime mixte de communisme et d’économie libérale de marché, mais netolère pas d’opposition politique. Le parti communiste domine les huit autres petits partis minoritaires sans pouvoirs (la plupart fondés dans les années 1930-1940 par des intellectuels) : ce qui fait du Parti Communiste Chinois, le parti unique de la Chine. Ce parti est officiellement fondé le 1er juillet 1921 à Shanghai (les principaux membres fondateurs sont : Li Dazhao, Chen Duxiu, Chen Gongbo, Tan Pingshan, Zhang Guotao, He Mengxiong, Lou Zhanglong and Deng Zhongxia). Son accession au pouvoir est réalisée en 1949 avec Mao Tsé-Tung. Depuis cette date, on peut dire que la Chine demeure dans le modèle communiste du parti unique. Néanmoins, la Chine actuelle s’éloigne progressivement des théories marxistes et de Mao pour s’adapter rapidement aux réalités économiques et politiques du monde afin de réaliser les conquêtes de l’économie industrielle moderne. La « décollectivisation » a été fortement appuyée par Deng Xiaoping dès le début des années 1980, mais la culture communiste fait qu’il est encore aujourd’hui très difficile de distinguer en Chine le secteur public du secteur privé. Un grand nombre d‘entreprises peuvent donner l’illusion d’appartenir au secteur privé, alors qu’elles dépendent en fait de banques d’État ou des provinces. A l’exception de l’artisanat et de l’industrie légère, majoritairement aux mains du secteur privé, les autres secteurs d’activité (industries d’armement, transport, électronique, électromécanique, informatique, aéronautique) et même l’agriculture (la terre appartient à l’État), appartiennent de près ou de loin à l’État. Dans son mode de fonctionnement et dans ses processus de décision, la Chine reste encore largement fidèle au communisme de type soviétique. Cependant ce subtil mélange entre le communisme et le capitalisme d’Etat propulse la Chine dans la grande compétition internationale où elle occupe la seconde place de puissance économique, certes loin derrière les Etats-Unis dont le PIB représente 2,6 fois celui de la Chine, mais désormais devant le Japon depuis 2010.
. II. La puissance économique mondiale au socle fragile
Malgré une économie industrielle soutenue, l’essor industriel est très récent et l’économie chinoise reste encore agricole où elle emploie 40% de la population active, même si la contribution de l’agriculture baisse progressivement dans la formation du PIB :
Secteurs/ | Population active | Part dans le PIB total |
Représentativité | ||
Agriculture | 39,50% | 11,30% |
Industries | 27,30% | 48,60% |
Services | 33,20% | 40,1% |
La main d’œuvre agricole est encore la plus nombreuse pour soutenir l’économie mais les terres se font de plus en plus rares et les expropriations sont fréquentes pour libérer les terres cultivables afin d’y construire des logements et des bâtiments à destination de bureaux et des usines en vue de soutenir la production industrielle. Néanmoins, 55% de la population reste rurale et doit exploiter la part cultivable de 10% du territoire (soit environ 960.000 km² pour plus de 738 millions de sa population rurale, soit encore une densité de 770 habitants au km² !). On comprend dès lors les politiques publiques d’accélération de l’urbanisation et de concentration des habitants dans de petits logements au sein des zones urbaines concentrées afin de libérer de la place pour l’agriculture intensive et l’industrie. Aussi pour faire de la place, le Gouvernement a dégagé 9 milliards de dollars pour construire des logements sociaux en 2010 et envisage d’occuper 70% des terres constructibles. Il convient de noter cependant que 80% des terres cultivables sont occupées par des céréales et 10% par le riz ; ainsi la Chine occupe la 1ère place mondiale dans la production du blé, du riz, des pommes de terre, du coton, du thé, des ovins et des porcins ; elle occupe la 2ème place pour le maïs ; la 3ème place pour le bois, la canne à sucre, et les bovins. Mais la Chine aura encore besoin terres pour répondre à ses besoins alimentaires, en biocarburants et pour offrir des habitations à ses habitants : aussi la Chine exporte une partie de sa population (objectif : 350 millions hors de la Chine à l’horizon 2030) et rachète les terres en Afrique, en Asie et en Amérique Latine pour poursuivre ses productions de céréales et de riz.
