LE BILAN DU DÉVELOPPEMENT EN AFRIQUE EN 2020 : L'ACCÈS A L'ÉLECTRICITÉ
23 févr. 2023Nous avons déjà publié plusieurs articles et deux ouvrages sur les situations du développement économique en Afrique. Les livres : « Le Partenariat Europe-Afrique dans la mondialisation » et « La Relance de l’Afrique », publiés aux Éditions L’Harmattan, respectivement en 2013 et en 2017, faisaient déjà le constat des évolutions de l’Afrique sur les piliers du développement économique et social.
Nous avions présenté les situations comparées, dans l’espace et dans le cours du temps, sur la sécurité des populations et des territoires ; la sécurité alimentaire, médico-sociale et environnementale ; l’éducation de la jeunesse – espoir de l’avenir du continent ; les infrastructures de communication et de transport ; et l’accès à l’énergie, principalement d’origine fossile. Nous indiquions des comparaisons internationales et proposions de refaire le bilan après 2025.
Le bilan proposé dans cet article complète les données livrées en 2017, étudiées sur la période de 1990 à 2016. Dans le même esprit, il présente également les situations comparées sur le pilier de l’accès à l’énergie électrique qui, associée aux autres sources d’énergie d’origine pétrolière, gazière ou de nouvelles énergies alternatives, constitue une composante du pilier de l’accès à l’énergie en Afrique. Ces sources d’énergie se complètent pour soutenir les autres piliers. Les listes ci-dessous ne sont nullement exhaustives mais relativement indicatives :
1°- La sécurité publique des populations, des territoires et des investissements dans le pays requiert l’utilisation des véhicules pour intervenir sur les lieux variés, des ordinateurs et de l’éclairage pour accéder aux données sur des personnes et des territoires, l’équipement des centres de formation des personnels en charge de la sécurité. La stabilité du pays est une garantie pour les investisseurs, mais les investisseurs exigent également un accès garanti et permanent à l'énergie électrique pour leurs activités. De même, l’éclairage urbain, des lieux de vie et les équipements électroniques et informatiques de vidéoprotection recourent à l'électricité.
2°- La sécurité alimentaire, des infrastructures médico-sanitaires et environnementale pour toute la population requiert l’énergie pour les équipements hospitaliers, les système de traitement et de conservation des aliments et des médicaments, des équipements de formation et de perfectionnement des personnels, le déplacement des personnels d’intervention, les centres d’assainissement et de traitement des déchets pour la santé publique et des populations.
3°- L’éducation de la jeunesse, que ce soit en milieu rural ou en environnement urbain, requiert des infrastructures scolaires adéquats, le déplacement des élèves et des enseignants avec l’usage des voies ferroviaires électrifiées, des équipements d’enseignement et de recherche. La réduction de l’usage des énergies fossiles polluants requiert leur substitution durable par l’accès à l’électricité.
4°- Les infrastructures des transports et des communications fonctionnement avec des équipements variés. Les véhicules, actuellement et majoritaires tractés par l’énergie thermique, deviendront peu à peu électriques, avec la contrainte des lieux de chargements électrique. Les trains sont passés du charbon au pétrole et ses dérivés, puis à la traction électrique. Il faudra alors construire des lignes électrifiées pour le transport ferroviaire, qu’il soit pour des marchandises ou pour des personnes. Il en est de même pour les bateaux actuels et du futur : l’énergie éolienne pour les embarcations à voile n’est pas adaptée aux paquebots, équipés de moteurs thermiques et bientôt électriques. Quant au transport aérien, l’importance de l’énergie, tant pour les avions que pour les aéroports, n’est plus à démontrer. Les communications électroniques, à travers les réseaux mobiles (3G, 4G et bientôt 5G partout en Afrique) et terrestres (Land lines) constitués de fibres optiques requiert de l’énergie électrique, tant pour les opérateurs, les industriels et les consommateurs. Les ordinateurs, les serveurs de données, les terminaux mobiles fonctionnement et se rechargent à l’électricité.
5°- L’industrialisation par la transformation des matières premières produites en Afrique que pour la valorisation des process industriels est gourmande en énergie. Depuis les fonderies de la métallurgie jusqu’à la fabrication des conserves alimentaires, en passant par tous les maillons des chaînes industrielles, les sources d’énergie sont indispensables.
