Les combats pour le développement économique et social en Afrique, tenant compte de toutes les composantes de chacun des pays du continent, ne sont ni un choix politique, ni une posture tant entendue de discours sur l’émergence. Au regard des situations comparatives des pays reconnus émergents, deux ou trois pays africains pourraient y prétendre aujourd’hui. Pour la quasi-totalité des pays du continent, le chemin est encore long, et même très long.

      Cependant, même pour ces pays potentiellement émergents,  il faut se garder de jeter des mirages devant les yeux des peuples africains. Rien ne s’obtiendra sans les efforts nécessaires et importants. Quant à la quasi-totalité des autres pays du continent, les dirigeants devraient alors s’interdire de raconter des fables, et laisser des utopies à des rêveurs. Il convient donc d’éviter de fausses idées.

1°) Il n’y aura pas de monnaie africaine de tout le continent en 2025. Les disparités de gestion politique et économique des pays africains ne laissent aucune chance à la création d’une monnaie commune africaine. Entre des pays très riches, mais désorganisés par des corruptions endémiques, l’inefficience de l’État, des indicateurs sociodémographiques dégradés, d’une part, et les pays pauvres mais vertueux dans leur gestion publique et le sérieux de leur dirigeants, d'autre part, les écarts sont trop importants. Il n’existe pas de pays forts, puissants, de bonne gestion publique et totalement apaisés, pour se constituer en locomotives de l’économie et garants de la monnaie africaine comme dans les pays du nord de l’Europe (Allemagne, Autriche, Pays-Bas, Finlande…) pour l’euro. Les pays faibles du sud, tels que le Portugal, la Grèce, Chypre, pèsent très peu dans l’économie européenne pour affecter significativement la monnaie. Quant à l’Afrique, les trois premières puissances du continent gèrent encore leurs propres difficultés économiques et d’organisation. Le Nigeria, outre sa palme d’or dans les corruptions généralisées, ne compte que sur une économie de rente sur les recettes des exportations du pétrole brut. Ce n’est pas encore un véritable pays industriel. L’Afrique du Sud doit réussir les transitions politiques et sociales après des décennies d’apartheid, tout en régulant les dysfonctionnements de nombreux pays de l’Afrique australe. L’Égypte a été affectée par une transition démocratique ratée sous les coups des islamistes radicaux en 2012. L’armée a dû reprendre le pouvoir pour assurer la sécurité intérieure et reconstruire la confiance pour les investisseurs. Et voilà pour les trois premières puissances économiques du continent africain. 

      L’Afrique doit alors s’économiser les échecs d’une monnaie commune impossible pour construire son développement et se résoudre à créer des monnaies régionales. Au sein des quinze pays de l’Afrique occidentale, la CEDEAO devrait réussir une monnaie commune, construite sur le CFA, les monnaies Naira du Nigeria et Cedi du Ghana, principalement. Les monnaies des autres pays pauvres de la région complèteront le panier. L’objectif de 2025 est tout à fait réaliste pour avoir une monnaie  régionale commune opérationnelle. Il en est de même pour l’Afrique orientale où une monnaie commune est possible entre les pays de l’East African Community, l’Éthiopie, l’Érythrée et le Soudan du Sud. Djibouti est trop stratégique pour l’Europe, la Somalie doit d’abord réussir à constituer un État viable et une unité territoriale pour exister, et les îles Seychelles pourraient rejoindre la monnaie régionale, si elles le souhaitent. En Afrique centrale, comme en Afrique occidentale, la disparition du CFA ne peut se concevoir que dans le cadre d’une monnaie régionale de tous les pays fragilisés de cette région. Quant à l’Afrique australe, la locomotive sud-africaine pourrait constituer le pivot d’une monnaie régionale, incluant les composantes de toutes les monnaies actuelles des États.

2°) L’Aide au développement déresponsabilise les dirigeants africains et crée de la dépendance dans la mendicité. Qui, mieux que les Africains eux-mêmes, comprend mieux leurs besoins et leurs attentes dans leurs propres pays ? Les politiques de l’éducation, de la santé et de l’hygiène publiques reviennent aux États. Les financements des infrastructures de communication (routes, autoroutes, aéroports, voies fluviales, chemins de fer) doivent être coordonnés par des États. N’inversons pas les rôles. Les citoyens, les diasporas et les autres intervenants économiques doivent bousculer les États, et leur faire assurer leurs responsabilités. Les États peuvent ouvrir des partenariats public/privé avec des opérateurs africains ou internationaux, ou recevoir des contributions extérieures des autres États ou des organisations internationales, mais toutes les politiques publiques des infrastructures reviennent aux États. C’est l’application des principes du Modèle ORC, présenté dans "Le Partenariat Europe-Afrique dans la mondialisation" (Éd. L'Harmattan, 2013). Dans ce modèle, les États sont responsables des Orientations des politiques publiques et de leurs mises en œuvre. Les principes sont rappelés dans le schéma ci-dessous :

      De même, la production, le transport et la distribution de l’électricité, et de l’énergie en général, sont coordonnés par les États. Ils peuvent s’appuyer sur des partenaires privés et édicter les régulations et les contrôles de sécurité nécessaires. Les citoyens et les opérateurs économiques peuvent proposer des productions d’appoint de toutes sources (hydroélectrique, thermique, solaire, éolien ou d’autres sources alternatives complémentaires). Aujourd’hui, nul ne peut s’imaginer le développement de l’industrie, de l’économie numérique, de l’éclairage urbain, de la modernisation des chemins de fer, des outils de l’éducation, des équipements de santé, etc. sans électricité.

3°) Il n'y aura pas de développement sans l'éducation de la jeunesse, accompagnée de l'alphabétisation accélérée des adultes. Le continent africain compte encore aujourd'hui un trop grand nombre de pays où l'éducation primaire n'intègre pas encore 80% des enfants, et où le taux d'alphabétisation reste inférieur à 70%. A ces indicateurs s'ajoutent de forts taux de mortalités liés aux faibles infrastructures sanitaires et médicales, et les difficultés des pays à développer toutes les structures de développement dans les pôles économiques régionaux sur l'ensemble de leurs territoires. Les politiques publiques doivent déconcentrer les capitales, devenues de véritables mouroirs dans certains pays, et développer les pôles d'attractivité économique sur l'ensemble des espaces habités. Les situations suivantes appellent une grande attention des dirigeants de ces pays, notamment pour certains considérés comme parmi les plus avancés en Afrique subsaharienne, notamment le Nigeria, le Sénégal et la Côte d'Ivoire :

      Le livre « La Relance de l’Afrique » (Éditions L’Harmattan, 2017) fait l’état des lieux des situations socioéconomiques et sociodémographiques comparées, afin de proposer des chantiers du développement pour chacun des pays africains. Il a été conçu pour être clair, simple, exhaustif sur tous les pays africains, complet et accessibles à tous.


Emmanuel Nkunzumwami
Ecrivain - Essayiste
Analyste économique et politique
Editions L'Harmattan, Paris
Africa n°1, Paris
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Président de FANA-F2A
Directeur de NERES CONSEIL

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