Le sous-sol chinois contient du pétrole et du gaz naturel plaçant la Chine au 14ème rang mondial. Il contient également un peu d’uranium pour ses centrales et son armement nucléaire, mais l’exploitation importante concerne le charbon qui intervient à 70% dans la production d’électricité pour le pays. Mais cette réserve, même si elle était entièrement exploitée, ne pourrait pas répondre aux besoins énergétiques de la Chine qui a consommé 2.317 millions de tonnes d’équivalent-pétrole en 2009 contre une production de 2.149 millions. Par ailleurs, la Chine occupe la 1ère place mondiale pour la production du charbon, de l’or, du diamant, de l’étain, du fer, des phosphates, du plomb, du zinc et la 3ème place dans la production de l’argent. On peut lire l’ambition industrielle de la Chine dans ce catalogue, puisque ne produisant pas du bois et tous ces minerais sur son sol, elle les importe bruts principalement de l’Afrique et de l’Amérique Latine. La Chine effectue les transformations des matières premières en produits finis, s’en sert pour ses productions industrielles en Chine, et exporte les produits finis et les produits industriels dérivés ou contenant ces composants à l’ensemble du monde. Ainsi 60% des exportations de la Chine comprennent les produits manufacturés électriques et électromécaniques : 25% sont des produits électroniques, électriques et électromécaniques ; 23% sont des ordinateurs et des produits des télécommunications et environ 20% comprennent les machines-outils et des produits artisanaux chinois. Pour capter la marge commerciale et maximiser les profits, la Chine exporte 40% de sa production industrielle vers les Etats-Unis et l’Europe Occidentale. Au moment où les Occidentaux s’interrogent sur la viabilité du système capitaliste et développent partout des mouvements des indignés, ils devraient comprendre que le plus grand pays capitaliste au monde aujourd’hui, c’est la Chine. Elle a battu les Occidentaux sur leur propre système, mais au prix d’une féroce exploitation de l’homme chinois par le pouvoir chinois. Dans le commerce triangulaire : la Chine exploite et importe les matières premières minières et énergétiques d'Afrique et d'Amérique Latine aux moindres coûts ou par le troc ; les transforme et les intègre dans les produits manufacturés en créant des emplois et de la valeur ajoutée sur son territoire ; puis en exporte 40% vers les pays industrialisés historiques (Amérique du Nord et Europe) pour réaliser ses meilleures ventes et maximiser ses profits commerciaux. Pour accéder à la première puissance économique mondiale, la Chine met les moyens : en 2011, la Chine est devenue la première puissance industrielle mondiale avec 20% de la production industrielle dans le monde, suivie des Etats-Unis avec 19% et du Japon avec 15% après la catastrophe nucléaire de Fukushima qui a traumatisé le Japon. Pendant la crise internationale de 2008, la Chine a réalisé des excédents commerciaux pour 436 milliards de dollars qui lui ont permis de se constituer une réserve de change pour 2.400 milliards de dollars en 2009. En cette même année, la balance des paiements de la Chine s’est élevée à 297 milliards de dollars en 2009 aux dépens des Occidentaux marqués par les déficits chroniques du commerce extérieur (Etats-Unis : -378 milliards de dollars ; l’Espagne : -80 milliards ; la France : -52 milliards ; le Royaume-Uni : -29 milliards ; le Canada : -23 milliards) mais également des champions traditionnels de l’exportation qui ont connu une forte baisse (le Japon de 171 milliards de dollars en 2006 à 142 milliards de dollars en 2009 et de l’Allemagne de 189 milliards en 2006 à 168 milliards en 2009).
