La fin de cette année 2016 sera très particulière en Europe et aux Etats-Unis d'Amérique. Tout commence au premier semestre 2016. David Cameron décide d’honorer sa promesse de campagne et demande aux Britanniques  leur avis sur leur maintien ou non au sein de l’Union européenne, qu’ils ont intégrée en 1972, après la mort du général de Gaulle qui s’y était opposé auparavant. Mais, conjoncture d’événement ou état d’esprit intériorisé des Britanniques, la crise syrienne et les flux de migrants venant d’Afrique compliquent les relations entre le 10 Downing Street (la primature britannique) et le Parlement, d’une part, et entre les élus et le peuple britannique en grande majorité, d'autre part. David Cameron et ses proches conservateurs misent sur le sursaut et la raison pour voter le maintien de l’Île dans l’Union européenne. Ils oublient que l’inconscient collectif britannique n’est pas « raisonnable », comme pour tout corps social qui réagit négativement à des agressions supposées ou apparentes. Les routiers britanniques, les informations dans les médias et les débats politiques soulèvent régulièrement les « migrants de la jungle de Calais » comme l'une des menaces des flux de l'immigration au Royaume-Uni. Cela tombe bien pour les partisans du "Brexit", car l’Allemagne annonce avoir accepté de recevoir un million de migrants "syriens" ou supposés tels, sur une population syrienne de 17,2 millions d’habitants, avant la guerre depuis 2012 et les massacres perpétrés par tous les protagonistes du conflit. Finalement, l’Allemagne en a reçu 700.000, mais, le mal est fait. Les Britanniques n’en veulent pas chez eux et accusent l’Europe de leur envoyer des migrants. Donc, il faut quitter cette Europe. Ils votent le « Brexit ». Et David Cameron est obligé d’honorer sa promesse : les Britanniques l’ont désavoué et il doit se retirer.

     Dans le même temps, aux Etats-Unis, un homme d’affaires, novice en politique mais habitué aux politiques pour en avoir financé les campagnes électorales, se révèle. Il se nomme Donald Trump, et il a fait fortune dans l’immobilier. C’est un milliardaire comme les Américains  en rêvent, et c'est sur ses propres deniers qu’il finance sa campagne des primaires. Il se positionne clairement contre l'immigration et contre la mondialisation. Et contre toute attente, les électeurs Républicains l’investissent, contre l’avis des dirigeants et des grands élus de ce parti. Et de septembre à fin octobre, les sondages bien triés dans les médias « politiquement de gauche » aux Etats-Unis, le donnent perdant dans tous les cas de figure face à sa concurrente, Hillary Clinton. Les artistes, les milieux d’affaires, les intellectuels, les universitaires, et même les prix Nobel (un véritable syndicat de l’intelligence américaine), se lèvent pour enfoncer Donald Trump, et soutenir ouvertement et officiellement Hillary Clinton. Mais, le peuple, les pauvres américains (plus de 30 millions !), les salariés précarisés, les chômeurs, les déclassés… lèvent le bulletin, et s’opposent aux intellectuels et agissent contre les élites. Donald Trump est-il populiste ? Oui, au sens étymologique de cette appellation. Il colle aux besoins exprimés par la majorité silencieuse américaine, celle des démunis et des oubliés sur le bas-côté de la prospérité. Il a donc compris les attentes de ses électeurs, et il s’engage à y répondre. De plus, ces « oubliés » de la fortune des grands milieux américains « rêvent » toujours et encore de l’ « American dream », incarné par Donald Trump. Peu importe s’il soit héritier de l'empire familial. Pour eux, il représente le rêve de la réussite. Il fait rêver et les pauvres se projettent. Il est loin d’Hillary Clinton, une politicienne professionnelle, dans l’ombre de son mari, Bill Clinton, ancien président des Etats-Unis. Et le 8 novembre 2016, la majorité silencieuse des Américains élit le futur président Donald Trump. Les élites et les « politiquement corrects » crient au scandale. Mais, c’est la démocratie. Le peuple a pris le pouvoir et il entend bien l’exercer. Donald Trump a eu l’intelligence d’une campagne de la primaire, où il faut toujours emporter l’adhésion des électeurs de son propre camp. La droite protectionniste, conservatrice et identitariste américaine. Le populisme ne consiste pas à proposer des solutions simplistes à ses électeurs, de type « presse-bouton », mais surtout à désigner un ennemi commun, un bouc-émissaire commode. Il l’a trouvé, et même deux plus qu’un : l’immigration et la mondialisation. Voilà les sources désignées de la misère des plus pauvres, des chômeurs, des oubliés dans l’antichambre de la route de la fortune américaine. On va les combattre ensemble. Et les Américains ont suivi le mot d’ordre du général anti-immigration et anti-mondialisation Donald Trump. Peu importe si l’on n’y arrive pas, l’important n’est pas de gagner, mais de participer à la compétition pour tenter de gagner, comme dirait Pierre de Coubertin.