Ces constats nous conduisent à nous interroger sur le niveau de la production, le transport et la distribution de l’énergie électrique en Afrique. L’on doit équiper les entreprises, les écoles, les hôpitaux, les voies ferrées, les services, mais également les habitants pour leurs usages domestiques. Notre problématique est de connaître le niveau d’accès des populations africaines à l’électricité.
Depuis de nombreuses années, nous suggérons d’analyser les évolutions économiques sur le continent africain à travers les régions géographiques et leurs Communautés Économiques Régionales (CER) associées. Cette organisation permet de poser les bases des coopérations intrarégionales pour bâtir un réel développement par des entraides régionales, des coopérations locales et des mutualisations des projets lourds ou très onéreux. La répartition des régions africaines est présentée sur la carte suivante.
A- En Afrique du Nord ou Arabo-musulmane.
Nous commençons par lever les ambiguïtés : les populations de cette région de l’Afrique sont majoritairement arabes (même si d’autres composantes berbères, kabiles, noires, européennes, etc. existent). Ensuite, les pays sont largement dominés par la pratique de l’Islam depuis plusieurs siècles. La progression de l’Islam en Afrique, accompagné de la Traite Arabo-musulmane, a été largement décrite dans le livre : « Le Partenariat Europe-Afrique dans la mondialisation » (Editions L’Harmattan, Paris 2013).
Dans ces sept pays, de la Mauritanie au Soudan, le niveau d’accès à l’énergie électrique est globalement supérieur à celui de l’Afrique subsaharienne. Quatre pays (Maroc, Tunisie, Égypte et Algérie) ont atteint le niveau de 100% ou presque en 2020.
Au cours de première décennie de 1991 à 2000, la Libye, l’Algérie, l’Égypte et la Tunisie affichaient déjà plus de 90% de leurs populations accédant à l’électricité. Le Maroc était en retard avec 70% alors que le Soudan (avec 23%) et la Mauritanie (avec 19%) étaient largement sous le seuil de 25%.
Au cours des deux décennies suivantes, de 2001 à 2020, le Maroc a fait progresser l’accès à l’électricité à 100%, rattrapant ainsi les autres pays de la région : la Tunisie et l’Égypte. L’Algérie poursuit encore sa lente progression. Quant à la Libye, elle était bien équipée au début de la décennie 2001-2010. Mais, après 2010, le pays a été détruit par les bombardements de l’OTAN et la coalition internationale. Les infrastructure électriques ont été fortement endommagées et l’accès à l’électricité est tombé de 82% à 70% de la population. Cela conforte également l’importance de la sécurité des populations et des territoires sur le développement économique et social. La Libye est revenue à la situation antérieure à 1990.
Le Soudan et la Mauritanie ont également progressé, mais venant de très loin entre 23% et 19% en 2000, ils ont atteint 55% et 47% en 2020. Pour atteindre le niveau des pays avancés de cette région, il faudra des efforts de coopération et d’entraide intrarégionale. Ces deux pays savent ce qu’il faudra exiger à leurs partenaires économiques des pays industrialisés.
A la fin de l’année 2020, l’ensemble des sept pays de l’Afrique du Nord Arabo-musulmane atteint une moyenne de 90,4% de la population ayant accès à l’électricité, sur une population totale estimée à 259,850 millions d’habitants, soit une population inférieur à celle de l’Indonésie (pays membre du G20 avec 273,8 millions d’habitants, mais avec un score de 97,0% de la population accédant à l’électricité. Néanmoins, l’Afrique du Nord présente le meilleur score moyen d’accès à l’électricité sur l’ensemble du continent africain, malgré les faiblesses importantes du Soudan, de la Mauritanie et de la Libye après sa destruction par la coalition internationale contre le président Mouammar Kadhafi en octobre 2011.
Le développement et l’intégration des pays de la région d’Afrique du Nord - Arabo-musulmane peuvent s’appuyer sur la Communauté Economique Régionale (CER) du Maghreb « al-Mağrib al-Árabi », comprenant la Mauritanie, le Maroc, le Sahara Occidental, l’Algérie, la Tunisie et la Libye. Manquent encore l’Egypte et le Soudan. Aussi, le Soudan, la Libye et la Mauritanie pourraient bénéficier de la solidarité régionale.
La tableau ci-dessous résume les situations des pays de l’Afrique du Nord.