Pays | Population 2010 (milliers habitants) | PIB 2010 (Milliards Euros) | PIB/habitant (en Euros) | (TA) Taux Alphabétisation | (TU) Taux Urbanisation |
Etats-Unis | 308 746 | 10 971 | 35 536 | 99,0% (2003) | 81,7% (2007) |
Chine | 1 341 404 | 4 300 | 3 205 | 93,3% (2007) | 43,1% (2008) |
Japon | 127 470 | 3 798 | 29 796 | 99,5% (2009) | 66,5% (2007) |
Zone Euro17 | 328 632 | 9 204 | 28 008 | 99,5% (2009) | 82,0% (2009) |
Union Europ 27 | 497 904 | 11 916 | 23 932 | 99,0% (2009) | 78,0% (2009) |
Selon toutes les hypothèses probables : la poussée économique des pays Emergents ainsi que la relance économique des pays Occidentaux par l'investissement industriel intérieur et la contraction des importations consécutive à la crise financière se répercuteront sur la baisse du niveau de croissance de la Chine à une moyenne de 8% (contre 13% en 2007 et 9% en 2008 et 2009) au cours de prochaines années, alors que sa population devrait rester à un rythme de 0,7% par an. Concurremment, le Japon devrait retrouver une croissance moyenne induite de 3,8% par la relance de ses importantes capacités industrielles après la crise actuelle avec une décroissance progressive de sa population au rythme de -0,2%. Le plus grand concurrent économique de la Chine reste les Etats-Unis. Dans ce dernier, la ré-industrialisation du pays, des plans de relance de la consommation et d’investissement massifs devraient conduire à une croissance moyenne résultant de 3% pour une croissance de la population soutenue à 1% annuel. Quant au challenger à contours indéfinis, l’Union Européenne, on peut le décomposer en deux parts : la zone Euro des 17 pays qui ont réalisé ensemble 9.204 milliards d’euros de PIB pour 329 millions d’habitants en 2010, devrait connaître une croissance économique moyenne de 1,2% par an, alors que la population croîtrait à 0,74% par an en moyenne. L’ensemble des 27 pays de l’Union Européenne représente 498 millions d’habitants pour un PIB de 11.916 milliards d’euros en 2010. Si la croissance économique serait tirée par de nouveaux pays de l’Union à environ 1,4% par an en moyenne, celle de la population tendrait à baisser à 0,56% globalement. Avec ces données, nous établisssons ci-dessous le scénario en 2030 :
Pays | Population 2030 (milliers habitants) | PIB 2030 (Milliards Euros) | PIB/habitant (en Euros) | Ecart %USA PIB/habitant |
Etats-Unis | 373 755 | 19 816 | 53 018 | 100,0% |
Chine | 1 530 023 | 20 040 | 13 098 | 24,7% |
Japon | 122 467 | 8 008 | 65 387 | 123,3% |
Zone Euro 17 | 380 846 | 11 684 | 30 680 | 57,9% |
Union Europ 27 | 556 738 | 15 735 | 28 264 | 53,3% |
Il résulte de toutes ces hypothèses que la croissance de la Chine à un rythme moyen de 8% par an conduirait la Chine à rattraper et dépasser les Etats-Unis dans 19,76 ans, soit donc à l’horizon 2030. A cette date, le PIB de la Chine aurait atteint 20.040 milliards d’euros contre 19.800 milliards pour les Etats-Unis. La compétition est donc ouverte entre les USA et la Chine. L’Union Européenne dont la croissance reste molle pendant cette période se situerait en troisième position avec 15.735 milliards d’Euros et le Japon à 8.008 milliards d’Euros. Cependant, en raison de la baisse progressive de la population du Japon, celui-ci serait la plus riche grande puissance avec le meilleur PIB par habitant de l’ordre de 65.387 Euros par habitant contre les Etats-Unis avec 53.018 Euros par habitants. Quant à la Chine, malgré le ralentissement de la croissance de la population, elle pourrait se contenter de 13.098 Euros par habitant, soit 25% de la richesse d’un Américain contre 9% aujourd’hui. Mais l’écart s’élargit pour le Européens, puisque la richesse d’un habitant de la zone Euro passerait de 79% aujourd’hui à 58% en 2030 et celle de l’Union Européenne des 27 pays passerait de 67% actuels à 53% par rapport à la richesse d'un Américain. Seul le Japonais bénéficierait de l’effet conjugué de la croissance économique et de la baisse de la population passant de 84% à 123% de la richesse d’un Américain en 2030.
La Chine part des conditions de structure démographique comparable à celle des Etats-Unis en 2010. En effet, en dehors du nombre d'habitants très important, la sturcture démographique de la Chine n'est pas très éloignée de celle des Etats-Unis. Une même proportion des jeunes autour de 20% ; mais la Chine concentre la force de ses ressources humaines de travail avec 72% des 15 à 64 ans lorsqu'ils sont entre 65% et 67% entre le Japon et les Etats-Unis. L'espérance de vie plus faible que les autres pays concurrents avantage la Chine pour les populations plus vieilles au-delà de 65 ans car son Espérance de vie de 73 ans est inférieure de 5 ans par rapport aux Etats-Unis et de 10 ans par rapport à son voisin, le Japon. Dans le passé récent, les Chinois étant morts plus jeunes que les Occidentaux, cela lui confère un avantage concurrentiel financier de ne pas investir comme les Occidentaux dans l'entretien et le coût économique de prise en charge des personnes très âgées comme au Japon et en Allemagne. Par ailleurs, les Chinois se renouvellent comme les Américains, les français et les Anglais avec un indice de fécondité équivalent à environ 2 enfants par femme. La concentration de la population à moins de 60 ans conduit la Chine, comme les Etats-Unis, à avoir un âge médian de 34 ans et 37 ans, plus jeune que les autres pays Occidentaux en compétition. La course est donc clairement lancée entre les Etats-Unis et la Chine. Cette dernière étant assurée de sa croissance économique comme principale locomotive des pays Emergents, l'incertitude réside sur la capacité des Etats-Unis à retrouver une croissance d'au-moins 3% pour reculer l'échéance à laquelle la Chine occupera la place de Première Puissance économique du monde.