     Ensuite, le 20 novembre 2016, c’était le tour de la France. La droite et le centre, habituellement disciplinés derrière les fameux « chefs naturels », se révoltent contre l’idée d’un leader unique. Ils passent les prétendants au concours national de sélection. L’ancien président de la République, Nicolas Sarkozy et ses six compagnons, à l’issue d’une campagne qui a préservé les secrets de famille et la dignité des hommes, se présentent enfin devant les Français. Plus de quatre millions de Français, se bousculent dans les bureaux de vote. Les quatre favoris  des médias du premier tour étaient, dans l’ordre, Alain Juppé, Nicolas Sarkozy, Bruno Le Maire, François Fillon. Et les électeurs ont fait leurs jeux. Et dans les urnes, les ordres sont totalement bouleversés à l’issue de l’élection : François Fillon, Alain Juppé, Nicolas Sarkozy, Nathalie Kosciusco-Morizet (qui n’était même pas dans le radar). Les scores de Nicolas Sarkozy, Bruno Le Maire et Jean-François Copé s'effondrent très loin au-dessous des sondages… L’ancien président de la République et président en exercice du parti Les Républicains est rejeté par ses propres militants, avec 20,7% des suffrages, contre plus de 40% pour son ancien « collaborateur » François Fillon. Alain Juppé, crédité par les sondages de plus de 35%, est bloqué par les électeurs à moins de 30%%. Ensuite, ce sont les mêmes militants qui se vengent pour écarter Alain Juppé, considéré comme un candidat exfiltré par la gauche dans la compétition, et ils lui préfèrent un « mal-aimé », mais qui ne leur est pas imposé, François Fillon. Et voilà comment, « monsieur-même-pas-12% » deux semaines avant le premier tour est devenu le premier de la compétition. Il est le candidat de la droite et du centre à l’élection présidentielle. L’ancien président de la République a même perdu la présidence du parti qu’il a contribué à créer. C'est la maturité de la démocratie interne et le jeu de l'élection.

     Et ce n’est pas fini. François Hollande, président en exercice, est sommé par ses camarades socialistes de se présenter à la primaire « citoyenne » de Socialistes pour mériter de se présenter à l’élection présidentielle. Mais, opportunément, le 30 novembre 2016, la presse se charge de lui indiquer qu’il ne pourrait recueillir au mieux que 7,5% de voix. Alors, en toute dignité et lucidité, le 1er décembre, depuis le salon de l’Elysée, le président François Hollande déclare qu’il ne sera pas candidat au renouvellement de son mandat à l’élection présidentielle de 2017. Après avoir égrené ses réussites et un regret sur le proposition de la déchéance de la nationalité aux personnes convaincues de terrorisme, d'un ton grave emprunt de beaucoup de déception visible, François Hollande s'incline.  Et, la liste des doléances est ouverte dans le livre d’inscription des candidats à la primaire socialiste. Les mêmes qui, tout au long du quinquennat n'ont pas ménagé leurs efforts pour savonner la planche pour François Hollande. Ils lui ont mené la vie dure, pour l'obliger à renoncer à se représenter à nouveau devant les Français pour leur demander la confiance pour un nouveau quinquennat. Il a trahi ? Oui, car il a été élu comme "Socialiste" le 6 mai 2012, et il a confirmé en janvier 2014 qu'il a toujours été "social-démocrate". Il y a une nuance, car les sociaux-démocrates mènent des politiques économiques sociales-libérales. Les socialistes de la "gauche radicale" ont crié à la trahison. Ils ne veulent peut-être pas que la France se modernise, comme dans d'autres pays européens comparables. Le 7 décembre 2016, ils étaient déjà dix. Entre les rancuniers, les fantaisistes, les oubliés des radars qui veulent ressusciter devant les caméras, les apprentis… A la primaire de socialistes, tous sont permis. L'artisan de la politique sociale-libérale de François Hollande, l'ancien Premier ministre Manuel Valls, a dû quitter Matignon pour entrer dans la bataille de cette primaire de la gauche.

     Et en fin de semaine, l’Italie d’un autre social-démocrate, Matteo Renzi, se réveille. Ce dernier veut moderniser son pays, économiquement et politiquement. Mais, la réforme constitutionnelle ne passe pas. Les Italiens sont plus conservateurs qu’on ne le croyait. Et le référendum est perdu. Et l’on boucle en Italie comme on avait commencé avec le Royaume-Uni. Le référendum était un pari de l’intelligence, il a été perdu par le réalisme des peuples, et les initiateurs en ont tiré les enseignements sur le rejet de leurs peuples et ils ont démissionné. Matteo Renzi suit David Cameron dans la démission, après les référendums perdus. François Hollande n’a pas voulu attendre le désaveu du peuple par les urnes, il l’a précédé, dans la dignité et dans l’honneur. Il a préféré sortir par la grande porte de l’Elysée, plutôt que par la porte arrière du jardin avec la honte et la huée du peuple. Son bilan réel sera dressé plus tard, quand il aura quitté le pouvoir, dès l’investiture de son successeur en mai 2017. Quand les analystes non partisans se pencheront sur son action sur le quinquennat, ils seront surpris que le président François Hollande aura accompli quelques réformes de structure importantes. Nous y reviendrons.

Emmanuel Nkunzumwami

Ecrivain-Essayiste

Analyste politique et économique

twitter : @Nkunzumwami

Facebook : facebook.com/emmanuel.nkunzumwami

Les démocraties occidentales à l'épreuve des crises sociales : Etats-unis, Royaume-Uni, France, Italie
Les démocraties occidentales à l'épreuve des crises sociales : Etats-unis, Royaume-Uni, France, Italie
Les démocraties occidentales à l'épreuve des crises sociales : Etats-unis, Royaume-Uni, France, Italie
Les démocraties occidentales à l'épreuve des crises sociales : Etats-unis, Royaume-Uni, France, Italie
Retour à l'accueil