B- En Afrique Australe
Les situations sont très contrastées. En 2020, seuls trois pays sur les treize de cette région ont dépassé 80% d’accès de leurs populations à l’électricité : l’Ile Maurice (99,7%), les Îles Comores (86,7%) et l’Afrique du Sud (84,4%). Mais, de ces trois pays, les Iles Comores sont celles qui ont le plus progressé au cours des décennies 2001 à 2020, passant de 39,7% à 86,7% de la faible population de ce pays. L’Afrique du Sud a fortement progressé de 10,6 points au cours de la décennie 2001-2010, mais elle accuse un ralentissement entre 2011 et 2020 (une progression modeste de 1,5 point).
Quatre pays ont dépassé le seuil de 50% (Eswatini, Botswana, Namibie et Zimbabwe). Il convient de noter d’importants efforts accomplis, au-delà de 5 points par décennie entre 2001 et 2020, notamment en Eswatini et au Botswana. Les deux autres pays, Namibie et Zimbabwe accélèrent le rythme de progression depuis la décennie 2011-2020.
Sous le seuil de 50% d’accès à l’électricité pour la population figurent le Lesotho, l’Angola, la Zambie, le Madagascar, le Mozambique et le Malawi. Ce dernier est le plus pauvre de la région d’Afrique Australe, avec un très faible résultat de 15% en 2020. Il convient d’indiquer des efforts accomplis par ces pays en retard sur l’accès à l’électricité pour les populations, notamment au cours de la décennie 2011-2020, entre 11,8 points pour le Mozambique et 30,4 points pour le Lesotho, à l’exception du Malawi. Il s’ensuit que six pays seulement se situent bien au-dessus de 50% alors que six autres pays sont largement sous ce seuil. Des efforts de coopération, d’entraide et de mutualisation des infrastructures seront nécessaires pour relever le niveau de tous les pays de la région. Il ne pourra y avoir de développement économique et social viable et durable sans un accès à l’électricité au-delà de 80% pour toutes les populations de la région.
La région de l’Afrique Australe totalise une population de 220,919 millions d'habitants, soit l’équivalent du Brésil (membre des BRICS et du G20 avec 214,3 millions d’habitants), mais dont l’accès à l'électricité atteint 100% de la population, contre 51,25% de la population en Afrique Australe. Réclamer le statut de pays émergent avec à peine plus de la moitié de la population accédant à l’électricité relève d’un mensonge pour la population concernée.
Les pays de la région d’Afrique Australe peuvent développer leur solidarité et leur intégration économique autour de la Communauté Economique Régionale (CER) de la SADC (Southern African Development Community). Certains pays n’appartenant pas géographiquement à l’Afrique Australe y ont trouvé une communauté d’opportunité économique, au lieu de se concentrer sur leur propre région géographique et de poursuivre les coopérations inter-régionales. Treize pays de l’Afrique Australe constituent le noyau et le moteur de cette région. Le but de cette communauté, comme des autres CER, est l'intégration économique, sociale et de sécurité globale. Les différents piliers du développement doivent trouver leurs socles au sein de ces CER, en dehors desquels le progrès des peuples reste illusoire.
Ci-dessous le tableau qui résume les situations comparées dans la région d’Afrique Australe, entre 1990 et 2020.
C- En Afrique Occidentale
L’Afrique Occidentale est très diversifiée, avec d’anciennes colonies anglaises (Ghana, Gambie, Nigeria, Sierra Leone), françaises (Sénégal, Côte d’Ivoire, Togo, Mali, Guinée, Bénin, Niger, Burkina Faso) et portugaises (Cap Vert, Guinée Bissau). Seul le Liberia n’était pas une colonie. L’on constate que deux pays seulement affichent un accès à l’électricité pour plus de 80% de leurs populations : le Cap Vert (petit pays de moins d’un million d’habitants) et le Ghana (86% en 2020). L’écart est ensuite important avec les six autres pays ayant franchi le seuil de 50%, entre le Sénégal (70,4%) et le Mali (50,6%). Sous le seuil de 50%, figurent la Guinée, le Bénin, la Guinée Bissau, le Liberia, la Sierra Leone, et enfin le Niger et le Burkina Faso en bas du classement, avec 19% seulement de population accédant à l’électricité en 2020. Ce score est notoirement très faible et n’autorise pas le progrès social.