Structure de la Population | Chine | Etats-Unis | Japon | Allemagne | France | Royaume-Uni |
0-14 ans | 20,2% | 20,3% | 13,3% | 13,7% | 18,4% | 17,4% |
15-64 ans | 71,8% | 66,9% | 64,8% | 66,1% | 64,9% | 66,2% |
65 ans et plus | 8,2% | 12,7% | 21,9% | 20,3% | 16,7% | 16,4% |
Age médian | 34,1 | 36,7 | 44,2 | 43,8 | 39,4 | 40,2 |
Fécondité | 1,8 | 2,1 | 1,3 | 1,4 | 2,0 | 2,0 |
Espérance de vie | 73,3 | 78,7 | 82,7 | 80,2 | 81,8 | 80,2 |
III. III. Conclusion
La croissance économique de la Chine s’accompagne des effets secondaires significatifs dont elle sera obligée de tenir compte au cours des prochaines années :
- Elle dépend des approvisionnements extérieurs d’Afrique et d’Amérique Latine en matières premières minières et énergétiques. Toutes perturbations géostratégiques de ces régions auraient des conséquences importantes sur l’économie chinoise malgré la diversification des sources d’importations. La stabilité politique et sociale des pays d'approvisionnement est donc capitale.
- La Chine doit gérer des contestations internes croissantes sur les salaires des employés et des terres pour les paysans. Pour sa main-d’œuvre, les travailleurs sont très nombreux et – partiellement du fait de la pression du nombre et du chômage existant - faiblement rémunérés. Ils n’ont pas ou peu de droits sur leur lieu de travail, et peu ou pas de protections sociale ou syndicale. Le parti unique a longtemps formaté ses travailleurs afin qu’ils n’aient qu’une seule envie : concentrer leur énergie à travailler dur pour s’enrichir, ne serait qu’un minimum. Ceci permet à la Chine d’avoir une très grande compétitivité économique. Le Pouvoir politique se félicite de ce que les Chinois apprennent vite, reproduisent tout et rapidement, sont disciplinés et travaillent dur. Ils s’éveillent aujourd’hui sur la justice sociale, la démocratie et les droits de l’homme.
- Les disséminations des Chinois à travers les pays tiers avec lesquels elle entretient des relations économiques pourront se heurter à des conflits sociaux dans les pays d’accueil. Certes, la taille du pays permet encore de disposer de vastes territoires qui peuvent encore être mis en valeur mais ils s'épuisent rapidement. Aujourd'hui, dans certains domaines vitaux, tels que l’approvisionnement énergétique ou alimentaire, la Chine n’est déjà plus autosuffisante, si bien qu’elle achète ou loue certaines terres en Afrique ou aux Philippines pour satisfaire ses propres besoins.
- Le chômage en Chine est une question très sensible et de plus en plus ouvertement évoquée. Au taux de chômage de 4,3 % s'ajoute un sureffectif agricole important. Même si l’objectif prévu pour ces prochaines années est tenu avec un taux de croissance de 8% par an, il faudra 20 à 30 ans à la Chine pour que les paysans trouvent un travail dans un autre secteur et qu'elle atteigne le plein emploi. Cela suppose de créer 8 millions d'emplois chaque année, dont 5 millions pour les travailleurs migrants issus des campagnes. Il est important de rappeler que la Chine est un pays encore majoritairement rural (55%) qui porte de nombreux stigmates du sous-développement. Dans l’agriculture, les sureffectifs et le sous-emploi concernent environ 150 à 200 millions d’individus. Globalement, les salaires devraient également monter progressivement pendant le processus d'industrialisation, mais probablement pas aussi vite que la productivité du travail. Cela ne réduirait donc pas les inégalités de revenus, car les bénéfices du capital et les gros salaires pourraient augmenter plus rapidement que les revenu du travail et encore moins des revenus issus de l'agriculture des paysans.
