Le problème auquel les Centrafricains ont à faire face aujourd'hui est double : sécuritaire et politique.

Sur le plan sécuritaire, les forces internationales constituées de la France (opération Sangaris, avec 1.600 militaires auxquels il convient d'ajouter les forces spéciales et les missions de renseignements) vont être renforcées par d'autres troupes européennes, à hauteur de 300 à 500 soldats. L'on peut donc affirmer que les forces françaises et européennes pourront bien atteindre 3.000 hommes sur le terrain : 1.000 soldats pour assurer la sécurité de l'aéroport et de Bangui et 2.000 pour appuyer les forces africaines de la Misca dans la sécurisation du reste du pays. Et du côté de la Misca (Mission internationale de soutien à la Centrafrique), les contingents se renforcent avec l'arrivée de 850 militaires rwandais qui font passer les effectifs Misca de 4.500 aujourd'hui à 5.350 sur les 6.000 militaires attendus, après le mini-sommet du 7 décembre 2013 à l’Élysée, relevant les effectifs Misca de 4.000 à 6.000 hommes. Cependant, pour effectuer efficacement des patrouilles militaires sur l'ensemble du territoire centrafricain plus étendu que la France, un effectif minimum de 10.000 hommes est indispensable ; soit au-moins 7.000 militaires des troupes africaines bien armés, bien entraînés aux combats, bien équipés, disciplinés, bien commandés et bien coordonnés sur le terrain difficile de la Centrafrique. Sur le plan militaire de la sécurité du territoire et de la paix dans le pays, les orientations prises par la communauté internationale vont donc dans le bon sens, et l'on pourrait féliciter la France pour son engagement indéfectible à la résurrection de la Centrafrique.

Sur le plan politique, les choses sont encore trop compliquées. Il ne manque pas d'hommes et de femmes capables de diriger ce pays, mais les plus compétents ne sont pas ceux que l'on voit dans le paysage politique actuel. Certes le président putschiste autoproclamé Michel Djotodia et son Premier ministre Nicolas Tiangaye ont été renvoyés sans ménagement par les Centrafricains, avec l'aide des chefs d'Etat de la CEEAC (Communauté Economique des Etats de l'Afrique Centrale) et de la France. Mais, ils laissent derrière eux un "pseudo-parlement" qu'ils se sont institué, le Conseil National de Transition (CNT) aussi illégitime et illégal que l'exécutif congédié par démission forcée. De nombreux responsables politiques, tels que le MRC-Centrafrfrique ou le FROCA ou le MPJC (de Jeunes centrafricains) demandent la dissolution du CNT et contesteront toutes ses décisions. Aussi, un président élu par un organe illégal et illégitime n'aura pas de légitimité et de légalité pour diriger le pays, ne serait-ce que la transition en attendant les élections générales libres, pluralistes et transparentes. Mais si le CNT vote d'abord, puis disparaît, le président élu par ses membres disparaîtra de facto de son fauteuil présidentiel.
Un compromis a été obtenu par la Communauté internationale, disposant qu'aucun membre du CNT ne puisse présenter sa candidature à l'élection du président de transition. Mais pourquoi accepte-t-elle alors que cet organe, de facto reconnu comme illégitime et également co-responsable des violences et des massacres en Centrafrique comme le sont le président et le Premier ministre déchus, soit autorisé à élire un président de transition pour diriger les mêmes Centrafricains ?

La meilleure solution n'aurait-elle pas été de réunir "tous les responsables politiques non compromis dans les massacres actuels" et de leur demander de se choisir un dirigeant ou une dirigeante, dans le cadre d'un pouvoir collégial et de coalition nationale ? Cette personne et ses collègues auraient alors la charge collective de mener à bien cette transition d'un an jusqu'aux élections générales au premier semestre de 2015. La paix en Centrafrique est à ce prix. Ce pays n'avait plus de président, ni de Premier ministre "réels" et "opérationnels" depuis de nombreux mois qui ont été marqués par d'atroces massacres des populations civiles. Il peut bien attendre encore quelques jours pour que les "Responsables politiques" reconnus de ce pays et dans lesquels les Centrafricains se reconnaissent, et qui se connaissent entre eux, prennent leurs responsabilités politiques devant les Centrafricains ? Sinon, le pays risque de perpétuer le cycle ses violences pour longtemps. Nous avons tous le devoir impérieux de sauver le peuple centrafricain et d'éviter le risque d'embrasement de toute la région.

 Emmanuel Nkunzumwami.

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