Les deux pays en tête de classement ont déployé d’importants efforts au cours des deux dernières décennies, de 2001 à 2020, entre de 13 points et 23 points. Pendant cette période et dans les pays entre 50% et 80%, le Togo et le Mali progressent fortement entre 14 points et 24 points. Ainsi, le Mali est passé de 9,6% en 2000 à 50,6% en 2020 ; l’on apprécie alors l’impact des décideurs politiques dans les choix des axes de développement. C’est donc possible de progresser rapidement vers 80%, si les dirigeants des pays en font l’une des priorités du développement économique et social du pays. Le Sénégal maintient le rythme de progression entre 14 et 19 points, la Guinée Bissau et le Liberia ont accéléré le rythme de progression au cours de la décennie 2011-2020, avec un bond de 22 points (Liberia) et de 27 points (Guinée Bissau). Cependant, les efforts restent immenses pour atteindre 80% pour la Guinée, la Guinée Bissau, le Bénin, le Liberia, la Sierra Leone ; et plus particulièrement encore pour le Niger et le Burkina Faso qui se situent très loin au-dessous de 50%. Les dirigeants de ces pays n’ont plus d’autres choix que de concentrer les moyens d’investissements importants et l’orientation des apports des partenaires économiques sur ce pilier indispensable au développement. Il appartient aux dirigeants de renforcer les projets dans ce domaine. Il ne revient pas aux partenaires de décider de leurs axes d’intervention dans ces pays, hors des intérêts vitaux des populations africaines. L’accès à l’électricité est devenu vital pour les nations et pour les peuples. Il ne faudrait pas oublier les composantes de la pauvreté, de la misère et de la désespérance des jeunes attirés par les divers prédateurs dans le piège des guerres civiles et du terrorisme en Afrique.
L’ensemble des pays de la région d’Afrique Occidentale atteint une population de 419,992 millions d’habitants, soit l’équivalent de l’Union européenne des 27 pays (447,008 millions d’habitants), tous équipés d’électricité à 100% pour leurs populations. Mais, le score moyen de l’accès à l’électricité pour les habitants de l’Afrique Occidentale est à peine supérieur de 50% avec un taux affiché de 53,23% de la population. Parmi les trois géants de la région, -le Nigéria, la Ghana et la Côte d’Ivoire- seul le Ghana affiche plus de 80%, soit un taux de 85,9% à la fin de 2020.
Les pays de la région d’Afrique Occidentale se développent autour de la Communauté Economique Régionale (CER) de la CEDEAO (Communauté Economique Des Etats de l’Afrique de l’Ouest) ou encore ECOWAS (Economic Community Of West African States). C’est la plus aboutie des communautés économiques régionales africaines, et qui couvre tous les quinze pays de la région. Une première opportunité d’intégration rare et exemplaire en Afrique, créée par le Traité de Lagos (Nigeria) le 28 mai 1975. Il reste encore la réussite de l’intégration économique autour de la monnaie unique, sécuritaire pour bâtir une région débarrassée des terroristes et des groupes armés activés et financés par les puissances extérieures dans le but de déstabiliser les Etats et détruire les efforts de développement, et de forts engagements économiques pour consolider et développer de grands socles de la sécurité alimentaire, de l’éducation avancée, de grands moyens intra -régionaux de communication et de transport, de l’accès à l’électricité avec un score de 100% comme pour tous les vrais pays émergents, et de fortes coopération pour développer l’industrie. Tous les dirigeants y sont attendus.
Le tableau ci-dessous présente les situations comparées des quinze pays de la région d’Afrique Occidentale.
E- En Afrique Orientale
Un seul petit pays de près d’une centaine de milliers d’habitants, Les Seychelles, atteint un ratio de 100% dans l’accès des habitants à l’électricité en 2020. Aussi, sur onze pays de l’Afrique Orientale, cinq pays parviennent à afficher plus de 50% de la population accédant à cette énergie. Il s’agit des Seychelles, du Kenya (71,4%), Djibouti (1,106 million d’habitants sur 23.000 km²) avec 61,8%, l’Érythrée (3,62 millions d’habitants sur 117.600 km²) avec 52,2%, et enfin l’Éthiopie (51,1%), immense pays de la région avec plus de 120 millions d’habitants sur 1,112 million de km².