- Le réveil des pays émergents tels que l’Inde, le Brésil, l’Afrique du Sud, etc. qui orientent leurs politiques vers les mêmes sources d’approvisionnements et les mêmes marchés pour leur développement industriels et leurs exportations. La compétition est déjà ouverte en Afrique et en Asie entre l'Inde et la Chine pour conquérir et fidéliser leurs nouveaux marchés, mais aussi pour nouer des partenariats durables avec des entreprises locales et des gouvernements.
Les termes de l’échange en faveur de la Chine à travers le monde pourront rencontrer des résistances, notamment en Afrique, lorsque les pays bénéficiaires éprouveront des difficultés à entretenir des infrastructures précaires (barrages hydroélectriques, routes et autoroutes emportées par les éboulements, chemins de fer inadaptés, écroulement des stades, etc.), évalueront correctement leurs ressources pour capter localement une part de la valeur ajoutée dans la chaîne industrielle de transformation (exploitation du bois, des mines, du pétrole). La Chine ne pourra pas rester longtemps juge et partie dans ses relations avec les pays en développement. Le contrôle de la qualité des infrastructures, les défis écologiques, la création des filières industrielles et de la valeur ajoutée deviennent autant d'enjeux. La présence en Afrique est de plus en plus décriée par certains Africains et par les autres compétiteurs mondiaux : l’une des principales valeurs du communisme était le principe d’égalité qui a animé longtemps les régimes communistes dans leur soutien à la décolonisation. On constate aujourd’hui que les intérêts économiques priment sur les intérêts politiques et sociaux, et que la Chine moderne s’éloigne de ses principes communistes ayant guidé ses relations avec l'Afrique et l'Amérique latine. Aujourd’hui, les visées de la Chine en Afrique sont de pouvoir échanger les matières premières de ce continent contre des biens de consommation d’origine chinoise, profitant ainsi du manque d’offre locale sur le continent. On estime à plus de 150.000 Chinois résidant sur le continent africain. Le développement des liaisons aériennes directes s’est déjà mis en place entre l’Angola ou le Nigeria et la Chine. Environ 25% des importations chinoises de pétrole proviennent de l’Afrique. Grâce à l’accès au marché chinois, les pays pétroliers d’Afrique ont pris plus d’importance et exportent jusqu’à 60% de leur production pétrolière vers la Chine. Depuis 2004, la Chine a signé de nouveaux accords pétroliers avec le Cameroun, le Nigeria et le Kenya et elle est désormais le second importateur de pétrole africain. La Chine a également installé des usines de production d’armes légères, d’avions d’« entraînement » en Afrique, obtenant en contrepartie la signature d’un accord d’approvisionnement de matériels militaires, hélicoptères et véhicules blindés, aux différents pays africains coopératifs. De plus, la Chine possède aujourd’hui des délégations commerciales dans 49 pays en Afrique sub-saharienne. Les Américains et les Européens reprochent souvent à la Chine d’exploiter les ressources naturelles et d’hydrocarbures d’Afrique comme ils le pratiquaient eux-mêmes autrefois. Selon les observateurs occidentaux et africains, l’Afrique a plus besoin de son élite afin de se développer sur ses propres stratégies que de l'ingérence de puissances mondiales telle que la Chine ou toute autre puissance. Mais il appartient aux Africains eux-mêmes de se prendre en charge, de définir leurs propres stratégies de développement, de s’organiser en espaces régionaux viables face aux négociations internationales. L’Afrique est placée face aux choix des coopérations industrielles pour son avenir ; les partenaires sont les principales puissances économiques mondiales : les Etats-Unis, la Chine, l’Union Européenne et le Japon. Mais d’autres puissances émergentes arrivent dans le paysage. La période de 2012 à 2030 sera celle de la rude compétition bipolaire entre les Etats-Unis et la Chine, avec l’arbitrage du Japon, de l’Union Européenne et des pays Emergents.
Par Emmanuel Nkunzumwami
Auteur de "La Nouvelle Dynamique Politique en France", Editions L'Harmattan, 2007.
Chroniqueur sur Radio Africa n°1 et sur Radio France Bleu Picardie.