Les Seychelles avaient déjà marqué une avance dès la décennie 1991-2000, avec un progrès de 94,1%. Dès lors, les efforts des progressions de 3 points à chacune des deux décennies suivantes ont porté le pays à 100% de distribution de l’électricité à ses habitants.
Le Kenya a fortement accéléré le rythme au cours de la décennie 2011-2020 à hauteur de 52 points, après un ralentissement lors de la décennie précédente (2001-2010) avec une progression de 4 points seulement. Conscients d’être partis de très loin avec un ratio de 15% de la population accédant à l’électricité en 2000, le pays devient un modèle des efforts de progression dans l’équipement électrique dans cette région. La progression de Djibouti est très faible, au regard de sa situation privilégiée au début de la décennie 2001 (56,4%). Les deux pays devraient désormais poursuivre l’accélération de leurs efforts pour atteindre rapidement 80% au cours de la décennie actuelle.
L’Érythrée inscrit une progression constante de 11 à 12 points ; mais pour atteindre 80% à la fin de la décennie en cours, en partant de ses 52,2% actuels, il lui faudra plus d’ambitions et d’efforts. L’Éthiopie a également connu une forte progression, doublant ses efforts de 12,7 points en 2001-2010 à 25,7 points lors de la décennie 2011-2020. Si le pays poursuit le doublement de ses efforts à chaque décennie, nul doute qu’il atteindrait 100% avant le terme de la décennie 2021-2030. C’est une question de priorité politique des investissements publics décidés par les dirigeants.
Quatre pays de l’Afrique Orientale se détachent dans le taux d’équipement électrique entre 40% et 50% : ce sont la Somalie (49,7%), le Rwanda (46,6%), l’Ouganda (42,1%) et la Tanzanie (39,9%). Dans ce groupe, la Somalie est minée par l’insécurité qui ruine les efforts consentis. Alors que les efforts avaient marqué un saut de 50,3 points en 2001-2010, le pays a sombré et a reculé de 2,4 points au cours de la décennie 2011-2020. Il n’y a pas de progrès économique et social viable et durable si la sécurité des populations, des territoires et des investissement n’est pas assurée. Tous les quatre pays indiqués sont partis de très bas, avec moins de 10% de taux d’équipement électrique en 2000. Les progressions au Rwanda, en Ouganda et en Tanzanie ont été très faibles au cours de la décennie 2001-2010, au-dessous de 6,0 points, au regard des situations de départ. Mais, une accélération est remarquée lors de la décennie suivante de 2011-2020. Le Rwanda marque ainsi un grand bond de 36,9 points, l’Ouganda réalise 30,0 points et la Tanzanie marque 25,1 points. A ce rythme d’efforts de progression encore plus soutenu dans l’équipement électrique, les quatre pays pourraient atteindre entre 90% et 95% au terme de la décennie 2021-2030. Il appartient aux dirigeants de le décider, et de poursuivre les mutualisations de ces projets importants et portés au sein de la East African Community. Ainsi, les interconnexions avec les autres pays de la région seront bénéfiques pour l’ensemble des populations de ces pays.
Le Burundi et le Sud-Soudan ont fortement pâti de l’instabilité liée aux guerres civiles pendant plusieurs années. En 2010, ces pays n’affichent que 5,3% et 1,5% de taux d’accès à l’électricité pour leurs populations respectives. Un ratio extrêmement faible en Afrique et dans le monde. Leurs efforts au cours des décennies suivantes n’ont pas été conséquents et les résultats restent encore très faibles en 2020 : 11,7% pour le Burundi (12,55 millions d’habitants sur 27.834 km²) et 7,2% pour le Sud-Soudan (10,75 millions d’habitants sur 644.329 km²). Les deux pays totalisent 23,30 millions d’habitants qui ont également le droit d’accéder à l’électricité et au progrès économique et social. Leur situation devrait attirer la solidarité des autres pays de l’East African Community dont ils font partie, mais aussi les dirigeants ont le devoir d’orienter massivement leurs politiques publiques d’investissements, avec leurs partenaires économiques extérieurs, vers ce progrès indispensable et vital pour l’avenir.
La région d’Afrique Orientale totalise une population de 341 millions d’habitants, soit l’équivalent de la population des Etats-Unis d’Amérique (pays du G7 et du G20 avec 331,9 millions d’habitants) dont la population accède à l’électricité à 100%, alors que le score moyen des pays de l’Afrique Orientale n’atteint même pas 50%, soit un score moyen de 47,9%. Les pays sont donc appelés à redoubler d’efforts pour ce pilier du développement. Ils peuvent compter sur les efforts communs d'intégration réussie autour de la Communauté Economique Régionale (CER) de la Communauté d’Afrique de l’Est (East African Community ou Jumuiya ya Afrika ya Mashariki). Tout pays accédant à cette communauté d'intérêts communs doit s'engager clairement sur l'intégration sécuritaire, économique et sociale, telle qu’elle a été définie par les Etats qui l’ont ressuscitée le 7 juillet 2000. Après avoir été créée le 1er décembre 1967 par quatre anciennes colonies britanniques (Kenya, Ouganda et Tanzanie), elle avait été dissoute en 1977 à la suite de la mauvaise gouvernance politique et la violente dictature en Ouganda par Idi Amin Dada et la guerre qui s’en est suivie pour le destituer. La RDC - République démocratique du Congo - a adhéré à la CAE le 11 juillet 2022, et devient ainsi le septième membre, mais elle n’appartient pas à la région de l’Afrique de l’Est. Notons que ce pays appartient maintenant à trois communautés en Afrique. Néanmoins, le sérieux des dirigeants de l’East African Community et la solidité de leurs institution sont la base de la réussite de cette CER. Elle prévoit l’émission de la monnaie unique régionale à l’horizon 2027. Mais, en attendant, ils doivent consolider les socles des piliers du développement, à partir de l’intégration sécuritaire, économique et sociale. Parmi les dossiers urgents, au-delà de la sécurité qui constitue la charpente principale, les pays doivent engager des coopérations sur les infrastructures de communication et de transports irrigant toute la région, l'accès à l'électricité pour leurs 341 millions d'habitants et de forts efforts dans les industries de transformation. Ces industries peuvent être implantées sur des territoires disposant des compétences disponibles et un niveau avancé dans la transformation. Les Etats fournisseurs de ressources industrielles étant parties prenantes dans les produits et les bénéfices issus de ces transformations et valorisations industrielles dans l’EAC. C’est cela aussi la traduction concrète de l’intégration économique, dès lors que les droits de douane sont définitivement abolis et que l’on institue un véritable marché commun intérieur et une monnaie unique pour tous les Etats de l’East African Community (Burundi, Kenya, Ouganda, RDC, Rwanda, Soudan du Sud, Tanzanie).
Vous trouvez ci-dessous le tableau de synthèse des situations comparées des pays de la région d’Afrique Orientale.
D- En Afrique Centrale
Les immenses étendues des pays restent très éloignées de l’accès à l’électricité. Dans cette région, seul le Gabon (91,6% en 2020) a largement dépassé l’accès à l’électricité au-delà de 80%. Les deux autres pays peu peuplés se situent au-dessous de 80%, soit Sao Tome et Principe (77%) et Guinée Équatoriale (67%). Les progressions par décennie n’atteignent pas 20 points, alors que sur huit pays de la région, quatre se retrouvent sous le seuil de 50% : la République du Congo (49,5%), la République Démocratique du Congo (19,1%), la République Centrafricaine (15,5%) et le Tchad (11,1%). De plus, au cours des deux dernières décennies, aucun de ces pays n’a atteint 11 points de progression, alors qu’ils sont très largement en retard. On ne peut plus imputer ces contre-performance à l’ancienne puissance tutélaire, mais à la gouvernance de ces pays depuis 1990 (selon les données disponibles). Cependant, ces pays disposent des richesses naturelles immenses (minerais rares, pétrole, gaz, ressources forestières) et des ressources humaines importantes pour financer et soutenir les efforts de développement. Parmi les autres grands pays, le Cameroun ne progresse que de 12 points à chaque décennie depuis 2001, et il n’atteint que 64,7% de la population accédant à l’électricité en 2020. Une accélération sera nécessaire pour atteindre rapidement au moins 80%. La Guinée Équatoriale s’est endormie sur une progression de 0,6 point à chaque décennie, alors qu’elle dispose d’immenses ressources pour progresser plus vite. Enfin, le Gabon a très peu progressé au cours de la décennie 2011-2020 avec 2 points, après des efforts de 16 points dans le décennie précédente. On remarque nettement l’impact de la gouvernance et de l’autorité des chefs d’État en Afrique. Le ralentissement de la décennie 2011-2020 est corrélé avec le problème de santé du président du Gabon.
Globalement, les dirigeants des trois derniers pays de l’Afrique Centrale (la République démocratique du Congo, la République Centrafricaine et le Tchad) devraient inscrire en tête des priorités l’accès de la population à l’électricité. Tous les grands projets du pays devraient comprendre la production, le transport et la distribution de l’électricité dans tout le pays. C’est un défi extrêmement lourd pour l’immense RDC, avec une superficie de plus de 2,345 millions de km² et plus de 95 millions d’habitants, mais également pour la République Centrafricaine avec plus de 623.000 km² et seulement 5,457 millions d’habitants, ainsi que pour le Tchad avec 1,284 million de km² pour une population estimée à 17,18 millions d’habitants. Ces trois pays sont plus étendus que la France, le pays le plus vaste de l’Union européenne. Si les coopérations intrarégionales ne peuvent pas porter tous les efforts indispensables à ces pays afin d’accroître l’accès à l’électricité pour leurs populations, les partenaires extérieurs et les régions voisines de l’Afrique Orientale et de l’Afrique Australe devraient les y aider. La RDC ayant rejoint la East African Community (aux côtés de l’Ouganda, le Kenya, la Tanzanie, le Rwanda, le Burundi et le Sud-Soudan) pourrait mutualiser l’exploitation et la valorisation de ses ressources avec ses voisins, en contrepartie du partage des efforts pour accélérer le développement économique et social de cet immense et riche pays. L’attribution des ses difficultés de gestion économique et sociale aux pays voisins ne convainc pas au regard de ce bilan trop faible de 19% de la population accédant à l’électricité. Les dirigeants de cet immense, riche et important pays pour l’Afrique devraient engager de véritables coopérations avec les voisins pour l’exploitation et la valorisation de ses ressources en Afrique, en contrepartie de la mutualisation des projets de développement des territoires en grande souffrance, notamment dans l’est du pays. Il appartient à tous les dirigeants des pays de la région de s’engager au développement avec détermination, rigueur dans le travail et exigence des résultats, rage et ambition du bien-être pour leurs peuples. A défaut, ce sera une région instable, aux prises avec des groupes armés multiples pour la survie de la jeunesse désespérée.
La région d’Afrique Centrale atteint une population de 155,761 millions d'habitants, soit un peu plus que la population de la Russie (pays des BRICS et du G20 avec 145,103 millions d’habitants). Néanmoins, la population de la Fédération de Russie affiche 100% de taux d’accès de sa population à l’électricité, alors que les habitants de la région d’Afrique Centrale ne sont que 28,9% à accéder à l’électricité. C’est le retard le plus flagrant en Afrique. Pourtant, c’est la région d’Afrique la plus riche en ressources naturelles et en hydrologie pour développer l’électricité propre d’origine hydroélectrique. Elle pourrait se développer autour de l’existante Communauté Economique Régionale (CER) : la CEEAC (Communauté Economique des Etats d'Afrique Centrale). Au-delà des huit pays de la région, trois autres pays n’appartenant pas à cette région géographique et adhérant déjà à d’autres communautés y figurent pour des raisons historiques au moment où les Etats se cherchaient les points d'ancrage : il s'agit de l'Angola (Afrique Australe et membre du SADC), du Burundi et du Rwanda (Afrique Orientale et membres de l'EAC). Il convient de rappeler que la CEEAC a été créée le 18 octobre 1983 au moment où l’East African Community n’existait plus. Si l’immense étendue de la RDC peut justifier son adhésion à la CEEAC et à la EAC, au moment de la création d’une monnaie unique de cette dernière, il faudra que le pays décide de son ancrage économique et géopolitique. Le retard économique de l'ensemble des pays d'Afrique Centrale exige de fortes actions pour s'attaquer enfin aux causes du sous-développement. Le score moyen d'accès à l'électricité pour 29% de la population devrait être une véritable honte pour les dirigeants, pour enfin repartir sur de bonnes bases avec de grands partenaires et des dirigeants capables de relever le niveau.
La région d’Afrique Centrale a besoin d'une forte intégration pour penser de grands projets de développement régional : infrastructure de transport et de communication ; sécurité des territoires, des peuples et des investissements publics ; offre éducative suffisante et de qualité internationale ; réelle sécurité alimentaire sur les terres les plus fertiles d’Afrique et garantie de sécurité médico-sanitaire dans cette région immense de forêt très humide ; accès à l’électricité ; des industries de transformation de ses immenses ressources. Mais, rien se sera réussi sans un fort engagement des peuples et de leurs dirigeants dans la bonne gouvernance et l’ambition partagée.
Le tableau suivant indique les situations comparées en Afrique Centrale.
L’Afrique subsaharienne est répartie en quatre régions. Chacune de ces régions peut s’appuyer sur sa Communauté Economique Régionale (CER) pour engager des ambitions de développement intégré. Le niveau moyen d’accès à l'électricité n’y atteint même pas 50% de la population, soit 47,9% à la fin de l'année 2020, pour une population de 1,138 milliard d’habitants en 2021. En comparaisons internationales, l’Afrique Subsaharienne ne représente que 79,8 de la population de la Chine (1,426 milliard d’habitants équipés à 100% en électricité), ou encore 80,8% de l’Inde (1,408 milliard d’habitants équipés à 99% en électricité à la fin de 2020). Elle n’est que 2,5 fois plus peuplée que l’Union européenne (447 millions d’habitants équipés à 100%) ou encore 3,4 fois plus peuplée que les Etats-Unis d’Amérique. A l’instar des pays réellement émergents tels que la Chine, l’Inde, le Brésil ou encore l’Indonésie, pays unitaires très peuplés, l’Afrique Subsaharienne ne peut plus justifier son énorme retard au développement, après avoir offert ses ressources depuis le XVIe siècle au profit du développement des autres nations du monde. Il est l’heure de penser au progrès économique et social de ses peuples, dont l’accès à l’électricité comme dans les autres nations.
Conclusion
Il n’y aura pas de développement économique viable et durable en Afrique sans un efforts soutenu dans la production, le transport et la distribution de l’électricité à toutes les populations africaines. Les progrès actuels dans le monde, de la sécurité publique à l’industrialisation s’appuient sur l’accès à l’électricité.
La production de l’électricité sera diversifiée. Une partie de l’Afrique équatoriale et intertropicale contient des fleuves et des chutes importantes. Dans ces régions, l’énergie électrique d’origine hydraulique est parfaitement adaptée. Ces productions pourraient largement couvrir les besoins de l’Afrique Centrale, l’Afrique Orientale et l’Afrique Australe. Dans les régions de l’Afrique Occidentale, le mix est également possible entre l’électricité d’origine hydraulique et celle d’origine solaire. Les expériences des réalisations au Maghreb pourraient inspirer les dirigeants et les décideurs de l’Afrique subsaharienne. Enfin, l’énergie électrique de source thermique peut apparaître indispensable dans certains cas. Le dogmatisme écologique peut être analysé au regard des impératifs vitaux du développement. Les techniques de traitement contre les pollutions existent, et elles devraient être activées pour la production de l’électricité à partir du pétrole ou du gaz et de leurs dérivés. De nombreux pays dans le monde, y compris en Europe et en Amérique, y ont régulièrement et très massivement recours, autant dans l’industrie que dans les transports : les principaux pollueurs de la planète ne sont pas en Afrique. Quant aux moyens de transport et de distribution de l’électricité, le choix de l’enterrage des câbles électriques en zones urbaines et suburbaines sera une nécessité écologique et de protection contre les accidents au cours des travaux et des intempéries. Ces techniques sont également applicables sur de courtes distances des dizaines de kilomètres. En revanche, les pays africains étant très étendus, avec souvent de faibles densités de populations, le coût de l’enterrage des câbles sur des milliers de kilomètres devient rapidement dissuasif. Le transport aérien à travers les pylônes devient la meilleure solution et la plus adaptée.
L’objectif de chacun des pays africains devrait viser au-moins 90% de la population à la fin de la décennie actuelle de 2021-2030. Cela dépendra des décisions politiques, des coopérations intra-africaines et des priorités d’allocations de ressources d’investissement pour le progrès économique et social des populations africaines. C’est l’un des défis majeurs de la décennie en Afrique subsaharienne.
Emmanuel Nkunzumwami
Écrivain-Essayiste
Analyste économique et politique
Intervenant dans les médias Radios et TV
Directeur de NERES Conseil
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